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Coronavirus : La mutation forcée du marché du cannabis


Rédigé par Hajar LEBABI Lundi 11 Mai 2020

Difficultés d’approvisionnement, risque de pénurie, hausse des prix... Le confinement a bouleversé le marché du cannabis. Dealers, consommateurs et autorités… Tout le monde essaye de s’adapter.



Saisie de 7228 tonnes de chira destinées au trafic international par voie maritime.
Saisie de 7228 tonnes de chira destinées au trafic international par voie maritime.
Le marché de la drogue a été fortement impacté par la crise sanitaire. Les conséquences de cette dernière pourraient «conduire à une transformation durable et profonde des marchés de la drogue», selon un rapport del’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). 

Concrètement, les trafiquants doivent gérer une pénurie de matière première et tentent d’adapter leurs routes de livraison bouleversées par la pandémie du Covid-19, détaille le rapport, publié le 7 mai.Il évoque également une pénurie au niveau de la vente de détail dans de nombreux pays suite à la fermeture massive des frontières. Du côté des consommateurs, le rapport souligne que la demande de cannabis a augmenté avec le confinement. Sur le volet transformation durable, l’ONU note que pour les groupes de trafiquants de drogue, l’heure est à l’adaptation des stratégies par rapport au contexte actuel.

Rien qu’aujourd’hui, la police de Casablanca, a saisi 3,5 tonnes de chira, soigneusement dissimulés dans une cargaison de produits fourragers, à bord d’un camion de transport routier de marchandise en provenance d’une des villes du nord du Royaume. L’opération a permis l’arrestation du conducteur et d’une femme qui se trouvait également à bord du camion, tous les deux ayant des antécédents judiciaires pour trafic de drogue.

Les dealers et consommateurs s’adaptent

Quand l’état d’urgence a été annoncé dans le pays, Aymane ne s’est pas précipité dans un point de deal pour assurer son stock de cannabis, mais a veillé à ne pas se retrouver sans. Cet ingénieur, qui en est un consommateur quotidien, comptait sur son stock habituel. «Je savais qu’à l’instar des autres pays, nous risquions de passer au confinement. Je me suis donc approvisionné en avance», déclare-t-il. «Le souci qui se pose pour moi est un souci de consommation. Vu que mes activités sont très limitées en cette période, je fume beaucoup plus». En effet, la crise sanitaire a chamboulé non seulement les habitudes des consommateurs, mais, tout le marché de la drogue.

A Rabat, Hamza continue d’acheter du haschich selon de nouvelles conditions. Son dealer a simplement réalisé quelques ajustements: une commande de 300 Dhs minimum, sans la ristourne habituelle pour cette quantité et pas de déplacement après 17H. «Le dealer se déplace chez moi grâce à son ami qui est transporteur. Il devient très exigeant et me demande même de payer ses frais de déplacement», se plaint cet étudiant. «J’achète une fois par semaine et à chaque fois je panique. J’aurais aimé pouvoir arrêter et m’éviter tout ce stress, mais, c’est difficile».

Ismaïl, résidant à Salé avec sa famille utilise, quant à lui, une autre méthode. «Le dealer est un voisin à moi. Quand j’ai besoin de haschich il me le dépose dans la boîte à lettres et je lui laisse l’argent là-bas», explique Ismaïl. Pour lui, le problème est plus lié à la qualité de ce qu’il consomme. «J’ai remarqué que la qualité a diminué. J’ai entendu dire que certains trafiquants plantent du cannabis chez eux et ajoutent beaucoup de matières dans le haschich. Ils font de leur mieux pour maintenir leur stock, mais, la demande augmente et ils ne peuvent pas se déplacer dans d’autres villes». Face à cette demande, les trafiquants développent des méthodes de production qui peuvent être encore plus nocives pour la santé des consommateurs.

Tous les moyens pour trafiquer à l’international

Le trafic de cannabis du Royaume vers l’Europe se poursuit, mais, avec beaucoup de difficultés. Maintenant que les frontières sont fermées et que le monde entier est en alerte, les contrôles deviennent nombreux. Rien que lundi dernier, la police avait saisi 7,2 tonnes de résine de cannabis à Casablanca.La drogue saisie par les autorités était destinée au «trafic international par voie maritime». La police a fait état de trois arrestations.

Le trafic de haschich se maintient également entre le Maroc et Espagne, en dépit de la pandémie. La Garde civile avait arrêté en quinze jours 58 trafiquants en Andalousie, précisant avoir également saisi «plus de 5,5 tonnes de haschich, neuf embarcations et douze véhicules».

Depuis le début de l’état d’alerte, «la capacité de mouvement des organisations criminelles a diminué mais cela n’a pas entraîné un arrêt de l’activité des trafiquants de drogue qui transportent le haschisch du Maroc jusqu’au littoral andalou, par voie maritime», constate la Garde civile.

Il est certainement impossible d’arrêter ce trafic, sur les plans national et international. Tant qu’il y a des consommateurs, il y aura toujours des trafiquants. L’enjeu qui se pose actuellement est de limiter les activités de ce marché et de développer de nouvelles méthodes pour s’adapter aux nouvelles formes de trafic qui vont émerger.

Hajar LEBABI