L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search


Agora

Coran, science et modernité (4ème partie) : Les contes d’amour dans le Coran… Ou quand l’amour est plus fort que la guerre


Rédigé par Mohammed LANSARI le Dimanche 1 Mai 2022



Le Coran est riche de récits tous aussi instructifs les uns que les autres. Mais d’emblée, le Coran nous met en garde contre toute fausse interprétation :

«Ainsi, Nous te contons certains récits des temps révolus et c’est bien un rappel de Notre part que Nous t’apportons»(Sourate Taha - V99).

«Nous avons envoyé bien des prophètes avant toi. Nous t’avons raconté l’histoire de certains d’entre eux et Nous Nous sommes tu sur celle des autres» (S. Ghafir - V78)

«Il y a, à coup sûr, un enseignement dans l’histoire des prophètes pour les hommes doués d’intelligence. Ce livre n’est point un récit inventé de toutes pièces, mais il est une confirmation des Écritures antérieures, un exposé détaillé de toutes choses, une bonne direction et une grâce pour ceux qui croient en leur Seigneur»(S. Youssef - V.111).


En effet, le Coran va nous citer 25 noms de prophètes ou de messagers de Dieu, sur les 124.000 recensés par notre prophète bien aimé. Le plus cité est incontestablement Moise -34 fois-, Suleiman (Salomon) 16 fois, Jésus Christ 25 fois, Youssef (Joseph) 26 fois, comparativement aux 5 fois que le Coran cite Sidna Mohammed, 4 en tant que «Mohammed » et 1 fois en tant qu’Ahmed.

Pour des raisons d’espace ici, nous partagerons seulement le récit de Suleiman avec Belquis, la reine de Saba. Un conte tout en subtilités, finesses et enseignements.

Le nom de Belquis, également appelée Makeda- reine de Saba, selon la tradition éthiopienne, ou «Balqama» selon la tradition du Yémen, ce nom qui invite à l’herméneutique, est bien présent dans les récits hébraïques et bibliques en tant que «Seba».

Le Coran, qui n’a désigné aucune femme par son nom, à l’exception de Meryem, ne la désignera qu’en tant que «reine de Saba», mais il sera plus précis et plus prodigue que la Torah ou l’Evangile dans les circonstances de sa rencontre avec Salomon.

«Makeda» régnait d’une main de fer sur son royaume de Saba, qui englobait le Yémen du nord, l’Ethiopie et l’Érythrée. Un vaste territoire riche de minéraux et de pierres précieuses. Un pays riche par l’agriculture et le commerce. Le royaume de Saba existait déjà 1500 ans av. J.C. Son peuple lui vouait adoration et dévouement aveugle.

Suleyman est sur le trône de Jérusalem. Il cumule pouvoirs, puissance, érudition et sagesse. À son service, toute une panoplie de soldats. Non seulement il a sous ses ordres les hommes et les Djinns, mais également les vents et toutes les espèces animales, dont il maîtrise le langage.

Aucun prophète ni messager de Dieu de son vivant n’a eu autant de pouvoirs que lui. Ses pouvoirs nous sont relatés en détail dans le Coran qui le citera 16 fois dans 7 sourates différentes. Si certaines sources sont imprécises, voire confuses, le Coran nous gratifiera avec une multitude de précisions quant aux circonstances de cette rencontre providentielle.

La huppe, dont la mission était de rechercher des points d’eau pour les troupes de Salomon, et afin de justifier son absence pour éviter le châtiment de Suleyman, lui rapporta qu’il existait un peuple, le peuple de Saba, commandé par une femme, qui se prénommait «Makéda» selon la tradition éthiopienne, idolâtrait le soleil, au lieu de Dieu, l’Unique : «J’ai découvert que c’est une femme, disposant de grandes ressources et ayant un magnifique trône qui règne sur eux. Et j’ai découvert qu’elle et son peuple adorent le Soleil au lieu d’adorer Dieu, car Satan a embelli leurs actions à leurs yeux et les a détournés du droit chemin, de sorte qu’ils errent sans direction» (La Fourmi, V. 23). Ce récit est l’histoire de deux personnages puissants au sommet de leur gloire, que rien ne prédestinait à se rencontrer, encore moins à s’aimer et fonder un foyer. Leur confrontation se terminera en apothéose par une grande passion et une descendance mâle, au grand bonheur de Saba.

Une courte et simple missive du puissant roi Salomon, débutée par «Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux… », va, non seulement pacifier une région et le peuple de Saba, ébranler le trône de la reine d’Ethiopie et d’Egypte mais, et surtout, ces quelques mots vont lui ouvrir le coeur de la reine la plus puissante et la plus érudite de son pays, voire de toute la région. Quelques mots qui vont changer le cours de l’histoire, sans guerre ni bain de sang.

Si la conquête de territoires est le fait de grands généraux, aguerris aux techniques de guerre et disposant de grands moyens, la conquête d’un coeur reste l’apanage uniquement des grands séducteurs. Elle est mille fois plus stimulante, et reste au demeurant la plus difficile.

Alors le roi Salomon va charger la huppe de porter une lettre à la reine de Saba. Une lettre courte, directe et sans équivoque : «Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Ne soyez pas orgueilleux envers moi ! Venez plutôt me faire votre soumission»(V30; chap.28).

Après avoir consulté ses conseillers les plus proches, elle décide de lui envoyer un cadeau qu’il refusera d’emblée. Alors elle décide de se rendre elle-même à Jérusalem, rencontrer Salomon, offensée qu’elle était, par son refus d’accepter ses précieux cadeaux d’or, de pierres précieuses, du bois de santal, accompagnés de toutes sortes d’aromates chères et rares, en particulier les fameux essences odoriférantes dont raffolent les peuples d’Orient. Elle voulait également vérifier par elle-même de qui des deux est supérieur en puissance, et en érudition. Elle accomplira son périple à partir du port d’Ophir, au Yémen.

A son arrivée, en comparaison avec son palais, elle sera tout de suite éblouie par le temple de Jérusalem, construit par Salomon lui-même. Ce voyage va lui révéler à son insu toutes les subtilités et les dangers de l’art de la séduction, car le roi Salomon va se révéler terriblement séduisant, sage et plus intelligent. Les djinns de l’entourage de Salomon, effrayés à l’idée qu’il puisse épouser l’intruse, répandirent la rumeur selon laquelle elle aurait les jambes velues et des sabots à la place des pieds.

Salomon conçoit donc une ruse, plaçant au sol des miroirs, des dalles en cristal, que la belle Balqis va prendre pour de l’eau. Afin de traverser, elle souleva sa robe, dévoilant une paire de jambes humaines. Salomon ordonna ensuite à ses démons de préparer un dépilatoire spécial, pour la défaire de ses poils disgracieux. «Seigneur dit-elle, je me suis fait du tort à moi-même, et avec Salomon, je me soumets à Dieu, le Maître de l’Univers»(V.44). Du coup, son orgueil et toute sa superbe s’envolent en éclat.

Cet aveu n’est pas celui d’une reine vaincue, mais bien plus d’une femme aimante, tombée sous l’emprise du charme et du charisme de Salomon.

De ce combat de titans, elle était partie à Jérusalem auréolée de sa beauté et de sa puissance, elle en reviendra toujours reine, puisqu’elle sera confortée dans son trône grâce à la générosité de Salomon, mais reviendra avec un nouveau statut, celui d’épouse et de mère. Elle entreprit son périple bardée de toutes sortes de cadeaux, elle retournera à son peuple, après plus d’une année d’absence, avec un seul cadeau, mais le plus précieux et le plus prisé de tous : un héritier mâle du trône du royaume de Saba.

De cette épopée, naîtra le futur roi de Saba, prénommé «Menilik», qui fondra «la dynastie des Salomonides».

Aucune femme, depuis que les temps existent, n’a été autant glorifiée, ou magnifiée. Même Cléopâtre, au crépuscule de sa beauté et sa puissance, n’a eu autant les honneurs des artistes et des écrivains. La reine de Saba inspirera Handel, qui composera en mars 1749 une très belle symphonie en trois actes, qu’il intitulera «Salomon». Le 3ème acte sera consacré justement à la rencontre de Salomon avec la reine de Saba.

Elle sera présente dans les répertoires des chanteurs Michel Laurent, Cheb Khaled, ou la chanteuse japonaise Shikida.

L’actrice italienne Gina Lollobrigida et Yul Brynner donneront en 1959 la meilleure des interprétations des personnages de Salomon et de la reine de Saba, après plusieurs tentatives, en particulier en 1913, 1921, et 1952.

La reine de Saba va inspirer plusieurs peintres, notamment Claude Gellée, dit «le Lorrain», au 17ème siècle, ou l’art Safavid en Iran entre le 15ème et le 18ème siècle.

Les sculpteurs immortaliseront le buste de La belle Balqis. Une très belle statuecolonne se trouve au Musée du Louvre, et une autre à la cathédrale Notre-Dame de Rennes.

Enfin la gastronomie ne sera pas en reste, avec un délicieux gâteau «reine de Saba», à base de poudre d’amande et à la maïzena, la fécule de maïs.

Avec autant de richesse et de symboles sur la reine de Saba, on ne peut que magnifier la personne qui porte royalement bien son nom.

Leur histoire est l’illustration la plus passionnante de l’art de la séduction, voire de la passion tout court, à l’instar de celle vécue par Moise et sa belle Sephora, ou encore le prophète Abraham avec sa vaillante et courageuse Sara, et dans une certaine mesure, celle de Joseph et la fougueuse Zoleikha, épouse de Putiphar, grand commissaire et exécuteur en chef du roi d’Égypte.

Quatre contes détaillés dans le Coran, quatre destinées, mais une seule passion, une  seule attitude de dignité de tendresse et de respect partagés. Des contes de couples modèles de passion et de dévouement. Chacun nous enrichit de sa morale et de ses enseignements.

L’un n’hésitant pas à apporter son aide à deux femmes démunies devant des bergers insouciants. Abraham, très soucieux du devenir de sa femme et de son fils Ismaïl, avant d’entreprendre son périple sur ordre de Dieu. Quant à Joseph, c’est le refus de trahir la confiance de son bienfaiteur et tomber dans le péché.

Tous les contes relatés dans le Coran n’ont pas pour but de nous distraire, mais bel et bien de parfaire notre âme et nos relations avec nos épouses et nos mères.

Le récit de Suleiman dans le Coran est riche d’enseignements qui, s’ils étaient appliqués dans la vie quotidienne de chacun de nous, nous aurions, à n’en point douter, une société harmonieuse et surtout juste.

D’abord la modestie et l’utilisation du pouvoir au service des autres et des plus faibles. Ainsi, Suleiman, juché sur sa belle et haute monture entend la fourmi qui avertit le reste de la fourmilière : «Ô fourmis ! Regagnez vos demeures de peur que Salomon et ses armées ne vous écrasent sans s’en apercevoir»(V18), «Ces paroles firent sourire Salomon»(19), qui remercia Dieu des bienfaits dont il est comblé. Sa réaction est immédiate et en fonction de cette préoccupation de sujets faibles et démunis.

A travers ce récit de Suleiman et cette épopée avec la reine de Saba, c’est la détermination et la force de décision qui prévaut dans ses objectifs et le refus de toute forme de corruption : «Vous voulez m’aider par vos présents, alors que ce que Dieu m’a accordé est bien meilleur que ce qu’il vous a donné!»(V36).

Enfin, ce récit confirme la suprématie de la courtoisie et de la diplomatie sur la guerre et les conflits sous toutes ses formes.

« Raconte-leur ces récits ! Peut-être les feront-ils réfléchir ?»(Al Aaraf - V.176)

 


Mohammed LANSARI
Consultant international
Écrivain