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Constructions en terre : Un patrimoine matériel et immatériel à conserver et à améliorer


Rédigé par Oussama ABAOUSS Mercredi 1 Septembre 2021

Matériau disponible, accessible, efficace et écologique, la terre a permis de bâtir des ksour et kasbah qui font la fierté de notre pays. Zoom sur un savoir-faire qui a autant de passé que d’avenir.



Constructions en terre : Un patrimoine matériel et immatériel à conserver et à améliorer
Professeur de l’enseignement supérieur, directeur adjoint chargé de la recherche à l’Ecole Nationale d’Architecture de Rabat et éditeur de la revue scientifique électronique « African and Mediterranean Journal of Architecture and Urbanism », Khalid El Harrouni estime que le patrimoine culturel, matériel, immatériel et savoir-faire marocains de construction en terre sont un legs à conserver et à améliorer.


- On fait souvent référence aux méthodes de construction en terre en évoquant la technique du pisé. Est-ce approprié dans le contexte marocain ?

- En plus du pisé, il existe plusieurs autres types et techniques de construction de terre. Il y a ce qu’on appelle « l’adobe », c’est-à-dire des constructions à base de briques en terre crue. Ce genre de briques a été utilisé aussi bien dans les médinas, que dans les ksour et les kasbah. Il y a également le béton de terre crue comprimée, qui est plus ou moins le principe du pisé à une petite échelle : celle de la brique. Il y a enfin la brique de terre cuite dont l’utilisation au Maroc remonte à plus de 10 siècles, notamment dans les monuments historiques de Fès.

Souvent, les gens remarquent les aspects extérieurs des monuments (reliefs, zelliges, gravures), mais la longévité de ces bâtisses se fonde sur des structures tout aussi impressionnantes, qui ont des épaisseurs importantes et qui font appel à des modes de construction et de positionnement très subtiles.


- Existe-t-il d’autres matériaux qui étaient utilisés dans les constructions en terre ?

- En effet, il existe d’autres matériaux secondaires, notamment l’enduit ou le mortier à base de terre argileuse. Les vrais maâlems savaient trouver et sélectionner la bonne granulométrie et la « bonne terre » à laquelle ils faisaient subir les traitements adéquats pour la transformer en mortier et en terre de construction. Il y a également d’autres matériaux naturels tels que le bois et la pierre taillée utilisés dans les monuments qui avaient une vocation de défense ou encore dans les greniers et bâtisses du Haut Atlas. Au fur et à mesure qu’on change de région ou qu’on monte en altitude, la technique et les matériaux de construction en terre changent aussi…


- Quels sont les facteurs qui ont imposé ces changements de techniques et matériaux utilisés ?

- Les critères qui ont toujours prévalu sont la stabilité de l’ouvrage, sa sécurité et son confort. Les matériaux à base de terre et de pierre permettent une « inertie thermique » importante. Pendant l’hiver, ces constructions offrent des ambiances chaudes et tempérées, puisque, justement, cette inertie thermique permet une isolation thermique.

Pendant l’été, au niveau des vallées par exemple, où il peut faire chaud, l’intérieur de ces bâtisses offre des ambiances très fraîches. Cependant, malgré ces avantages, il ne faut pas oublier un ennemi des constructions en terre : l’eau. Pour garantir la pérennité et la sécurité d’une bâtisse, il fallait absolument tenir compte de l’eau capillaire du sol qui peut attaquer les soubassements des constructions en terre. Prévenir ce risque, quand il existe, passe par la construction de fondations en maçonnerie et le drainage.


- Qu’en est-il de la stabilité des bâtisses de terre pendant les séismes ?

- On sait que les constructions en terre ne résistent pas généralement aux secousses violentes, mais un savoir-faire a également été développé pour pallier ce risque. On remarque par exemple dans certaines petites ruelles des arcades qui ne portent aucune structure, mais qui ont été construites justement pour absorber les mouvements horizontaux et les contraintes latérales provoqués par d’éventuelles secousses.

Contrairement à ce que les gens pensent, les arcs ne doivent pas être rigides pour jouer une fonction de ce genre. Ils doivent être souples, et c’est pour ça qu’ils ont été construits en briques de terre. Je tiens à préciser que la sécurisation de ce genre de constructions est un travail continu. C’est dans cette perspective que le Maroc a établi en 2013 le code parasismique de la construction en terre.


- À qui est dédié ce code parasismique de la construction en terre ?

- Le RPCT (Règlement Parasismique des Constructions en Terre) concerne toutes les bâtisses en terre, que ce soit pour la consolidation ou pour la construction. Ce qui est intéressant, c’est que ce règlement contient deux volets. Il y a, d’abord, le guide parasismique d’autoconstruction en terre, qui est un recueil de prescriptions et de bonnes pratiques en matière de protection sismique, élaboré pour assister les artisans et les maâlems dans les constructions en milieu rural principalement. Le deuxième volet est le règlement parasismique des constructions en terre, destiné aux architectes et aux ingénieurs et aux intervenants dans l’acte de construction.


- Est-il aujourd’hui possible pour un particulier au Maroc de choisir de construire sa maison en terre ?

- En périmètre urbain, les procédures de construction sont encadrées par la réglementation urbanistique qui n’autorise pas les constructions en terre. Il existe cependant un moyen de le faire dans le respect de la loi, à savoir de concevoir un projet où l’ossature de l’édifice est en béton armé et l’enveloppe à base de terre…


- Les architectes et ingénieurs marocains continuent-ils à perfectionner ce savoir-faire ancestral ?

- Je confirme. Il existe à ce niveau deux catégories d’acteurs qui sont impliqués dans des dynamiques de ce genre. Il y a, d’une part, les compétences (ingénieurs, techniciens, maâlems et artisans) qui continuent à développer le savoir-faire ancestral de construction en terre. Il y a, d’autre part, les professionnels et architectes qui tentent d’employer de nouvelles techniques et technologies pour enrichir l’authenticité de ce genre de construction avec une nouvelle modernité.

Je tiens ici à préciser que l’Ecole Nationale d’Architecture de Rabat, en partenariat avec l’Ecole de Chaillot à Paris, dispense une formation spécifique (Diplôme Supérieur de l’Architecture du Patrimoine) destinée aux architectes pour les former davantage dans le patrimoine. À ce jour, il existe beaucoup de personnes qui se sont spécialisées dans ce domaine et plusieurs innovations et conceptions nouvelles ont été réalisées.


- Pouvez-vous nous citer un exemple d’approche innovante pour améliorer le potentiel de la construction en terre ?

- Concernant la notion de confort thermique, il y a une réglementation thermique qui date de 2014. Dans le cadre de mes recherches et avec le partenariat d’autres doctorants et collègues chercheurs, nous avons pu évaluer les performances thermiques des constructions en terre pour ensuite les confronter avec les seuils établis par la réglementation thermique existante au Maroc.

Nos recherches ont mis à jour des résultats extraordinaires qui confirment la qualité et le confort thermique de ce genre de bâtisses. Notre travail a également mis en avant un potentiel d’amélioration grâce à l’utilisation de produits d’isolation qui sont également naturels (fibres organiques recyclées et nettoyées et d’autres produits naturels) et qui améliorent encore plus les performances thermiques des constructions en terre.

 
Recueillis par Oussama ABAOUSS

 

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Patrimoine


Une nouvelle stratégie pour réhabiliter les Ksour et Kasbah du Royaume
 
Une nouvelle stratégie intégrée de valorisation durable des Ksour et Kasbah à l’horizon 2026 a été présentée, le 23 août 2021, lors d’une rencontre organisée à Rabat, à l’initiative du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) et le ministère de l’Aménagement du Territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville.

Cette nouvelle feuille de route prévoit un plan d’action pour la période 2022-2026, qui concerne les aspects juridiques et institutionnels, l’inclusion des Ksour et Kasbah dans les priorités des programmes de lutte contre l’habitat insalubre, les disparités spatiales et la considération de la réhabilitation des Ksour et Kasbah comme l’un des mécanismes contribuant à l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD). Selon les déclarations de Mme Bouchareb, ministre de l’Habitat, 494 ksour et kasbah dans le Sud-Est du Royaume seront valorisés dans le cadre de cette stratégie à l’horizon 2026, pour une enveloppe budgétaire de 5,3 milliards de dirhams.

Ce projet se traduira également par la création de 530.000 jours de travail et la création de 790 activités génératrices de revenu destinées, en outre, à consolider les compétences avec un investissement global de 180 millions de dirhams en plus de la création de 4000 emplois directs, selon les détails livrés par la même source. Cette stratégie se base sur une approche intégrée qui « garantit la convergence des politiques publiques, tout en veillant à améliorer les conditions de vie des habitants et à rendre ces espaces plus attractifs ».

O. A.