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Classe moyenne: L’ombre du déclassement social plane sous nos cieux !


Rédigé par Anass MACHLOUKH Dimanche 23 Mai 2021

Pierre angulaire de l’économie marocaine, la classe moyenne a besoin d’être valorisée à la veille du nouveau modèle de développement. Le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) insiste sur les vertus des services sociaux. Détails.



Colonne vertébrale de l’économie de notre pays, la classe moyenne a souffert et continue de souffrir des conséquences fâcheuses de plusieurs décennies de politiques néolibérales, ayant réduit son pouvoir d’achat. Bien qu’ils soient un moteur de croissance, par leur potentiel de consommation et d’épargne, salariés, fonctionnaires, travailleurs, commerçants et petits patrons de PME, bref ceux qui vivent de leur travail, ne parviennent pas à boucler les fins de mois, faute de services sociaux dignes de ce nom et de soutien à la demande. Hausse des prix à la consommation, des loyers, des frais de santé et d’éducation sont autant de pathologies de dégradation de cette classe qui constitue près de 59% de la population marocaine, selon le HCP. Protéger cette classe si vitale pour la survie du pays semble une condition sine qua non pour réussir le prochain modèle de développement. Le sort des « gens moyens » a été scruté par le Conseil Economique, Social et Environnemental, saisi par la Chambre des Conseillers, qui s’est prononcé sur la situation de la classe moyenne au Maroc et sur les perspectives de son élargissement, lors d’une journée d’étude, tenue mercredi, sous le thème : « Elargissement de la classe moyenne, locomotive du développement durable et de la stabilité sociale ». Il s’agit de cerner l’étendue de cette classe, dont les statistiques manquent cruellement, et de lui consacrer une définition claire, sans équivoque.

Une classe ou des classes moyennes

Facteur de stabilité politique et socioéconomique, comme l’a souligné le président du CESE Ahmed Réda Chami, la classe moyenne reste difficile à déterminer, faute de chiffres et d’études précises. Pourtant, les chiffes du Haut-Commissariat au Plan (HCP) n’en donnent pas moins une idée sur cette catégorie de la population. Selon l’exposé du CESE, la classe moyenne serait elle même constituée de sous-classes en fonction du revenu. On distingue la classe aisée (31,2%), celle à revenu élevé (18,8%), la classe intermédiaire à revenu moyen (18,5%) et la classe inférieure à revenu modeste qui occupe plus de 31,5%. Sur les plans des professions, les hauts cadres, les grands agriculteurs, les commerçants et les intermédiaires financiers forment la classe aisée avec 18,8% du total de la classe moyenne. Le reste est constitué du Salariat, autrement dit ceux qui dépendent de la sueur de leur front pour gagner leur vie, il s’agit des travailleurs indépendants, ouvriers, paysans et artisans qui forment 46,6%. S’ajoute à ces catégories les gens qui vivent de la rente, à savoir les retraités (pensionnaires) et celles qui vivent des activités informelles, avec une part de 34,6%.

Une classe bénéfique, mais martyrisée économiquement

Le président du CESE a cité les vertus de la classe moyenne. En plus d’être une source de croissance par son potentiel de consommation, cette catégorie permet également, à travers l’épargne qu’elle peut accumuler, de stimuler l’investissement et ainsi la création d’emploi.

Toutefois, les politiques publiques, menées jusqu’à présent, n’ont pas habilité la classe moyenne à jouer son rôle. En témoigne les mesures libérales controversées, prises ces dernières années, dont la libéralisation des prix des hydrocarbures, la baisse du budget de compensation des produits de base et la flexibilisation du recrutement dans la Fonction publique. L’austérité et la rigueur budgétaire pratiquée de façon dogmatique par les gouvernements successifs ont rétréci considérablement le pouvoir d’achat de la population, réduisant l’accès des citoyens aux services sociaux tels que la Santé et l’Education. Lesquels ont été tellement privatisés que les familles qui vivent de leurs salaires payent un double impôt, selon l’expression d’Ahmed Reda Chami. À noter qu’elles s’acquittent de leurs devoirs fiscaux, en plus des services sociaux qui sont censés être gratuits. Dans son allocution, le patron du CESE a fait état d’un manque de convergence et d’harmonie entre les secteurs public et privé en ce qui concerne les services sociaux de base, ce qui contribue aux inégalités sociales.

Les participants à la rencontre n’ont pas manqué de souligner la nécessité d’une volonté politique pour améliorer le sort et les conditions de vie de la classe moyenne. Ce qui semble être le cas, du moment que le Royaume s’apprête à mettre en oeuvre des réformes décisives telles que la généralisation de la couverture sociale qui bénéficiera à 22 millions de personnes et la légalisation du cannabis qui est censée améliorer le sort des agriculteurs de la région du Nord. La réforme du système de santé est également perçue comme un chantier bénéfique pour la classe moyenne.

Sauver la classe moyenne : la recette du CESE

Comment tirer la classe moyenne du traquenard de la paupérisation ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre le CESE à travers 38 recommandations. Il est préconisé d’édifier un vrai Etat social capable de procurer des services sociaux de qualité à titre gracieux. A cet égard, la refonte de l’école et de l’hôpital publics est inéluctable pour pousser les gens à s’y rendre au lieu de se faire exploiter dans le secteur privé. Aussi faut-il mettre en place une vraie politique de logement, qui implique une révision du marché immobilier.

Dans la liste des doléances du Conseil d’Ahmed Réda Chami, l’une des mesures qui s’impose le plus est la réforme de la fiscalité, jugée trop accablante pour la classe moyenne et trop indulgente envers le capital et les activités rentières qui échappent parfois à l’imposition. Il suffit de constater que les salariés payent plus de 70% de l’impôt sur le revenu (IR) pour s’apercevoir de l’urgence d’une telle réforme. Le CESE préconise ainsi de renforcer le pouvoir d’achat de la classe moyenne par l’introduction d’une fiscalité des ménages, plus favorable, prenant en compte les personnes à charge et consolidée par des allocations familiales plus en phase avec la réalité socio-économique des familles, dont celle liée au financement de l’éducation des enfants. La réforme fiscale tant souhaitée ne pourrait se faire sans une stratégie claire en matière de lutte contre le secteur informel, dont les ravages se sont fait sentir terriblement durant la période de la pandémie. La crise sanitaire a dévoilé à quel point notre économie est fragile. Selon la logique du CESE, encourager les gens à régulariser leurs activités, aussi minimes soient-elles, passe par leur faciliter l’accès au financement et à la sécurité sociale. La généralisation de la contribution professionnelle unique (CPU) est vivement recommandée par le CESE qui conseille également de permettre aux petits commerces, activités artisanales et aux manufactures de profiter des prêts garantis par l’Etat.

La classe moyenne au coeur du débat électoral

À l’approche des échéances électorales, les débats s’enchaînent entre les partis politiques, faisant se profiler les contours des programmes des partis qui aspirent à diriger le prochain gouvernement. La classe moyenne y occupe une place prépondérante. Des partis, comme l’Istiqlal, promettent une politique sociale basée sur la proportion de cette catégorie, ayant souffert des multiples atteintes à son pouvoir d’achat. Le Secrétaire Général du parti de la Balance Nizar Baraka a promis de réduire l’impôt sur le revenu sur la classe moyenne afin de réduire la pression fiscale qui pèse sur les salaires. Le Parti de l’Istiqlal s’est également engagé à résoudre quelques dossiers épineux légués par le gouvernement de Saâd Dine El Othmani tels que la suspension du dialogue social et le dossier sulfureux des enseignants contractuels.








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