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Actu Maroc

Chute du mercure : Causes et effets d’une vague de froid inattendue


Rédigé par Omar ASSIF Jeudi 26 Janvier 2023

Le Royaume connaît actuellement une vague de froid qui touche plusieurs régions. Zoom sur un aléa climatique à anticiper afin d’en atténuer les probables conséquences.



«Le Maroc est un pays froid où le soleil est chaud». Cette description, attribuée au Maréchal Lyautey, se vérifie très souvent sous nos cieux en hiver et, parfois, le soleil ne suffit plus à compenser la morsure des « Lyali » (les 40 nuits les plus froides de l’année). Plusieurs régions du Royaume vivent d’ailleurs depuis quelques jours une vague de froid où le mercure plonge parfois en dessous du 0°. Le bulletin de la Direction Générale de la Météorologie avait annoncé pour la semaine en cours un «temps froid avec gelée locale sur l’Atlas, le Rif, le Sud-Est, l’Oriental et les plaines Nord», des «passages nuageux denses avec pluies éparses sur la Méditerranée, le Rif et l’Oriental», et «quelques flocons de neige sur le Rif et le Moyen Atlas». L’heure est donc aux habits chauds, aux précautions d’usage et, par endroit, aux appoints de chauffage. Si plusieurs régions du globe ont connu des vagues de froid exceptionnel, faut-il s’attendre pour autant à ce que notre pays soit également concerné ?


Le couloir sibérien

«Lorsqu’on parle d’intense froid, c’est toujours relatif à l’endroit sujet du phénomène. Dans notre pays, les derniers records en termes de températures minimales avaient été enregistrés durant l’année 2005», nous explique Khalid El Rhaz, ingénieur météorologue et chef du service climat et changements climatiques à la Direction Générale de la Météorologie. «À l’époque, les chutes des températures étaient dues à un couloir de vent provenant de la région sibérienne. Ce couloir, qui s’était établi, avait à l’époque traversé toute l’Europe centrale et la Méditerranée, et avait également touché le Maroc. Ce phénomène avait donné lieu à un froid exceptionnel et plusieurs records de températures minimales, notamment sur les plaines atlantiques Nord : du jamais-vu depuis les années 50. Cela dit, cette configuration-là ne s’est plus jamais reproduite, mais cela ne veut pas dire que nos régions n’ont pas connu par la suite d’autres vagues de froid d’origines différentes», poursuit la même source.


Le record absolu

En dépit des divers records de froid qui avaient été enregistrés durant la saison 2005, le record absolu des températures minimales que le Maroc ait jamais connues (depuis que le Royaume dispose de données météorologiques) était pour sa part resté imbattu. En l’occurrence, une température négative de -14,5° enregistrée dans la région d’Ifrane le 17 janvier 1981. «J’étais encore un adolescent à l’époque, mais je n’oublierai jamais cet hiver de 1981. Nous n’avions jamais vécu quelque chose d’équivalent et je crois que depuis, nous n’avons plus revu un équivalent de l’enfer glacial qui s’était alors abattu sur la région», nous raconte un quinquagénaire originaire de la région d’Ifrane, décrivant «un froid qui se ressentait comme des centaines de petites aiguilles qui laceraient le visage et les zones découvertes du corps». Une température négative qui avait par ailleurs tendance à être ressentie d’une manière plus accentuée avec le moindre mouvement de vent.


Les mesures d’atténuation

Conscients des dangers que peuvent représenter les vagues de froid intense, surtout pour les populations vivant dans des zones montagneuses enclavées, les autorités concernées ont depuis plusieurs années développé un «Plan national d'atténuation des effets de la vague de froid». Cette feuille de route stratégique, qui implique plusieurs institutions publiques, s’étoffe chaque année en gagnant en expertise et en efficacité (voir article ci-contre). Un apport majeur a par ailleurs été ajouté il y a quelques mois, à savoir le nouveau système de vigilance développé par la Direction Générale de la Météorologie. Grâce à l’utilisation d’une cartographie dynamique des risques au niveau régional à l’échelle, plus fine, des communes, ce nouveau système de vigilance permet d’assurer la mobilisation efficace des ressources et de prendre des décisions proactives pour limiter les effets négatifs des événements météorologiques extrêmes, notamment les vagues de froid intense. 
 
Omar ASSIF


 




3 questions à Khalid El Rhaz

« Le réchauffement climatique n’exclut pas les événements d’extrême froid »


Chef du service climat et changements climatiques à la Direction Générale de la Météorologie et ingénieur météorologue, Khalid ElRhaz répond à nos questions.


- Comment se fait-il que des vagues inhabituelles de froid soient enregistrées sur Terre alors que sévit un phénomène de réchauffement planétaire ? N'est-ce pas paradoxal ?

- Non, ce n’est pas paradoxal. Lorsqu’on parle de réchauffement climatique à l’échelle globale, on se réfère à des moyennes de températures qui sont d’ordre spatial. La nature même d’une moyenne est de «lisser» les valeurs extrêmes enregistrées et prises en compte dans le calcul, que ce soit pour les extrêmes bas ou les extrêmes hauts. Ce n’est donc pas contradictoire, lorsqu’on parle d’un réchauffement global de la planète, d’observer par la même occasion des événements d’extrême chaleur ou d’extrême froid.


- Les vagues de froid observées dans plusieurs régions du monde sont-elles corrélées avec le phénomène global de réchauffement climatique ?

- Le réchauffement climatique n’exclut pas les événements d’extrême froid. Cela dit, on ne peut pas forcément attribuer les épisodes de froid extrême qui ont été observés dans certaines régions du monde à ce phénomène global. Par exemple, il existe une certaine variabilité climatique aux Etats-Unis, qui ne vivent par ailleurs pas pour la première fois ce genre d’épisode. On peut dire que cette variabilité reste globalement respectée. D’un autre côté, on peut également observer dans d’autres régions, en Europe notamment, un hiver anormalement chaud. On n’en parle pas beaucoup. Or, les pays européens ont réellement enregistré cette année des températures bien supérieures à celles qui sont habituellement observées durant l’hiver.


- Quelles sont les tendances d'évolution des températures minimales au Maroc pour les prochains mois ?

- Pour les trois prochains mois, nous sommes dans la normale d’après les prévisions saisonnières dont nous disposons. On ne s’attend pas à des records en termes de températures minimales. Cela ne veut pas dire non plus que nous n’aurons pas des nuits très froides par moment et par endroit.

 
Recueillis par O. A



 


Vers une baisse des moyennes de précipitation de neige ?
 
Les quantités et niveaux de précipitations neigeuses enregistrées dans notre pays durant les 50 dernières années ont dramatiquement baissé. «A l’instar des précipitations de pluie, les chutes de neige sont caractérisées par une variabilité interannuelle. Il est à noter que le cumul de neige annuel n’a jamais dépassé les 200 cm depuis la saison 1978-1979 jusqu’à présent au niveau de la station d’observation météorologique d’Ifrane située à 1664 m d’altitude. Cette station possède un cumul record annuel d’environ 497 cm enregistré durant la saison 1973-1974», précise la Direction Générale de la Météorologie. D’autres indicateurs attestent de cette tendance à la baisse : les superficies touchées par les précipitations de neige qui sont en deçà des moyennes enregistrées il y a quelques décennies, mais également le nombre de jours d’enneigement par an qui est actuellement bien loin des hivers à plus de 70 jours de neiges (enregistrés pendant les saisons 1935-36, 1955-56, 1962-63 et 1970-71).


L’info...Graphie
 


Repères : Vague de froid, quèsaco ?
 
La vague de froid ou «événement froid» se définit par une chute brutale et importante de la température de l’air pendant un ensemble de jours consécutifs (au moins sept jours), durant lesquels les températures minimales restent égales ou inférieures à -2°C, accompagnées ou non de précipitations de neige. Le grand froid constitue un danger pour la santé et peut affecter le pronostic vital ou fonctionnel des personnes exposées à ce froid dont on peut se prémunir, mais contre lequel on ne peut pas lutter.


Quand le Maroc était au pôle Nord
 
Il fut un temps sur la planète Terre où les territoires qui représentent le Maroc d’aujourd’hui étaient sous la glace. Cet épisode, connu chez les scientifiques par «glaciation de l'Andéen-Saharien», a affecté l'actuel hémisphère Nord il y a plus de 400 millions d’années et a duré près de 30 millions d’années. Pendant cette période, l’Afrique de l'Ouest, le Centre-Ouest de l'Arabie Saoudite et le Maroc, étaient des zones qui se trouvaient, à l’époque, aux latitudes polaires de la planète !