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Campagne de vaccination : À la recherche du vaccin perdu


Rédigé par Anass MACHLOUKH Lundi 18 Janvier 2021

Annoncée depuis novembre, la campagne de vaccination peine à démarrer au moment où les vaccins commandés ont du mal à trouver leur chemin vers le Royaume. Éclairage sur les raisons d’un retard de plus en plus incompréhensible.



Campagne de vaccination : À la recherche du vaccin perdu
Quand serons-nous vaccinés ? Une question qui hante l’esprit des Marocains, qui attendent toujours le début d’une campagne de vaccination salvatrice contre le Coronavirus afin de renouer enfin avec une vie normale dont ils ont perdu le souvenir depuis le mois de mars dernier. Une campagne annoncée depuis le mois de novembre par le Maroc qui fut l’un des premiers pays à se positionner, mais qui se retrouve aujourd’hui relégué en liste d’attente. Pas la peine de se réjouir des effets d’annonce, toujours non traduits en réalité.

Alors qu’on s’attendait à se faire vacciner en décembre, Khalid Aït Taleb a promis une vaccination en fin d’année. Puis, le flou s’est installé à mesure que les jours se succèdent sans aucune trace des vaccins, ni celui d’AstraZeneca, autorisé le 6 janvier, ni celui de Sinopharm, toujours en attente de mise sur le marché, bien qu’il soit autorisé en Chine. L’ambiguïté qui entoure cette campagne tant attendue est d’autant plus déconcertante que même le gouvernement omet de livrer toute information la concernant. Faute de visibilité ? De dépendance vis-à-vis des pays producteurs des vaccins avec lesquels nous avons conclu des contrats ? Personne ne sait tant que le mystère est entier. 

Ministère de la Santé : le témoin aveugle
Taciturne et avec une communication laconique, le ministère de la Santé ne veut plus se prononcer sur la date de livraison des vaccins dont il semble n’en avoir la moindre idée. En témoigne les annonces ratées de Khalid Aït Taleb qui n’a cessé de confier aux journalistes des dates approximatives d’arrivée du vaccin. Selon le ministre, on aurait dû recevoir, dès vendredi, le vaccin d’AstraZeneca dont le Maroc a commandé 25 millions de doses, fabriqués sous licence par le Laboratoire indien « Serum Institute Of India ».

Le Maroc a réglé la facture d’AstraZeneca
Si le département de Khalid Aït Taleb semble mal informé, c’est parce que c’est le ministère des Affaires étrangères, secondé par le ministère de l’Intérieur, qui gérerait véritablement ce dossier en matière de négociation. Des sources bien informées des deux départements nous ont confié que le Maroc a réglé la facture de la commande du vaccin d’AstraZeneca. Reste à savoir maintenant la date de livraison.

Le retard s’explique par le fait que le gouvernement indien veut servir sa population en premier avant d’autoriser l’exportation des lots de vaccin, produits sur son sol, vers d’autres pays. À en croire le chef de la diplomatie indienne qui a déclaré à l’Agence Reuters : « L’Inde décidera de l’exportation des doses de vaccins vers d’autres pays dans les prochaines semaines, après avoir une idée sur nos propres besoins ». Le retard actuel est dû aussi à la forte concurrence internationale sur les quantités de vaccin.

Un début de campagne en fin de semaine ?
Jusqu’à maintenant, on manque de visibilité sur la date précise du début de la campagne de vaccination, le ministre de la Santé a affirmé qu’elle sera officiellement annoncée après la réception du vaccin d’AstraZeneca dont les premiers lots pourraient arriver au Maroc les 21 et 22 janvier, selon des informations relayées par des médias nationaux. En sus, tout laisse augurer qu’elle pourrait avoir lieu dans les premiers jours de cette semaine. Selon des sources proches du gouvernement, la prolongation de l’état d’urgence sanitaire d’une semaine seulement alors qu’il était de coutume qu’elle soit prorogé de trois semaines, en serait l’indice.

Nous avons contacté le ministère de la Santé pour s’enquérir de la situation, toujours aucune réponse, or, Moulay Mustafa Ennaji, directeur du laboratoire de virologie de l’université Hassan II de Casablanca et membre du Comité de vaccination, nous a clairement précisé que le début de la campagne fera l’objet d’un communiqué officiel lorsque les autorités marocaines auront déchargé la cargaison transportant le vaccin à l’aéroport. Tous les autres responsables du ministère de la Santé ont omis de nous répondre, il est clair qu’ils ont reçu des instructions de ne pas trop se livrer aux médias, faute d’informations.

Sinopharm : premier venu, dernier servi ?
Le Maroc a été l’un des premiers pays à conclure un contrat d’acquisition du vaccin anti-Covid avec le laboratoire chinois Sinopharm en participant aux essais cliniques avec 600 volontaires, l’annonce en a été faite en août dernier. Pourtant, le vaccin n’est pas encore autorisé au Maroc, tandis qu’il l’est en Chine, son pays d’origine. Même des États ayant participé aux essais cliniques comme le Bahreïn les Émirats Arabes Unis ont d’ores et déjà commencé à vacciner leurs citoyens, de même que la Serbie qui a reçu, samedi, les premières doses du vaccin Sinopharm. Des sources proches de l’ambassade de l’EAU au Maroc nous ont indiqué que le personnel diplomatique a reçu des doses du vaccin chinois. 

Le Comité technique examine l’autorisation du vaccin chinois
Dépourvu d’une visibilité complète sur les résultats définitifs des essais cliniques phase III, le Maroc a donné donc la priorité à celui d’AstraZeneca. Toutefois, Bouchra Meddah, directrice de la Direction du médicament et de la pharmacie au ministère de la Santé, a fait savoir que le vaccin chinois sera autorisé au Maroc dans quelques jours, une information qui nous a été confirmée par Moulay Mustapha Ennaji, les deux ont confié que le Comité technique devrait examiner l’autorisation de mise sur le marché au cours de cette semaine.

En outre, cette discrétion sur le vaccin de Sinopharm a des raisons. Selon des sources proches du dossier, le contrat conclu avec Sinopharm contient une clause de confidentialité qui interdit au gouvernement marocain de se prononcer sur toute information relative au vaccin et notamment les résultats des essais cliniques, qu’après leur officialisation par le laboratoire chinois. 

Une immunité collective en Mai, une ambition peu réaliste
Bien que le ministre de la Santé estime que le pays aura atteint l’immunité collective au mois de mai, rien ne garantit cela, compte tenu du retard du début de la campagne de vaccination (prévue en 12 semaines). Rien ne peut assurer que les Marocains seraient largement immunisés à la date prévue, il faut juste voir ce qui se passe dans des pays développés, à l’instar de la France dont la campagne de vaccination avance très lentement, à défaut d’une adhésion large d’une grande partie de la population sous l’impulsion des « Vaccino-sceptiques », qui doutent toujours de l’efficacité du vaccin de Pfizer et de Moderna, pourtant déclarés efficaces à 95%.

Selon Tayeb Hamdi, chercheur en Politiques de Santé, pour assurer l’immunité collective en Mai, il fallait commencer la campagne dans les dates prévues sans aucun retard, cela dépend également aussi bien de la continuité de livraison des doses de vaccins sans interruption, tout au long de de la période des douze semaines, que de la non apparition des nouvelles souches. « On ne pourra donc lever les mesures restrictives qu’en automne prochain, si tout se passe bien », a-t-il indiqué. 

Immunité collective : un chemin long à parcourir
Immuniser 25 millions de Marocains est l’objectif du gouvernement. Lesquels auront besoin de 50 millions de doses (2 injections par personne). Pour respecter le calendrier vaccinal de 12 semaines, il faut une livraison hebdomadaire de 5 millions de doses, ce qui est loin d’être acquis, compte tenu des retards signalés dans le monde entier, surtout en Europe, sachant que Pfizer a annoncé des retards de livraison aux pays européens. Dans le cas du Maroc, il faut s’attendre à des retards d’approvisionnement car les fournisseurs du vaccin, à savoir la Chine et l’Inde, voudront d’abord pourvoir leurs populations sachant que seule l’Inde compte vacciner 300 millions de personnes.

S’ajoute à cela l’incertitude sur l’adhésion de tous les citoyens. Comme la vaccination n’est pas obligatoire, le ministère de la Santé compte sur le volontarisme des citoyens pour atteindre rapidement l’immunité collective. Le scepticisme vis-à-vis du vaccin qui subjugue plusieurs personnes ne manquerait pas de ralentir le rythme de la campagne de vaccination. Un grand effort de communication attend le département de Khalid Aït Taleb pour convaincre les vaccino-sceptiques. En somme, compte tenu de ce qui précède, nous nous considérerons chanceux si nous atteindrons une immunité de groupe en automne. 
Anass MACHLOUKH

Repères

Le Maroc prêt d’un point de vue logistique
En attente d’être pourvu des premiers flacons des vaccins commandés, le Maroc est prêt à entamer la campagne de vaccination sur le plan logistique, le ministre de la Santé Khalid Aït Taleb a déclaré à plusieurs reprises que le Maroc a achevé tous les préparatifs et tous les moyens sont mobilisés. 25.631 ressources humaines, dont 4053 médecins et 10.468 infirmiers, sont mobilisées et réparties sur 2867 centres de vaccination, dont 838 dans le milieu urbain et 2029 dans le milieu rural. En outre, l’opération d’acheminement et de distribution des doses sur les différentes zones du territoire national a d’ores et déjà été simulée le 20 décembre. 
Sinopharm : vaccin le plus expérimenté au monde
Face aux critiques sur le retard d’autorisation du vaccin du Laboratoire Sinopharm, le ministre de la Santé Khalid Aït Taleb a précisé, le 15 décembre dernier, lors de la réunion de la Commission des secteurs sociaux, que les résultats des essais cliniques de la phase III ont pris beaucoup de temps vu qu’il fallait rassembler en Chine toutes les données relatives aux résultats des expérimentations effectuées dans l’ensemble des pays ayant participé aux essais, y compris le Maroc. Le vaccin de Sinopharm est le vaccin le plus expérimenté au niveau mondial, a ajouté M. Aït Taleb.
L’institut Pasteur se dote d’une unité industrielle de production de vaccins  
L’institut Pasteur va abriter une unité de production de vaccins et de produits biologiques, c’est ce qu’a annoncé le Conseil d’administration de l’Institut dans un communiqué en marge d’une réunion avec le ministre de la Santé Khalid Aït Taleb. Le but est de répondre aux besoins du Maroc en matière de vaccins contre les maladies infectieuses. Cette unité pourrait servir pour produire le vaccin anti-Covid, d’autant plus que le contrat signé entre le Maroc et Sinopharm prévoit un transfert de technologie et de savoir-faire.