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CNSS : les travailleurs domestiques face à l’adversité et la précarité de l’emploi


Rédigé par Safaa KSAANI Vendredi 12 Juin 2020

Bien que la déclaration des travailleurs domestiques à la CNSS est devenue obligatoire, la majorité continue de travailler au noir, se résignant à la précarité de son statut aggravée et révélée par la crise du coronavirus.



CNSS : les travailleurs domestiques face à l’adversité et la précarité de l’emploi
Depuis le début de la pandémie, des travailleurs domestiques, se sont trouvés confinés chez leurs employeurs, alors que certaines familles, de peur de toute contamination, ont préféré se passer du personnel domestique.

A quelque 53 kilomètres de Rabat, à Tiflet, nous avons rencontré Fatima, une travailleuse à domicile “freelance”, comme elle aime se définir, qui se rend trois fois par semaine chez son employeur depuis presque trois années. Mère d’une étudiante au Baccalauréat et d’un vendeur de légumes se trouvant au chômage, Fatima est la seule à assurer un minimum de revenu à son foyer.

En échange de son aide au ménage, elle touche 200 dirhams par semaine. “J’ai préféré l’offre de travail proposée par cette dame puisque les heures de travail que nous avons fixées à notre convenance me permettent de garder un travail plus ou moins stable durant toute l’année, tout en ayant du temps à consacrer à d’éventuelles offres d’emploi saisonnières”, nous raconte Fatima.  

Etant informée de l’obligation de sa déclaration à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) par son employeur, Fatima nous déclare qu’elle préfère ne pas l’être, de peur de perdre les autres clients, qui ne souhaiteraient pas l’embaucher dans ce cas. 

Etat des lieux

Active sur le terrain, Mme Hafida Ben Salah, présidente de l’Association Neama pour le développement, défendant les droits des femmes et des travailleuses domestiques, déplore la persistance du travail au noir, qui domine toujours ce secteur particulier. Des raisons sociales et financières sont derrière cette réalité qui fait que de nombreux domestiques, occasionnels ou permanents soient-ils, n’ont pas de contrat de travail.

Peu d’employeurs appliquent les dispositions de la loi 19-12, simplement “parce que leurs moyens financiers ou engagements familiaux et professionnels ne le permettent pas.Pour leur part, les employés en question ont du mal à décider de leur employeur officiel, puisqu’ils travaillent dans plusieurs familles pour assurer des entrées suffisantes à leur foyer. S’ils signent le contrat avec un seul employeur, leur revenu s’affaiblira”, nous explique Mme Ben Salah.

Entre secteur formel et secteur informel, il y a un hic

Au niveau du ministère du Travail, seulement 1.105 de ces travailleurs sont officiellement inscrits, a affirmé, mardi 2 juin courant, le ministre de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle, Mohamed Amekraz, lors de son exposé devant la Commission de contrôle des finances publiques à la Chambre des représentants, au sujet de la CNSS. Alors que ces chiffres ne représentent rien face à la masse de cette population, le ministre n’a pas caché sa satisfaction quant à ce nombre, qui, selon lui, reflète une importante avancée en faveur de «cette catégorie qui a été oubliée».

Du 3 juin 2019 à fin mai 2020, alors que la couverture sociale et sanitaire était facultative, ce sont 1 329 personnes à avoir pris l’initiative de déclarer leur personnel de maison, qui sont au nombre de 1 632 individus. Parmi ces derniers, certains ont perdu leur travail à cause de la pandémie du nouveau Coronavirus et ont bénéficié des aides financières allouées aux travailleurs du secteur informel, nous a affirmé une source proche du dossier à la CNSS.

La même source nous explique “qu’à partir du moment où la loi 19.12 fixant les conditions de travail et d’emploi des travailleurs domestiques, entrée en vigueur le 2 octobre 2018, avait prévu que tout travailleur domestique lié à un employeur devait avoir un contrat de travail dûment signé, validé et déposé à l’Inspection du travail, on peut parler de secteur formel. Ladite loi permet d’encadrer cette fonction et d’en définir les droits et obligations”.

Face à un vaste chantier où de grands hics persistent, le moment est venu pour que ce secteur du travail domestique soit formalisé et plus cadré. A défaut de quoi, les problèmes de société déjà patents pourraient se compliquer encore et devenir plus difficiles à résoudre.

Safaa KSAANI

3 questions à Mme Hafida Ben Salah, présidente de l’Association Neama pour le développement

Mme Hafida Ben Salah
Mme Hafida Ben Salah
“La loi 19.12 contient de nombreuses failles”

Selon la présidente de l’Association Neama pour le développement, les efforts de la société civile ne sont pas suffisants pour faire connaître les droits des travailleurs.

- Quelles sont les limites de la loi 19.12 relative à la fixation des conditions d’emploi des travailleurs domestiques ?
- Ladite loi contient de nombreuses failles. Sur le volet des travailleurs mineurs, cette loi accorde à une mineure de 16 ans le droit de contracter un contrat. En cas de violation d’un certain article du contrat, l’enfant ne peut pas porter plainte contre son employeur que quand il aura 18 ans. De plus, nous sommes convaincus que tous les travaux domestiques sont dangereux pour les mineurs, alors que le décret n°2.17.344, en liste uniquement 15.

- Que fait l’association Neama pour sensibiliser et former les travailleurs domestiques ?
- Depuis l’adoption de la loi 19.12, le 2 octobre 2018, nous avons mené un grand projet de sensibilisation au profit de cette population, en organisant une série de rencontres, en collaboration avec la société civile de dix villes, dont Rabat, Casablanca et Meknès. Au cours de ces journées de formation, d’écoute et d’échange, nous avons porté à leur connaissance leurs droits et devoirs. Un coach assurait leur accompagnement personnel à la fin de la journée.

- La déclaration à la CNSS est devenue obligatoire après le 3 juin courant, cette obligation sert-elle l’employeur et l’employé ?
- Aujourd’hui des travailleuses préfèrent de plus en plus offrir leurs services à plusieurs familles pour améliorer leurs revenus. Cependant la loi ne précise pas comment ces personnes peuvent être inscrites à la CNSS.
La loi stipule l’obligation d’un contrat de travail entre l’employeur et l’employé. Dans le cas de plusieurs employeurs, comment le contrat sera fait ? La loi ne donne aucune réponse. 
 
Recueillis par S. K

Repères

Une travailleuse domestique soupçonnée d’agression physique grave
Une travailleuse domestique âgée de 40 ans a été arrêtée, mardi 9 juin courant aux premières heures par les éléments de la police relevant du district de sûreté de Beni Makada à Tanger, en flagrant délit d’agression physique grave de son employeuse. Grièvement blessée par un objet contondant en fer, la victime, âgée de 87 ans, a succombé à ces blessures à son arrivée à l’établissement hospitalier, a précisé la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) dans un communiqué. La mise en cause a été placée en garde à vue à la disposition de l’enquête préliminaire ordonnée par le parquet compétent.
Des ménages sans revenu
Près de 60% des ménages ayant un membre qui a perdu son emploi, suite à la pandémie du nouveau Coronavirus Covid-19, ont eu des difficultés d’accès aux aides publiques. Selon les résultats d’une étude menée par le Haut-commissariat au Plan (HCP) auprès d’un échantillon de 2.350 ménages représentatifs des différentes couches socio-économiques de la population marocaine selon le milieu de résidence, urbain et rural, 34% des ménages ont affirmé n’avoir aucune source de revenus en raison de l’arrêt de leurs activités au temps de confinement».