CAF Awards 2025 : La glorieuse saga du football marocain [INTÉGRAL]

Le Royaume a toujours été une Nation de football, où les enfants passent leurs journées à rêver, mais surtout à espérer voir leur pays cité en exemple et triompher d’abord sur la scène africaine, puis à l’échelle mondiale. Depuis les années soixante-dix, lorsque l’équipe nationale a remporté sa première et unique Coupe d’Afrique, le football marocain a connu des hauts et des bas, mais les performances furent grosso-modo en deçà des aspirations. Cette alternance a conduit le Royaume à organiser, en 2008, les deuxièmes Assises Nationales du Sport, au cours desquelles une Lettre Royale avait souligné l’existence d’«une crise structurelle majeure» dans le secteur, appelant à une véritable dynamisation du sport national. Depuis cette étape fondatrice, les initiatives se sont multipliées, façonnant progressivement une nouvelle politique sportive, à commencer par la structuration du football professionnel, avec la mise en place d’un cadre juridique plus clair, l’impulsion du modèle des sociétés sportives et l’amélioration des standards de gouvernance des clubs.

Parallèlement, les centres de formation ont pris une importance croissante, à l’image du Complexe Mohammed VI de Maâmora, aujourd’hui reconnu parmi les meilleurs au monde et devenu un pilier essentiel du renouveau du football marocain. Véritable vivier du football de demain, l’Académie identifie les meilleurs espoirs du Royaume dès leur plus jeune âge et leur offre un accompagnement complet, combinant perfectionnement technique, suivi éducatif et encadrement psychologique. Mais la pierre angulaire de cette nouvelle politique nationale reste le soutien renforcé aux sélections féminines et jeunes, ouvrant la voie à l’émergence d’une nouvelle génération de talents et consolidant la présence du Maroc sur les scènes continentale et mondiale.
 

Aujourd’hui, ces investissements portent leurs fruits, comme en témoignent les succès remportés par les talents marocains lors des CAF Awards. Fouzi Lekjaa, président de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF), a commenté dans ce sens, mercredi lors de la cérémonie, que la question de la jeunesse dans le domaine footballistique au Maroc relève d’une politique nationale de haut niveau, pilotée personnellement par SM le Roi Mohammed VI. Convaincu que le football constitue une composante essentielle du développement, aux yeux de Lekjaa, ces exploits témoignent que «la jeunesse de notre continent constitue un réservoir de créativité doté d’une énergie telle qu’elle nous permet d’envisager l’avenir de l’Afrique avec optimisme, et ce, non seulement dans le domaine du football, mais dans tous les secteurs». Les progrès réalisés reposent, selon lui, sur la prise de conscience de la nécessité d’accorder la confiance aux jeunes, de leur offrir les conditions de l’excellence et de les aider à relever les défis. Et c’est grâce à cette prise de conscience que le Maroc a pu s’affirmer comme une véritable nation de football, capable d’accueillir des compétitions africaines et mondiales de premier plan, tout en s’imposant comme un acteur central dans la candidature conjointe au Mondial 2030 aux côtés de l’Espagne et du Portugal.
 

Pour les plus sceptiques, le bilan des dernières années parle de lui-même : en 2022, les Lions de l’Atlas ont atteint les demi-finales de la Coupe du Monde au Qatar, devenant le premier pays africain et arabe à franchir ce cap historique, et renforçant l’aura sportive du pays. Les clubs nationaux ont également contribué à cette dynamique, avec le Wydad, le Raja et la Renaissance Sportive de Berkane multipliant les sacres continentaux et confirmant la solidité d’un modèle marocain désormais reconnu. Cette montée en puissance s’est prolongée avec l’essor remarquable du football féminin. La qualification historique des Lionnes de l’Atlas au deuxième tour du Mondial 2023, une première pour un pays arabe, a consacré la progression fulgurante de la discipline au Maroc. D’ailleurs, l’ossature de la sélection nationale féminine provient de l’AS FAR Dames, véritable référence du football féminin au Maroc, qui s’impose dans la Ligue des champions féminine de la CAF depuis sa création en 2021. Le club militaire a remporté le tout premier sacre en 2022 et a été finaliste en 2024. Il s’est également illustré au Tournoi de l’UNAF, qu’il a remporté à trois reprises (2021, 2024 et 2025). Avec pas moins de 12 joueuses titulaires en équipe nationale, le club se confirme encore cette année, avec sa qualification pour la finale de la Ligue des champions féminine 2025 face à l’ASEC Mimosas. Dans ce même sillage, le Sporting Club Casablanca, fondé en 2019 et exclusivement féminin, s’impose comme un rival sérieux. Le club a atteint la finale de la Ligue des champions féminine de la CAF en 2023 et remporté la même année le titre du Tournoi de l’UNAF. 

Par ailleurs, l’équipe olympique a remporté la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Paris, tandis que les U23 se sont adjugé le titre continental à Rabat. Les U17 ont été sacrés champions d’Afrique, les U20 vice-champions, et l’équipe féminine A a atteint le rang de vice-championne continentale. L’équipe A des joueurs locaux, quant à elle, a réalisé une performance unique en remportant trois CHAN en 2018, 2020 et 2024. À cela s’ajoute l’ascension spectaculaire du futsal marocain, triple champion d’Afrique, double champion arabe et désormais classé 6ème mondial. Cette dynamique se confirme aujourd’hui encore dans la Coupe du Monde U17 de la FIFA actuellement en cours, où la sélection marocaine s’est hissée jusqu’en quarts de finale, démontrant la continuité du travail de formation et la profondeur du vivier national. Et cette trajectoire exceptionnelle a atteint une première apogée avec la victoire du Maroc en Coupe du Monde U20 au Chili, un triomphe historique qui vient couronner près de deux décennies de travail visionnaire et d’investissements continus dans le développement du football national.
 

Cela dit, et pour revenir aux CAF Awards, tous les trophées remportés par les Marocains ont une valeur inestimable, mais le Ballon décroché par Achraf Hakimi comme meilleur joueur africain 2025 dépasse la simple reconnaissance individuelle pour devenir un véritable catalyseur capable d’accélérer, d’amplifier et d’articuler plusieurs leviers structurants du football marocain. 

Sur le plan social, ce succès alimente une aspiration collective puissante et dans lequel Hakimi devient un modèle concret pour toute une génération de jeunes souhaitant atteindre l’excellence mondiale. Il renforce également la cohésion nationale et l’image internationale du football marocain, offrant aux institutions sportives un récit positif mobilisateur auprès du public et des partenaires. Sportivement et pédagogiquement, cette distinction ravive l’intérêt pour les académies et centres de formation, favorisant une hausse des inscriptions et stimulant l’investissement public et privé dans les infrastructures. Le parcours de Hakimi, marqué par la discipline, la technicité et la professionnalisation précoce, devient un modèle pédagogique inspirant, permettant aux clubs et entraîneurs d’améliorer leurs méthodes de détection, d’entraînement et d’accompagnement des jeunes. 

En outre, l’effet de notoriété lié à un trophée continental renforce l’attractivité des joueurs marocains sur le marché mondial, revalorise les transferts sortants et dynamise le sponsoring. Marques et partenaires internationaux cherchent à s’associer à l’image d’excellence incarnée par Hakimi, entraînant une hausse des partenariats, du merchandising et des revenus dérivés, tout en donnant davantage de poids aux négociations autour des droits TV. Désormais, l’enjeu est de mesurer l’impact du «moment Hakimi» à travers des indicateurs clairs - évolution des inscriptions dans les académies, revenus de sponsoring, transferts de joueurs formés localement, performances des sélections ou audiences TV - et de s’appuyer sur une feuille de route progressive. À court terme, cela passe par des campagnes médiatiques structurées et des programmes d’ambassadeurs mobilisant Hakimi. À moyen terme, par le renforcement des centres régionaux de détection, la formation continue des coaches et les partenariats avec les clubs européens. À long terme, par une modernisation durable des infrastructures, une politique intelligente de rétention des talents et le développement parallèle du football féminin et scolaire.
 

La cérémonie des CAF Awards 2025 a constitué un moment particulièrement révélateur de la transformation profonde que connaît le football marocain. En raflant six distinctions majeures, le Maroc ne s’est pas seulement illustré par des trophées ; il a mis en scène, avec une remarquable maîtrise, une identité sportive et culturelle qui s’inscrit dans une dynamique plus large de projection continentale. Le succès de la sélection marocaine des moins de 20 ans, récompensée comme Équipe nationale de l’année, s’intègre naturellement dans cette dynamique.
 

Cette distinction reflète l’efficacité des académies marocaines, la maturation des structures de formation et la capacité du pays à produire des talents non pas ponctuellement, mais de manière régulière, structurée, pensée et anticipée. Le football devient ainsi un indicateur de la réussite d’une stratégie nationale plus vaste : celle qui consiste à construire un modèle marocain de développement par l’investissement, la planification, l’innovation et la recherche d’excellence. Ainsi, la cérémonie des CAF Awards 2025 a donné à voir une construction symbolique cohérente, un récit national maîtrisé, une capacité à articuler performance, culture et identité dans une logique de nation branding moderne et efficace. Le Maroc y est apparu comme un pays capable d’utiliser le football comme levier de projection internationale, comme outil diplomatique, comme espace de narration collective, mais aussi comme miroir des transformations structurelles qu’il connaît.
 

La consécration de Ghizlane Chebbak comme Joueuse africaine de l’année s’est également inscrite dans cette logique. Le splendide caftan qu’elle portait, alliance parfaite entre élégance marocaine et modernité esthétique, s’inscrivait dans une cohérence visuelle et narrative qui renforçait l’idée d’un Maroc attaché à ses traditions tout en affirmant sa place dans le présent du sport féminin mondial. Sa nomination revêt une portée historique, car elle témoigne de la montée en puissance du football féminin marocain, désormais soutenu par des investissements structurants, une politique volontariste et l’émergence de nouvelles pratiques sportives inclusives. La reconnaissance de Yassine Bounou comme Meilleur Gardien de l’année confirmait la continuité et s’inscrit dans le temps long d’un héritage de grand gardien comme notre Badou Zaki national.