L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

Bois de feu : Entre besoin vital et risque environnemental


Rédigé par Omar ASSIF Mercredi 18 Janvier 2023

L’utilisation du bois de feu est une nécessité pour certaines franges de la population marocaine, mais la capacité productive des forêts n’est pas suffisante. Zoom sur un dilemme inquiétant.



Le mois de janvier entame sa deuxième moitié et les soubresauts du Mercure ne manquent pas de se faire ressentir. Si le Royaume n’a pas encore connu un - tant attendu - «bon épisode de chute de neige», le temps n’en est pas moins froid et les cheminées souvent bien garnies. L’utilisation du bois comme combustible pour le chauffage ou la cuisson est cependant beaucoup plus répandue dans les zones montagneuses que dans les grandes villes. « En ville, se chauffer aux bois est considéré comme un luxe puisque d’autres solutions existent et qu’il n’est pas systématique d’avoir une cheminée chez soi.
 
En revanche, dans les zones rurales en montagne, les habitants n’ont souvent pas d’autres choix que d’utiliser le bois pour le chauffage et la cuisson. C’est ancré dans leur mode de vie », estime Mohamed, habitant de la ville d’Azrou. « Le bois de chauffe préféré des habitants de la région est le chêne vert puisqu’une seule bûche peut brûler pendant un long moment. C’est également une espèce qui est disponible dans la région », poursuit notre interlocuteur.
 
Urbain contre rural
 
Au niveau national, les Marocains consomment plus de 11,3 millions de tonnes de bois de feu chaque année, dont plus de 6 millions de tonnes proviennent des forêts, 2,1 millions d’arbres fruitiers et 3 millions issues de biomasses agricoles. 88% du total de ces volumes est consommé exclusivement en milieu rural, essentiellement dans les zones montagneuses qui connaissent des hivers rudes. Les 12% restants sont utilisés en milieu urbain, à raison de 68% dont l’usage est dédié aux divers domaines (hammams, fours collectifs…), et de 32% utilisés par les ménages et les particuliers.
 
Dans les zones forestières, les ménages qui disposent de droits d’usage peuvent prélever directement le bois mort dans la forêt. Une corvée pénible qui est le plus souvent assurée par les femmes. Quand il y a de la neige ou que le bois mort n’est plus disponible en quantités suffisantes, les familles n’ont pas d’autres choix que d’acheter du bois à la tonne pour subvenir à leurs besoins.
 
Prélèvement illégal
 
« Quand elles sont obligées d’acheter le bois de chauffage, les familles s’approvisionnent le plus souvent chez des revendeurs de la région qui ont les agréments nécessaires. Il y a également des personnes qui proposent de vendre du bois de feu d’une manière informelle, donc illégale. Les prix sont moins chers que dans le circuit formel et les stocks sont souvent cachés », nous confie un habitant de la région de Aïn Leuh.
 
Selon des chiffres de l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF), les habitants issus de la région du Moyen Atlas consomment en moyenne près de 10 tonnes de bois de feu par ménage annuellement. Si ces volumes peuvent parfois fluctuer selon la rudesse des hivers, il n’en demeure pas moins que les habitants des régions montagneuses dépendent de ce combustible pour leurs usages quotidiens. Il est par ailleurs admis que le volume total de bois de feu consommé au niveau national dépasse du double les capacités productives des forêts marocaines.
 
Approche stratégique
 
Conscient de cette problématique, le Département des Eaux et Forêts travaille depuis plusieurs années pour limiter la pression du prélèvement en bois de feu sur les écosystèmes forestiers (voir article ci-contre). À cet égard, la nouvelle feuille de route « Forêts du Maroc 2020- 2030 », lancée le 13 février 2020, est considérée comme une opportunité pour la mise en œuvre de la stratégie bois-énergie, en impliquant les usagers de la forêt par « l’adoption d’une approche participative tenant compte de leurs besoins ».
 
L’objectif global est de contribuer à la gestion durable des ressources forestières par l’augmentation de l’offre en bois-énergie, le reboisement, ainsi que par la promotion de pratiques économes de consommation pour ajuster la demande en bois-énergie. À noter qu’à ce jour, l’électrification du monde rural est surtout mise à profit par les habitants pour l’éclairage et rarement pour le chauffage en raison du prix élevé de l’électricité.

Omar ASSIF 

Bois de feu : Entre besoin vital et risque environnemental
3 questions à Ilias Barka
 
« Pour le bois de feu, les prix sont restés plus ou moins stables ces dernières années »
 
Ilias Barka est responsable des opérations auprès de CHEMINBAT, société spécialisée dans la construction des cheminées, et intermédiaire dans la distribution du bois de feu.
 
- Le bois de feu commercialisé au Maroc est-il exclusivement produit localement ?
 
 - Aujourd’hui, si on se réfère aux prix du marché du bois de feu dédié aux particuliers, la moyenne du prix du kilogramme de bois avoisine les 2 dirhams. À ce prix-là, et vu le poids et le volume du bois, ce n’est pas du tout intéressant à l’import. C’est pour cette raison que le bois de feu qui est commercialisé au Maroc est e­ffectivement le plus souvent produit au niveau national.
 
- La crise sanitaire et l’inflation ont impacté les prix du bois de construction. Est-ce le cas aussi pour le bois de feu ?
 
- Il est difficile de comparer le marché du bois de feu avec celui du bois d’ouvrage. Le bois d’ouvrage est souvent un bois noble, importé, et implique également des caractéristiques assez particulières qui déterminent son prix. Pour le bois de feu, les prix sont restés plus ou moins stables ces dernières années, en dépit de la crise sanitaire et de l’inflation. Cela dit, l’augmentation des prix du carburant n’a pas été sans impact puisque nous avons remarqué que les vendeurs de bois de chauffage, qui pour un certain tonnage livraient gratuitement, ont commencé à facturer le transport.
 
- La cheminée au Maroc est-elle une véritable solution de chauffage ou plutôt un produit de luxe ?
 
- La cheminée peut à la limite être perçue comme un objet de luxe dans certaines grandes villes du Royaume, mais elle devient une nécessité dans certaines régions connues pour leurs climats froids. C’est en soi assez normal puisque les grandes villes comme Casablanca, Rabat ou Marrakech vivent uniquement deux mois de froid en moyenne par an. La « culture de la cheminée » n’y est de ce fait pas aussi ancrée que dans les villes ou villages marocains de montagne, voire dans d’autres pays européens. Cela dit, la construction de cheminées commence à se généraliser auprès des particuliers ou des promoteurs qui construisent des maisons disposant d’espaces suffisants.
 
Recueillis par O. A.

L’info...Graphie

Marché

Le bois de chauffe entre marché organisé et économie informelle

 
Selon le site de l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF), la production commerciale annuelle moyenne de bois de feu, enregistrée au cours des trois dernières années, avoisine « 366.000 stères provenant des coupes de chêne vert essentiellement du Moyen Atlas, et des sous-produits des coupes de cèdre, et d’eucalyptus ». Ce bois commercialisé officiellement ne représente cependant qu’une faible partie de la consommation énergétique totale nationale en bois de feu. Cela s’explique par le fait que les productions forestières nationales sont soumises à deux types d’économie.
 
« L’une officielle, qui découle des marchés et des échanges commerciaux portant sur la récolte annuelle de l’accroissement du capital. L’autre informelle, de subsistance et d’autoconsommation, qui se développe à l’intérieur et à la périphérie des massifs forestiers souvent sans tenir compte des possibilités de l’écosystème », explique l’ANEF. A noter que les volumes de bois issus de l’économie informelle fluctuent selon les années et restent très difficiles à estimer d’une manière précise.
 

Stratégie

Des fours améliorés pour réduire la pression sur les forêts

 
Depuis plusieurs années, l’Administration des Eaux et Forêts a mis en place diverses activités dont l’objectif est de réduire la pression sur les écosystèmes forestiers due aux prélèvements excessifs du bois de chauff­e. La stratégie « bois-énergie » adoptée dans ce sens a pour objectif de « gérer durablement les ressources forestières en conciliant l’augmentation des ressources en bois-énergie avec la réduction de la consommation, et en rendant plus efficace l’utilisation du bois et son remplacement par d’autres combustibles ». Ainsi, des fours améliorés ont été conçus et annuellement distribués aux usagers des forêts qui vivent dans les régions estimées prioritaires. En 2024, le nombre total de fours améliorés distribués s’élèvera à près de 60.000 unités.
 
« L’objectif de ce programme est de réduire la consommation de bois de feu en améliorant l’efficacité énergétique des fours utilisés d’en moyenne 50%. Il permet également de contribuer à l’amélioration des conditions de vie de la population rurale en matière d’hygiène et de santé, notamment pour la femme rurale ». Ce programme a un impact positif sur l’amélioration de l’état d’équilibre des écosystèmes forestiers puisqu’il a permis de réduire le déficit énergétique en bois de feu (pertes en capital de bois sur pied) de 7500 T/an durant l’année 2015, et pourra atteindre une réduction avoisinant les 150.000T/an (15%) à l’horizon 2024, ce qui est l’équivalent de la production de l’exploitation de 4000 ha de plantation d’eucalyptus adulte à 10 ans ou de chêne vert adulte à 40 ans.
 








🔴 Top News