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Autoroute de l’eau Sebou-Bouregreg : L’impact environnemental d’un projet écoresponsable [Intégral]


Rédigé par Omar ASSIF Mercredi 6 Septembre 2023

Projet titanesque dont la première tranche vient d’aboutir, l’interconnexion des bassins hydrauliques a nécessité une approche solide de mitigation des impacts écologiques potentiels. Eclairages.



La mise en place de grands ouvrages hydrauliques est souvent synonyme d’impacts écologiques, parfois irréversibles. Certains expliquent par exemple que la construction du barrage de Sidi Mohammed Ben Abdellah a joué un rôle majeur dans la disparition de l’alose. L’aboutissement ce 28 août 2023 de la première tranche du projet de transfert de l’eau du Sebou vers le Bouregreg n’a donc pas manqué de susciter des craintes qui ont été différemment formulées, notamment à travers les réseaux sociaux. Contacté par nos soins, M. Hammou Bensaâdout, Directeur Général de l'Hydraulique au ministère de l'Equipement et de l'Eau, assure cependant que tous les aspects environnementaux ont été pris en considération. « La mise en œuvre du projet de transfert de l’eau a été précédée par une multitude d’études techniques très poussées. Ces études ont impliqué plusieurs préoccupations environnementales relatives principalement à la disponibilité de l’eau, puisqu’il était bien évidemment hors de question de « déshabiller Paul pour habiller Pierre » », précise-t-il.

Eaux excédentaires

Ainsi, la pluviométrie et l’historique des écoulements ont été soigneusement étudiés afin de pouvoir, au final, ne transférer que l’eau excédentaire du Sebou vers le Bouregreg. « Lorsque nous parlons d’eau excédentaire, nous entendons les ressources hydriques qui perdurent après le prélèvement de tous les usages (eau potable, agriculture, industries, etc.) et qui autrement auraient été rejetées en mer », explique M. Bensaâdout. Quid alors des écosystèmes littoraux qui sont en aval du barrage de garde du Sebou et dont le cycle écologique dépend de l’eau douce qui s’écoule en mer ? « Le volume annuel moyen de l’eau du Sebou qui est perdu en mer après satisfaction de tous les usages est estimé à près de 800 millions de m3. Bien évidemment, il n’a jamais été question de prélever tout ce volume jusqu’à stopper cet écoulement. La tranche urgente du projet qui a été finalisée le 28 août correspond à un transfert de l’eau du Sebou vers le Bouregreg à raison de 400 millions de m3 par an. C’est-à-dire que plus de 400 millions de m3 continueront annuellement à s’écouler vers l’océan », répond notre interlocuteur.
 
Remontée des eaux salines

Même durant l’année la plus sèche depuis plusieurs décennies (2022), le Sebou a enregistré plus de 500 millions de m3 qui se sont écoulés vers l’océan. « D’autre part, le point de prise d’eau a été réalisé au niveau du barrage de garde du Sebou qui correspond au dernier rempart des eaux douces de ce bassin. C’est-à-dire un stock de 40 millions de m3, qui est alimenté depuis les barrages d’El Ouahda et Idriss 1er notamment et qui est destiné à bloquer la remontée des eaux salines qui arrivent jusqu’à son aval. Donc, l’impact sur les écosystèmes qui sont en aval est minime et le bilan environnemental et social du projet est globalement positif. D’ailleurs, le barrage de garde est muni d’une échelle à poisson pour permettre à certaines espèces migratrices de continuer leur cycle écologique… », poursuit le Directeur Général de l’Hydraulique. Le projet d’interconnexion des bassins du Sebou et du Bouregreg a par ailleurs impliqué d’autres dimensions environnementales et sanitaires derrière lesquelles une multitude de projets et d’infrastructures ont été soigneusement déployés (voir interview).

Un projet indispensable

« Dans un contexte de changement climatique, de raréfaction des ressources en eau, d’accentuation des phénomènes climatiques extrêmes, de succession de périodes de sécheresse et de répartition disparate de la pluviométrie entre les régions, cette interconnexion s’avère indispensable », a par ailleurs révélé M. Nizar Baraka, ministre de l’Equipement et de l’Eau, à l’annonce du début des travaux relatifs à la tranche prioritaire. Le fait que le Maroc ait pendant plusieurs années étudié le projet d’autoroute de l’eau (avant de se lancer dans la concrétisation) a par ailleurs donné l’opportunité aux experts et ingénieurs marocains de bénéficier d’une base actualisée de données et de solutions techniques et technologiques qui permettent de parer aux risques de toute nature. Une prouesse qui est scrutée par la communauté internationale dans un contexte où les changements climatiques imposent d’innover à grands pas pour garantir la sécurité hydrique des pays touchés par la raréfaction de l’eau.
 

3 questions à Hammou Bensaâdout : « La qualité de l’eau transférée du Sebou vers le Bouregreg est bonne »

Directeur Général de l'Hydraulique au ministère de l'Equipement et de l'Eau, M. Hammou Bensaâdout répond à nos questions.
Directeur Général de l'Hydraulique au ministère de l'Equipement et de l'Eau, M. Hammou Bensaâdout répond à nos questions.
- Sachant que le bassin du Sebou connaît un certain nombre d’activités polluantes, quelles ont été les mesures mises en place pour anticiper cet aspect ?
- Il s’agit là d’une des principales dispositions environnementales que nous avons considérées et anticipées. À cet égard, nous avons procédé à la dépollution du bassin hydraulique du Sebou. Cela a pris la forme d’un projet dédié qui se focalise principalement sur la problématique de pollution par les rejets des margines. Dans ce sens, un programme de délocalisation des unités industrielles polluantes vers la zone de Aïn Baida a été lancé en 2022, avec comme maître d’ouvrage la Régie de distribution d’eau et d’électricité de Fès. C’est un projet dont l’achèvement nécessite encore du temps.
- En attendant l’achèvement de ce projet, quelles ont été les mesures mises en place pour limiter la pollution due aux rejets de margines ?
- Parallèlement et au vu de la planification pour le début de l’exploitation de l’eau du Sebou dès le mois d’août 2023, nous avons mis en place une solution provisoire pour les rejets des margines au niveau du bassin (provinces de Taounate, Ouazzane, Meknès, Fès, Sidi Kacem notamment). Cette solution est également un projet d’envergure qui est actuellement en cours de finalisation et qui devrait se terminer durant le mois d’octobre prochain.
- Quid de la qualité de l’eau transférée actuellement depuis le Sebou vers le Bouregreg ?
- Nous menons actuellement un suivi régulier de la qualité de l’eau transférée au Bouregreg. Ce suivi se fait juste avant le transfert de l’eau par la Branche Eau de l’ONEP. Un autre suivi se fait également par l’Agence du Bassin Hydraulique du Sebou. Il y a également un suivi de l’eau à l’arrivée, au niveau du barrage de Sidi Mohammed Ben Abdellah. Ces suivis impliquent d’analyser l’ensemble du spectre des composantes et des paramètres physico-chimiques qui définissent la qualité de l’eau. Le résultat qui se confirme quotidiennement étant que la qualité de l’eau transférée du Sebou vers le Bouregreg est bonne. Nous sommes en ce moment en train de suivre le montage des moteurs de pompes pour arriver au débit de croisière de 15m3/seconde. Une fois cette phase terminée, nous installerons un système automatique de mesure de la qualité de l’eau qui sera intégré au projet de transfert et qui permettra un suivi continu et en temps réel. À noter que la qualité de l’eau est également assurée par le dispositif de transfert de l’eau avec l’utilisation de grilles qui filtrent l’eau avant son acheminement vers un système de décantation, puis vers les bassins à partir desquels le pompage final est effectué.
 
 

Infrastructures : Interconnecter les bassins pour parer aux changements climatiques

Projet stratégique par excellence, le vaste chantier d’interconnexion des bassins de Sebou, Bouregreg, Oum Er Rbia et Tensift vise à assurer une souplesse et une meilleure gestion intégrée des ouvrages hydrauliques et renforcer la robustesse des systèmes hydrauliques face au changement climatique. Nécessitant un investissement estimé entre 3 et 5.4 milliards de dirhams, ce projet permettra également de mieux valoriser les ressources hydriques en sécurisant l’approvisionnement en eau potable de la zone côtière Rabat-El Jadida et du Grand Marrakech et réduire ainsi le déficit en eau structurel enregistré notamment dans les périmètres irrigués des Doukkala et du Haouz Central-N’fis.

La première phase, achevée le 28 août 2023, a permis d’interconnecter le barrage de garde du Sebou au barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah au niveau du bassin de Bouregreg. La deuxième phase permettra pour sa part d’assurer l’interconnexion du barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah et du barrage Imfout au niveau du bassin Oum Er Rbia.
L’info...Graphie
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Reboisement : Large compensation des superficies forestières mobilisées

Parmi les aspects environnementaux liés au projet de transfert de l’eau (depuis le barrage de garde du Sebou vers le barrage de Sidi Mohammed Ben Abdellah) se trouve également l’impact sur le domaine forestier qui a dû être utilisé pour les travaux de mise en œuvre. Raccorder le bassin hydraulique du Sebou à celui du Bouregreg a impliqué des travaux sur un couloir de 66.5 Kilomètres dans lequel des canalisations de transport de l’eau ont été aménagées. « Sur près des deux tiers de ce couloir, il a été nécessaire de déboiser une bande de 50 mètres de largeur », explique M. Hammou Bensaâdout, Directeur Général de l'Hydraulique. Ainsi, le total cumulé de superficies déboisées s’est élevé à près de 163 hectares. Dans une perspective de compensation, M. Nizar Baraka, ministre de l'Equipement et de l'Eau, a signé une convention spécifique avec le Directeur Général de l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF) en octobre 2023.

Ainsi, le ministère de l’Equipement et de l’Eau financera le reboisement de 3000 hectares pour une enveloppe budgétaire de 30 millions de dirhams. À noter que cette convention spécifique fait suite à la signature d’une convention-cadre entre les deux institutions avec pour objectif d’améliorer la coordination, la complémentarité et la convergence des programmes de leurs secteurs respectifs. La convention-cadre implique par ailleurs que les deux parties agiront ensemble pour accélérer le règlement des chevauchements existant entre le domaine public et le domaine forestier.








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