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Culture

Au-delà des messages : La vision du cinéma selon Faouzi Bensaïdi


Rédigé par Yassine Elalami le Samedi 9 Décembre 2023

L'Histoire de l'art est une tapisserie riche de diversité, tissée avec les fils infinis de l'expression créative. Depuis ses débuts, l'art a évolué et s'est manifesté de mille façons, captivant et stimulant son public à travers les époques. Cependant, au cœur de cette diversité artistique, surgit un débat persistant sur le rôle que l'art doit jouer : faut-il simplement qu’il intrigue et émerveille ou devrait-il porter un message profondément ancré ? Faouzi Bensaïdi, réalisateur et scénariste marocain, figure emblématique du monde cinématographique, offre une réflexion profonde sur le rôle de l'art, en particulier du cinéma, dans la transmission de messages. Avec une carrière s'étendant sur 25 ans, Bensaïdi partage son point de vue nuancé sur la nature de l'expression artistique.



L'art, toutes filières confondues, a incarné depuis ses débuts d'innombrables formes subtiles pour captiver son interlocuteur. Derrière chaque idée, une influence s'est installée inconsciemment, obligeant les artistes à la faculté et à la nécessité de transmettre un message. Cette tâche, sollicitée depuis l'Antiquité grecque, voire même avant, perdure parmi les artistes et suscite l'intérêt d'autres personnes.

Cependant, pour de nombreux contemporains, cette approche ne semble plus être recherchée. Certains considèrent même qu'il est incompréhensible qu'une œuvre soit contrainte d'apporter un message, que ce soit de manière explicite ou implicite. Ils souhaitent ainsi libérer l’art de toute exigence sociétale, lui accordant une plus grande marge d’émancipation.

Dans le septième Art, cette approche a toujours été et reste un moyen de décrypter chaque création et de la recomposer. Les critiques de cinéma cherchent constamment le message profond d'un film, sa raison d'être, les arrière-pensées du cinéaste, l'environnement de création, les inspirations, etc. Ces critères sont essentiels pour appréhender la richesse et la complexité d'une œuvre cinématographique. Cependant, se pose la question : est-ce vraiment la meilleure des approches ?

Après 25 ans de carrière riche en créativité et en merveilles, le réalisateur et scénariste marocain de renom, Faouzi Bensaïdi, l'affirme haut et fort : « Un film ne doit pas nécessairement apporter un message, mais il le porte au-delà de lui ». « Le cinéma est un art lié à la réalité, c’est normal qu’un cinéaste soit touché par ce qui l’entoure et en parle. Mais cela ne doit pas conduire à un cinéma axé sur le sujet, où ce dernier devient la pierre angulaire d’un film, mettant ainsi la création dans un dogme d’où elle tire sa légitimité du sujet traité », nous confie Bensaïdi, à ce sujet.

Avec un ton de désapprobation nostalgique, le réalisateur poursuit : « On ne fait pas des films pour traiter des sujets qui préoccupent la société, mais souvent pour parler de nos histoires intimes, et il faudrait que l’intime rejoigne le collectif. Le personnel dans nos récits touchera tout le monde, à travers la sincérité de notre narration. Le cinéma doit être au cœur du monde, mais le monde ne doit pas être au cœur du film ».

Quand le cinéma change la réalité ou pas !
 
Fragiles devant nos destins, nous espérons qu'une force plus grande que nous changera notre réalité, parlera à notre place, déplacera les lourds fardeaux de nos épaules et honorera nos obligations. Le cinéma, quant à lui, a souvent joué ce rôle, même partiellement au Maroc. En l'an 2000, « Ali Zaoua » est sorti dans les salles obscures marocaines. Ce film percutant a laissé une empreinte profonde sur toute une génération en abordant, à cheval entre réalité et onirisme, le sujet des enfants des rues.

Bien que ce film ait bouleversé les esprits, peut-être contribuant à faire évoluer certaines perceptions, il n'a pas suffi à transformer radicalement la condition des enfants des rues, éradiquant ainsi ce phénomène tragique et garantissant un avenir à ces enfants perdus.

« Un cinéaste ne se réveille pas le matin avec la conviction de créer un film qui changera par la suite la réalité. Cela se produit dans des moments de l’histoire où une œuvre artistique peut éveiller une certaine conscience face à telle ou telle problématique. Cependant, un film n'assume pas la responsabilité de la changer, cette charge incombe principalement aux acteurs politiques », soutient Faouzi Bensaïdi, soulignant que « le cinéma ne change pas le monde, il modifie l'opinion des gens, et si un film parvient à transformer l'opinion d'une personne, c'est déjà énorme ! »

« Arrêtez de réaliser des campagnes de sensibilisation qui durent une minute et 30 secondes sous forme de publicité pour sensibiliser sur les violences faites à l’égard des femmes, investissez dans l’art ! », appelle le réalisateur, ajoutant dans le même sens que « si un homme se trouve devant une pièce de théâtre, avec une musique enchanteresse et une mise en scène envoûtante, il ne portera jamais la main sur une femme ».

En fin de compte, la question persiste : le cinéma doit-il nécessairement apporter un message pour être considéré comme un art authentique ? Selon Faouzi Bensaïdi, la réponse est nuancée. Alors que le cinéma peut, à travers sa puissance narrative, influencer et éveiller des consciences, il ne peut, en soi, assumer la responsabilité de changer la réalité.

Ainsi, la magie du cinéma réside peut-être dans sa capacité à transcender les attentes conventionnelles, à établir des connexions humaines profondes et à inspirer des perspectives changeantes. Dans cette perspective, l'avenir du cinéma pourrait être façonné par la diversité des récits intimes qui captivent et émeuvent, contribuant ainsi à enrichir l'expérience cinématographique d'une manière toujours plus surprenante et significative.
 



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