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Agriculture : La vague de chaleur menace-t-elle la saison ?


Rédigé par Rime Taybouta Mardi 27 Décembre 2022

Après un début prometteur de la campagne agricole suite à des pluies bien réparties dans l’espace et dans le temps, la vague de chaleur que connaît actuellement le Royaume commence à semer l’inquiétude.



Agriculture : La vague de chaleur menace-t-elle la saison ?
Après une période difficile marquée par la sécheresse, la quasi- totalité des régions du Royaume ont connu durant les deux derniers mois des pluies importantes, donnant une lueur d’espoir aux agriculteurs. Les précipitations ont atteint 90 mm, soit une baisse de 20% par rapport à une année normale (110 mm), cependant, on note une hausse de 82% par rapport à la saison précédente.

Ces quantités d’eau auront un effet positif sur le rythme des cultures d’automne, des arbres fruitiers et des cultures fourragères, ainsi que sur les retenues des barrages et les réserves d’eaux souterraines, selon le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohammed Sadiki, qui a établi, récemment à la Chambre des Conseillers, un état des lieux de la saison agricole. Selon le bilan d’étapes du ministère, les eaux de barrages destinées à des fins agricoles se sont également élevées à 3,23 milliards de mètres cubes, soit un taux de remplissage d’environ 24%, et un taux de déficit de 25% par rapport à la saison précédente.

Un bon début, mais l’année n’est pas sauvée

La saison agricole s’annonce donc prometteuse, à condition que les pluies soient régulières dans le temps et bien réparties dans les différents bassins agricoles du pays. Toutefois, l’absence de précipitations ces deux dernières semaines et, surtout, la vague de chaleur exceptionnelle qui souffre sur tout le territoire national, empêchent l’atteinte des niveaux permettant de capitaliser sur les acquis hydriques de l’année en cours. Cette période de chaleur est à la fois positive et négative, nous indique Redouane Choukr-Allah, chercheur en agriculture durable et en ressources hydriques.

«La vague de chaleur pendant ces derniers jours a permis de développer un certain nombre de cultures, surtout le pâturage et tout ce qui est forage», explique-t-il. Mais il précise que si la vague se poursuit, plusieurs cultures subiront les conséquences de plein fouet.

Dans ce sens, il est à noter que le déroulement des phases des cultures végétative et reproductrice, est avant tout lié à la température du végétal ou de l’air qui l’entoure. Une augmentation globale de la température se traduira par des vitesses de développement, des évolutions plus rapides que dans les conditions actuelles. Dans le cas de cultures annuelles, la durée séparant le semis de la récolte s’en trouvera donc diminuée, entraînant par ce fait une diminution de la durée de croissance des organes récoltables. En clair, les vagues de chaleurs sont positives, néanmoins, elles devraient être courtes dans la durée.

La tutelle s’en mêle !

Le caractère incertain de la pluviométrie impose donc l’intervention du gouvernement qui a établi la subvention des prix des semences sélectionnées à 389 millions de dirhams, pour sécuriser 1,1 million de quintaux de semences sélectionnées pour les trois principales céréales. Selon la tutelle, les ventes ont atteint, à ce jour, 900.000 quintaux, avec des prix subventionnés à 30%, ainsi que des semences de betterave sucrière pour une superficie de 50.000 hectares. Aussi, le marché national sera approvisionné par près de 650.000 tonnes d’engrais phosphatés, au même prix que la dernière saison.

Du côté de la production agricole, les subventions aux fourrages se poursuivront en fonction des filières de production et de la situation de chaque région, sachant qu’on compte actuellement plus de 7 millions de quintaux d’orge et plus de 2,1 millions de quintaux de fourrages composés subventionnés.

Pour ce qui est de l’eau destinée à l’abreuvement du bétail, le ministère de l’Agriculture et celui de l’Eau procèdent à l’élargissement des points dédiés, et ce, selon les besoins des régions. Cependant, toutes ces mesures ne vont pas pallier au déficit hydrique chronique dont souffre le Maroc et donc l’impact sur les résultats agricoles serait minime. «Il est temps de penser à introduire des technologies innovantes en termes d’amélioration de la productivité, particulièrement, des céréales, sachant qu’actuellement, la sécheresse est devenue structurelle», recommande Redouane Choukr-Allah.

Dans ce cadre, Mohammed Sadiki avait indiqué que les programmes et projets programmés pour l’année 2023 s’articulent notamment sur le choix de systèmes agricoles résilients et efficaces, ainsi que sur l’adoption de technologies d’adaptation par la culture directe. Grosso modo, les experts contactés par nos soins s’attendent à une saison pas très performante, mais bien meilleure que l’année dernière. Par contre, l’inquiétude des agriculteurs devient plus vive puisque la météorologie nationale prévoit un ciel dégagé pour les semaines à venir.



Rime TAYBOUTA

Repères

Campagne agricole bien partie
S’agissant du déroulement de l’actuelle campagne agricole, le ministre de l’Agriculture a fait savoir, lors d’un passage à la deuxième Chambre, que les superficies des cultures d’automne labourées ont atteint jusqu’à présent 2,72 millions d’hectares, et la superficie cultivée est de 2,1 millions d’hectares, ajoutant que la superficie cultivée en betteraves sucrières a atteint 28,14 mille hectares, alors que 1000 hectares ont été plantés de canne à sucre. La superficie allouée aux légumes d’automne s’est élevée, quant à elle, à 72 mille hectares, a-t-il poursuivi. Par ailleurs, Sadiki a estimé que les dattes devront atteindre 110 mille de tonnes, les olives 1,1 million de tonnes et les agrumes 1,6 million de tonnes, notant que les exportations d’agrumes ont baissé de 39% par rapport à la campagne précédente, tandis que les exportations de primeurs ont progressé de 18%.
 
Irrigation
Concernant la question de l’irrigation, qui se pose dans un contexte national marqué par un stress hydrique, le gouvernement prévoit « l’achèvement de la modernisation des réseaux d’irrigation et de reconversion collective en irrigation localisée, sur une superficie de 117.000 ha, sa poursuite sur une superficie de 38.000 ha et l’équipement de 35.000 ha supplémentaires d’exploitations agricoles en système d’irrigation localisée», selon les données publiées par la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF) du ministère de l’Economie et des Finances, dans la note de conjoncture du mois de novembre 2022.

L'info...Graphie


Campagne agricole


Des mesures pour assurer le bon déroulement
 
Selon les données publiées par la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF) du ministère de l’Economie et des Finances, dans la note de conjoncture du mois de novembre 2022, les mesures en question se rapportent essentiellement à « l’approvisionnement en facteurs de production (semences et engrais) et au développement des filières agricoles ainsi qu’à la gestion de l’eau d’irrigation, l’assurance agricole, le financement et l’accompagnement des agriculteurs ».

S’agissant des semences et des engrais, près de 1,1 million de quintaux de semences sélectionnées vont être mis à la disposition des agriculteurs, à des prix de vente subventionnés, et 650.000 tonnes d’engrais phosphatés vont garder les mêmes prix de la campagne précédente.

Concernant la question de l’irrigation, le gouvernement prévoit « l’achèvement de la modernisation des réseaux d’irrigation et de reconversion collective en irrigation localisée, sur une superficie de 117.000 ha, sa poursuite sur une superficie de 38.000 ha et l’équipement de 35.000 ha supplémentaires d’exploitations agricoles en système d’irrigation localisée », précise la même source.

 

Stress hydrique


Six barrages remplis à 100%
 
Les dernières précipitations ont duré environ cinq jours. Insuffisant de l’espoir chez les professionnels du secteur agricole, elles ont permis de remettre à flot les nappes phréatiques, mais aussi d’augmenter le niveau d’eau retenue dans les barrages. Ainsi, les barrages du pays affichent, au 19 décembre, un taux de remplissage de 30,7% contre 24,9% le 12 décembre, premier jour des dernières pluies.

Les réserves, quant à elles, sont passées à 4.951 millions de m3 (Mm3) contre 4.017 Mm3 le 12 décembre, soit 934 Mm3 de plus en une semaine. Sur sa page Facebook officielle, l’Agence du bassin hydraulique (ABH) du Loukkos a annoncé que la situation de ses 14 barrages s’est améliorée de 18 points de pourcentage, passant de 34% de remplissage le 8 décembre à 52% le 17 décembre. Les réserves sont passées de 649 Mm3 à 986 Mm3 aux mêmes dates.

Selon l’Agence, la région a connu d’importantes précipitations sur ses différents bassins, variant entre 174 et 299 mm au niveau des bassins de Tanger, et entre 179 et 500 mm au niveau des bassins du Loukkos. Le taux de remplissage du barrage Oued El Makhazine à Larache, le plus grand de la région, est pour sa part passé de 43% le 8 décembre (soit 289 Mm3) à 72% (481 Mm3) le 17 décembre.

Toujours au niveau du même bassin, les barrages de Cherif El Idrissi, d’une capacité totale de 121,6 Mm3, de Nakhla (4,2 Mm3) et de Chefchaouen (121,1 Mm3), relevant de la province de Tétouan, sont remplis à 100%. Les réserves totales au niveau de ces trois barrages sont de 138 Mm3.

Trois autres barrages affichent 100% de remplissage, notamment Oued Za, relevant de l’ABH de la Moulouya, d’une capacité de stockage totale de 94,6 Mm3, Bouhouda, relevant de l’ABH de Sebou, d’une capacité de 44,76 Mm3, et puis Sidi Saïd Maâchou, relevant de l’ABH de l’Oum Er-Rabia, d’une capacité de 1,1 Mm3.

 

3 questions à Redouane Choukr-Allah


« Il est temps de penser à introduire des technologies innovantes en termes d’amélioration de la productivité »
 
Chercheur en agriculture durable et en ressources hydriques, Redouane Choukr-Allah répond à nos questions sur l’effet des vagues des chaleurs sur la productivité agricole. 


- Après les brèves précipitations, les régions du Royaume vivent une nouvelle vague de chaleur. Quelles seraient les conséquences de cette dernière ?

- En effet, les deux mois de novembre et décembre ont connu des pluies qui ont permis le remplissage des barrages qui sont passés de 23% à plus de 30%, avec presque un milliard et demi de mètres cubes. Mais malgré ces précipitations, nous ne pouvons absolument pas dire que l’année est sauvée, par contre, nous pouvons dire que la vague de chaleur pendant ces derniers jours a permis de développer un certain nombre de cultures et surtout le pâturage et tout ce qui est forage. Ainsi, il est vrai que l’année a connu un bon démarrage, mais si nous n’avons pas de pluies pendant le mois de mars, le rendement va être réduit au minimum de 50 à 60%.


- Vu le contexte climatique défavorable, quelles sont, aujourd’hui, les solutions innovantes auxquelles le Maroc pourrait recourir pour assurer annuellement une bonne production agricole ?

- Aujourd’hui, il est temps de penser à introduire des technologies innovantes en termes d’amélioration de la productivité, particulièrement des céréales, sachant qu’actuellement, la sécheresse est devenue structurelle. Par conséquent, les semis directs ont permis d’améliorer les rendements de 15 à 25%, selon les régions. Actuellement, la moyenne des céréales est très faible, il est temps, donc, de donner un peu plus d’investissements et de supports aux agriculteurs qui sont dans le bourg.


- Dans un pays comme le Maroc, qui dépend principalement des pluies dans son modèle agricole, quelles sont les quantités de pluies optimales dont il a besoin pour avoir une bonne production agricole ?

- Il est à noter que ce n’est pas la quantité qui importe, mais surtout le stade d’apport de ces taux. Pour les céréales, par exemple, il faut compter entre 300 et 400 mm en appliquant un certain nombre de technologies pour avoir de bons résultats. Par ailleurs, la répartition des pluies au niveau régional est plus importante que la quantité.



Recueillis par R. T.