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Affaire SAMIR : Le verdict du CIRDI est-il incontournable ?


Rédigé par Anass MACHLOUKH Lundi 13 Février 2023

Alors que la procédure de liquidation judiciaire de la SAMIR avance, le gouvernement semble attendre la sentence du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) avant de prendre une décision. Quel rapport entre les deux procédures ? Réponses des experts.



Le CIRDI va trancher le différend opposant le Maroc à l'ex-actionnaire majoritaire de la SAMIR qui revendique 14 MMDH de dédomagements.
Le CIRDI va trancher le différend opposant le Maroc à l'ex-actionnaire majoritaire de la SAMIR qui revendique 14 MMDH de dédomagements.
Après tant d’années d’attente, le flou continue de planer sur le sort de la SAMIR, dont la liquidation judiciaire peine à aboutir. Exaspérés, les salariés de la société réclament une solution finale qui met fin à plus de six ans d’incertitude. Ces derniers ont multiplié les sit-in ces derniers jours devant le siège de la Raffinerie pour crier leur colère, affirmant qu’ils ont dû vivre avec des revenus diminués de 40% depuis la faillite et la liquidation judiciaire en 2016. Le Front de sauvegarde de la SAMIR exige une solution le plus vite possible pour permettre aux salariés de bénéficier pleinement de leurs droits.  
 
Des investisseurs intéressés par les actifs de la raffinerie 
 
Les salariés ont eu un regain d’espoir après que le Tribunal de Commerce de Casablanca ait décidé, le 31 janvier, d’ouvrir la cession judiciaire des actifs de la Raffinerie. Le Syndic, Abdelkbir Safadi, a annoncé le coup d’envoi de la réception des offres. Le champ maintenant est ouvert aux investisseurs désirant acheter l’actif de la société et qui sont priés de se présenter dans un délai qui ne dépasse 30 jours à partir de la date de publication de l’annonce. Jusqu’à présent, plusieurs investisseurs seraient intéressés, selon El Houssine El Yamani, président du Front National pour la Sauvegarde de la SAMIR, qui nous a indiqué que cinq ou six investisseurs ont manifesté l’intérêt d’acheter la raffinerie sans dévoiler leurs identités pour des raisons de confidentialité. 

Cette nouvelle tentative de faire avancer la raffinerie a-t-elle une chance d’aboutir ? Une question que se posent plusieurs observateurs de ce dossier puisque le Tribunal de Commerce de Casablanca a eu de la peine à trouver un acheteur privé malgré des efforts considérables. Le Tribunal, rappelons-le, a même fait appel aux services d’une Banque d’investissement pour ce faire sans parvenir à un résultat. La réussite de cette nouvelle tentative de cession reste tributaire du gouvernement, aux yeux de M. El Yamani qui appelle l’Exécutif à donner des garanties aux investisseurs intéressés.  
 
L’Exécutif attend les échos de Washington !
 
De son côté, le gouvernement ne semble pas pressé et veut prendre le temps nécessaire avant de décider. Le Porte-Parole de l’Exécutif, Mustpaha Baitas, a été clair lorsqu’il a fait savoir qu’il est illusoire de penser que la solution sera trouvée dans le court terme. Ce dernier a mentionné l’arbitrage international dans la liste d’arguments. Sa déclaration est restée fidèle à ce que disait et continue de dire sa collègue Leila Benali, à laquelle est confiée la gestion du dossier. Celle-ci a toujours répété que le gouvernement prendra le temps nécessaire pour étudier les différents scénarios relatifs à la raffinerie sans exclure l’option de cession à un investisseur étranger. Ce qui est certain, c’est que le gouvernement n’est nullement intéressé par l’option de nationalisation. Raison pour laquelle la cession au secteur privé est l’hypothèse la plus crédible. Toutefois, le gouvernement ne semble pas enthousiaste dans la quête des acheteurs privés, en ayant les yeux rivés sur le différend d’arbitrage au CIRDI qui l’oppose à Corral Holding du Saoudien Al Amoudi, ex-actionnaire majoritaire de la Raffinerie. Ce dernier réclame des dédommagements à hauteur de 14 milliards de dirhams. L’Exécutif semble vouloir attendre l’issue de cette affaire avant de décider quoi que ce soit. Selon une source proche du dossier, le gouvernement prendrait au sérieux le scénario d’une sentence défavorable du CIRDI qui condamnerait le Royaume à verser au plaignant le dédommagement requis, dont la somme est quasiment équivalente à ce que la SAMIR doit à l’administration des douanes (13 MMDH).  

Au CIRDI, dont le siège est basé à Washington, la procédure traîne encore. Le dernier développement date d’octobre 2022, lorsque le tribunal a tenu des audiences.  En général, ce genre d’affaires tend à se conclure par une sentence favorable à l’investisseur. Raison pour laquelle le gouvernement préfère généralement les règlements à l’amiable pour payer le minimum possible de dédommagements. C’est ce qu’a fait le Royaume avec le groupe américain Carlyle qui s’est désisté moyennant 14 millions de dollars de dédommagements. Cette transaction a permis au Maroc d’éviter de payer la somme initialement réclamée (400 millions de dollars).  Toutefois, le Maroc a obtenu gain de cause dans l’affaire l’opposant au groupe Schulz. Ceci pourrait inciter le Royaume à ne plus privilégier prioritairement les règlements à l’amiable, estime notre source. 

Tous ces éléments semblent induire le gouvernement à réfléchir le plus longuement possible. Un argument qui peine à convaincre le Front de Sauvegarde de la SAMIR. «Ce sont deux procédures séparées», insiste El Houcine El Yamani qui explique que la liquidation judiciaire n’a rien à voir avec l’affaire du CIRDI puisque la première concerne la dette que l’Etat n’a pas d’autre choix que de la recouvrir à partir de la cession des actifs de la société.  Ici, la question qui se pose est de savoir si l’Etat garantit le recouvrement de la totalité de ses créances. Ceci dépend aux yeux de M. El Yamani de l’expertise d’évaluation des actifs de la SAMIR. Actuellement, ils sont évalués à 21 milliards de dirhams. Une somme assez suffisante pour payer la dette de l’administration des Douanes, mais pas le reste des créanciers. Outre cela, la moyenne de recouvrement des créances dans le cadre des affaires de liquidation judiciaire ne dépasse pas les 40% au Maroc, selon les estimations des experts. Quelles que soient les sommes recouvrées, la cession est bénéfique pour l’Etat, aux yeux de M. El Yamani, qui pense que l’Etat risque de perdre encore plus si la cession dure encore plus longtemps, vu que les actifs de la raffinerie vont s’amortir davantage. «Ce que nous demandons, c’est de sauver l’actif tel qu’il est actuellement en attendant l’issue de l’arbitrage soumis au CIRDI. En cas de décision défavorable, on aura subi deux pertes», a-t-il fait savoir. 
 
Anass MACHLOUKH 
 

Trois questions à El Houcine El Yamani

«La SAMIR aurait pu engendrer un bénéfice net de 10 MMDH en 2022 si elle était active»

El Houssine El Yamani, président du Front National pour la Sauvegarde de la raffinerie la SAMIR, a répondu à nos questions.


 
Pensez-vous que la cession des actifs de la SAMIR a des chances d’aboutir ?

- Le tribunal de Commerce de Casablanca a pris sa décision en publiant l’annonce de cession des actifs de la société. Donc, la perspective est claire. La Justice veut aller jusqu’au bout et trouver un nouvel investisseur. Presque cinq ou six investisseurs ont manifesté leur intérêt depuis la publication de l’annonce. Si le Tribunal estimait que la procédure portait préjudice aux intérêts de l’Etat, il n’aurait pas publié cette annonce à ce moment là où le dossier est toujours soumis au CIRDI.

Le coût de redémarrage de la Raffinerie n’est-il pas un obstacle pour les investisseurs ?

L’avis du tribunal était clair puisqu’il met uniquement l’actif en cession et pas le passif. Ceci dit, celui qui va acheter la raffinerie va acquérir uniquement son actif sans payer sa dette.  La société n’est pas obsolète comme le pensent certains. Le tribunal ne peut mettre en cession l’actif d’une société non-opérationnelle. Le redémarrage peut se faire dans une durée qui ne dépasse pas les 8 mois avec un coût estimé à 220 millions de dollars. Cela comprend les droits des salariés, la réhabilitation…etc. Ceci dit, plus on attend, plus le coût augmente. En gros, le redémarrage de la raffinerie est d’autant plus utile que le raffinage donne actuellement une marge de plus en plus importante au niveau des prix. Nous avons fait un «business analysis» dont les résultats sont probants. La SAMIR aurait pu engendrer un bénéfice net de 10 MMDH en 2022 si elle était active. 

Quel bénéfice l’Etat peut-il gagner par la cession de la SAMIR ?

- L’Etat a intérêt à ce que la cession de la SAMIR aboutisse dans la mesure où il est le principal créancier avec 13 MMDH de dette qui appartient aux douanes, c’est l’argent public qui risque de s’évaporer en cas d’échec de la cession. Le gouvernement, à nos yeux, peut intervenir en encourageant les investisseurs privés à acheter la raffinerie en leur donnant des garanties. On vient d’adopter la nouvelle charte de l’Investissement. Pourquoi ne pas en profiter pour encourager les investisseurs intéressés dans ce cas.  Le gouvernement n’a pas encore dévoilé sa stratégie de gestion du marché des hydrocarbures. Il faut le faire le plus vite possible pour donner une visibilité aux investisseurs privés.
 
Recueillis par Anass MACHLOUKH

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Trois questions à Abdelhakim El Kadiri Boutchich


« Le Maroc a des chances de sortir victorieux de l’arbitrage du CIRDI »

Abdelhakim El Kadiri Boutchich, auditeur fiscal et juge à la Cour internationale de résolution des différends, basée à Londres, a répondu à nos questions sur la procédure d’arbitrage soumise au CIRDI.

 
Le Maroc a-t-il des chances d’obtenir gain de cause dans la procédure arbitrale ?
 
Dans le cas de l’affaire Maroc et ancien actionnaire majoritaire de la SAMIR devant la CIRDI, je rappelle que la procédure a pris beaucoup de temps puisqu’elle date du 14 mars 2018. Le dossier porte essentiellement sur la question de savoir si le Royaume sera condamné ou pas à indemniser le groupe CORAL des éventuels préjudices qu’il a subis lors de la mise en faillite de la SAMIR.
 
Vu le scénario compliqué de cette affaire, je pense que la Cour se prononcera au profit du gouvernement marocain, parce que le principal actionnaire n’a pas respecté ses engagements pour sauver la société de sa liquidation et des retombées d’une mauvaise gouvernance. C’est ça le fond du sujet parce qu’on ne peut pas imputer la responsabilité d’une faillite à l’Etat dans le cas d’une société privée qui n’a pas su gérer son activité. 
 
Le plaignant estime, tout de même, que l’Etat marocain n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger ses investissements. Qu’en pensez-vous ?
 
- À mon avis, le Maroc n’a pris aucune mesure qui soit de nature à porter préjudice aux intérêts des actionnaires, puisque la SAMIR a été tellement mal gérée qu’elle a fini par faire faillite avec des dettes colossales. La mise en liquidation prononcée par le Tribunal de Commerce de Casablanca est due à une cessation de payement causée par un dysfonctionnement de la société, et les actionnaires dans les règles de l'art des affaires sont tenus à apporter le soutien financier et de gestion pour honorer les créances de la société.
 
La liquidation judiciaire va-t-elle aboutir à votre avis ?

- Depuis sa privatisation en 1997 et jusqu’au jour de sa cessation de payement en 2016, j’ai constaté que la privatisation de ce genre d’activité fut une erreur fondamentale qui  met en cause les fonds propres de ladite société et son capital humain. Bien évidemment, la société a fait l’objet d’une mauvaise gestion qui a entraîné une cessation de payement et la mise en liquidation judiciaire. Compte tenu de tout ce qui s’est passé, il serait difficile de convaincre de nouveaux investisseurs dans cette affaire. A mon avis, si c’est nécessaire d’installer une nouvelle raffinerie au Maroc, il vaut mieux la prendre en charge par un investissement public.
 
Propos recueillis par A. M.








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