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Adnane Addioui : «Le manque de communication a impacté la gestion de la crise de la Covid-19 par le gouvernement»


Rédigé par Anass MACHLOUKH Jeudi 6 Août 2020

Gestion de la Covid-19, communication du gouvernement, nouveau modèle de développement, Adnane Addioui livre sa vision



La pandémie du Covid-19 est une véritable épreuve pour le Maroc, M. Adnane Addioui, président du centre marocain de l’innovation et de l’entrepreneuriat social (MCISE), membre de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) nous a livré sa vision sur la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement tout en nous faisant part de sa conception du nouveau modèle de développement.

- Nous venons de traverser l’une des pires crises épidémiques de notre histoire moderne, la Covid-19 a provoqué l’arrêt de l’économie mondiale. Comment vous évaluez la gestion de cette crise par le gouvernement et son accompagnement des citoyens impactés ?

- En ce qui concerne la gestion de la covid-l9, je préfère parler de subventions plutôt que d’accompagnement. En effet, l’Etat a constitué un fonds consacré à gérer les effets de la crise afin d’accorder des subventions pour les gens qui furent impactés par le confinement décrété par les autorités et notamment les personnes dont l’activité économique fut arrêtée à cause de cela.

Je pense qu’il y avait pendant la gestion de la crise un peu d’improvisation malgré les efforts qui ont été fournis par les autorités. J’ai constaté également l’absence de l’approche participative dans cette gestion. Je précise qu’elle fut prise en charge complètement par le gouvernement sans implication des parties intéressées à savoir la société civile et les corps professionnels. Ces derniers n’étaient pas consultés ni impliqués dans la prise de décision. Ainsi, j’appelle cette façon de gérer « One Man Show », c’est-à-dire c’est l’Etat qui s’est emparé exclusivement de la décision. Il fallait associer plus, communiquer mieux.

- Après la production des masques et du matériel médical, trouvez-vous que la période post Covid-19 pourrait voir le Maroc s’élancer dans un vaste élan de réindustrialisation ?  

- Je trouve que c’est une erreur de communication de dire qu’on a découvert un potentiel après la crise, le potentiel industriel a toujours existé au Maroc et nous avons toujours eu des compétences humaines et qu’il fallait juste leur accorder suffisamment d’attention.  

Nous n’avons pas vraiment découvert un potentiel industriel, je rappelle que toute économie fonctionne selon trois paramètres : Valorisation, moyen et orientation. En l’occurrence, l’orientation s’est montrée décisive. 

Il ne faut pas oublier que les sociétés telles que Soft Groupe avait annoncé un certain moment qu’elle va distribuer les masques à titre gracieux et a mis à la disposition du ministère de l’Industrie 10 millions de masques. En plus de ça, nous n’avons pas d’informations suffisantes sur les entreprises ayant eu les contrats de production des masques. En gros les conditions dans lesquelles s’est déroulé le processus de production sont restées opaques à cause du manque de communication.

- Quelles sont les leçons à tirer en matière de politique industrielle ?

- En effet, il faut revoir la politique des grands chantiers dont quelques projets n’ont pas été prioritaires. En outre, l’attraction des investisseurs étrangers et l’implantation de leurs usines au Maroc ne peut pas être le seul horizon de notre politique industrielle. Je parle ici des constructeurs automobiles tels que Renault ou PSA dont le Maroc dépend considérablement.

J’invite les gens à lire le livre de Mehdi El Menjra qui évoque ce sujet, le vrai problème au Maroc c’est que les gens, les citoyens ne professent pas leur opinion là-dessus. Ceci s’explique par le fait que la prise de décision en matière de la politique industrielle se fait verticalement. Il faut également s’interroger sur la valeur ajoutée du Maroc dans la chaîne de production des voitures avant de se féliciter des résultats.  

- La crise de la Covid-19 a montré les vertus de la numérisation et des nouvelles technologies, quel futur pour le secteur numérique au Maroc ?


- Franchement je ne peux vous répondre qu’après la fin de la crise du Coronavirus. C’est la pandémie qui nous a forcés à entamer une rupture numérique, comme vous l’avez constaté dans les services de l’administration, l’enseignement à distance et même dans les tribunaux qui ont organisé des procès par vidéo-conférence. Donc nous ne pouvons dire que c’est un progrès que si ça devient une norme au futur. À mon avis, la numérisation n’est pas une question de moyens, c’est une question uniquement de volonté.

- Vous plaidez la réforme du système éducatif et vous insistez d’y introduire l’apprentissage par des outils numériques d’autant plus que le confinement a imposé les cours à distance. Y a-il une possibilité de s’adapter à cela dans les années avenir ? 

- Tout système éducatif doit avoir pour but de former des gens indépendants qui peuvent créer euxmêmes leurs projets et s’épanouir individuellement. Dans ce but, il faut changer radicalement la façon d’enseignement et de transmission du savoir. En ce qui concerne le numérique, on doit l’intégrer dans notre système éducatif parce qu’on n’a pas le choix étant donné que le monde est en pleine révolution numérique. Quant à l’enseignement à distance, malgré les efforts qui furent fourni en matière de plate-forme numérique, des inégalités existent dans l’accès à ses services. N’oublions pas que les enfants des zones rurales n’ont souvent pas accès à Internet ce qui les a privés de bénéficier des cours à distance pendant le confinement. Ainsi, l’infrastructure numérique doit être au centre des préoccupations de l’Etat pour faire en sorte que tous les élèves bénéficient des avantages des plates-formes numériques d’enseignement.

- Vous êtes une figure de la jeunesse marocaine, notamment dans le domaine de l’entrepreneuriat. D’après votre expérience, est-ce que vous sentez que la société marocaine est imprégnée de la culture d’entrepreneuriat et de Start-Up ?

- Non pas encore, notre société est encore accablée par la culture d’assistanat puisque beaucoup de gens pensent que l’Etat doit tout faire sachant que par exemple, nombreux sont les jeunes qui sont toujours hantés par la fonction publique. Nous manquons cruellement de l’esprit de «l’Empowerment », l’initiative individuelle et ceci malheureusement remonte à notre mode de penser et à notre éducation. Un travail énorme nous attend si nous voulons chambouler cet état d’esprit alors que nous manquons de moyens dans ce domaine. Je souligne en l’occurrence que toutes les initiatives de fortification de la société civile proviennent de l’Etranger et des organismes internationaux ce qui questionne le rôle des autorités publiques.

Anass MACHLOUKH

Repères

Gestion du Covid-19 : Une stratégie de communication défaillante 
Selon M. Addioui, le gouvernement a donné l’impression que les décisions se prenaient du jour au lendemain, ce qui confirme le constat de l’improvisation. À titre d’exemple, le gouvernement a beaucoup tergiversé sur la question de la loi de finances. Depuis de début de la crise, il n’avait de cesse de répéter qu’il y aurait une loi rectificative sans que cela soit traduit en acte immédiatement. Ce genre de comportement fait qu’on peut ressentir un peu d’inconstance dans l’action gouvernementale. 
L’enseignement à distance fut un échec
Imposé par le confinement, l’enseignement à distance n’a pas été à la hauteur des attentes des Marocains en raison des inégalités des étudiants à l’accès à internet. Selon une étude du HCP, seulement 17,3% des élèves ou étudiants qui suivaient les cours à distance pendant la période du confinement considèrent que ces cours ont couvert entièrement le programme pédagogique annuel. Pour 68,3% des élèves, ces cours ne couvrent pas totalement le programme et 14,4% sont indécis. En somme, la qualité de l’enseignement à distance a été jugée insuffisante chez près de ¾ des familles ayant leurs enfants à l’école.
Le mandat de la commission est prolongé de six mois à cause de la crise de la Covid-19
Censée présenter son rapport en juin dernier, la commission sur le nouveau modèle de développement a obtenu un prolongement de son mandat jusqu’à janvier 2021 afin de tenir compte des enseignements de la crise de la pandémie de la Covid-19. Ceci a permis de publier un bilan d’étape sur les travaux de la commission. 180 séances ont été organisées et 1.200 personnes rencontrées dans le cadre des consultations avec les citoyens et qui ont accouché de 6.200 contributions. Selon Chakib Benmoussa la confiance dans les institutions, la justice sociale et territoriale sont les principales préoccupations des Marocains. 








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