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Culture

Abdallah El Amrani, homme sweet homme


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 2 Avril 2023



C’est l’amour dans l’âme que je me suis promis de revenir à Marrakech.
C’est l’amour dans l’âme que je me suis promis de revenir à Marrakech.
Multidisciplinaire, il est capable de conter avec une même aisance Mohamed Arkoun, Bob Marley, Nadia Lotfi, Juliette Gréco, Mohamed El Youssoufi, Abdelwahab Doukkali… Un répertoire reflétant la culture générale qu’une frange d’aînés entretient jusqu’à l’insolence. Il aime la vie, le lui prouve et essaie d’inculquer ses bienfaits aux récalcitrants. Le sourire et la blague omniprésents, ils enveloppent des connaissances acquises au fil des années et des expériences. Abdallah El Amrani est l’ami de tous, toutes catégories sociales confondues.

Une devise, une feuille de route ? Non, un état d’esprit, une réalité vraie. Son amour de l’existence est-il nocif pour le cœur qui le lâche progressivement jusqu’à lui couper le souffle, jusqu’à ce que son présent devienne passé ? Cela fait quelques semaines qu’il quitte Marrakech, ville le contenant depuis quelques années, pour un séjour en clinique à Rabat. Depuis son lit de malade, il écrit, le 13 février : « Ce matin, j'ai eu une pensée pour ce grand cinéaste et distingué écrivain Ahmed Bouanani qui est mort, comme ces jours-ci, un mois de février 2011. Il avait, hélas, subi au crépuscule de sa vie les pires souffrances dont le décès de sa fille dans un incendie. J'aurais aimé voir la nation rendre hommage à cet être exceptionnel auteur de travaux immortels tels ‘’Assarab’’ ou ‘’Mirage’’ au cinéma et ‘’Les persiennes’’ en littérature. 

De son dernier livre, recueil de nouvelles, que j'ai lu en 1980, année de sa parution, je retiens cette phrase hautement didactique : ‘’La mort a cette délicatesse de fermer la porte derrière elle’’ ». Plus tard dans la journée, il remet le couvert : « C’est l’amour dans l’âme que je me suis promis de revenir à Marrakech après le mois de ramadan. » Six semaines plus tard, la maladie fait son outro, signant ainsi sa suprématie, lui montrant le chemin de l’éternité.
 
Patron de presse
Abdallah El Amrani, jonglant aussi bien avec la langue française qu’avec la langue arabe, est natif de Ouazzane. Ses études supérieures, il les effectue à Tunis à l’IPSI, un institut de journalisme créé en 1967 et développé l’année suivante grâce à l’assistance de la Fondation allemande Friedrich Naumann. C’est d’ailleurs avec le soutien d’une bourse allemande qu’El Amrani intègre l’IPSI et devient le premier Marocain à rejoindre le métier, diplôme de journaliste sous le bras. De retour au pays, Abdallah s’installe à Casablanca où il fréquente un temps le journal Maghreb Information estampillé UMT (Union marocaine du travail), ciselé UNFP (Union nationale des forces populaires).
 
Cette collaboration permet au journaliste de côtoyer de près de grandes figures de la sphère politique marocaine telles l’ancien président du Conseil des ministres de Mohammed V Abdallah Ibrahim et le Secrétaire général de la Centrale syndicale Mahjoub Bensaddik. Il dit plus tard : « Pour des raisons professionnelles, j’ai fréquenté le milieu politique marocain : une machine à chagriner les hommes. » En 1975, les autorités invitent Maghreb Information à fermer boutique. Dans la foulée, l’Agence Maghreb Arab Presse (MAP) récemment étatisée et dirigée par Abdeljalil Fenjiro fait appel à El Amrani avant de le bombarder directeur du bureau casablancais de l’Agence qu’il développe en lançant, notamment, la revue ECONOMAP. Il occupe le poste jusqu’en 1980.

Le voici ensuite parmi les plus importantes signatures du mensuel Lamalif créé par Mohamed Loghlam et son épouse Zakia Daoud (Jacqueline David). Boulimique, Abdallah El Amrani crée l’hebdomadaire arabophone Al Masser auquel participent l’écrivain Ahmed Al Madini, le poète Hassan Moufti et le journaliste Hassan Alaoui (Frimousse). Et puis, l’heure du développement et de l’élargissement sonne. Le journaliste crée la structure Nejma qui édite l’hebdomadaire Addar Al Baïda (au lendemain de l’interdiction de Al Moharrir) et le mensuel L’Economiste du Maghreb qui connait la collaboration de Driss Guerraoui et d’Ahmed Malki. El Amrani s’occupe parallèlement de la communication de la Foire internationale de Casablanca (FIC) allant jusqu’à donner naissance en 1983 à la première radio privée du pays, celle de la FIC justement, en compagnie de Kamal Lahlou et Mouhcine Terrab. Pendant ce temps, il est sollicité pour mettre sur les rails le journal Rissalat Al Oumma du parti politique naissant Al Ittihad Adoustouri. Une douloureuse expérience morte dans l’œuf. C’est Abdallah Stouky qui prend le relais.

Au milieu des années 1980, Abdallah El Amrani s’installe pendant une dizaine d’années à Tétouan où il rejoint son ami Terrab nommé Gouverneur de la ville. Il y monte un festival international mêlant musique, cinéma, peinture, littérature… La page tétouanaise tournée, le journaliste retrouve Casablanca et le métier qui le voit naître dans la vie active. Il rejoint le magazine La Gazette du Maroc devenu Challenge avant de fonder en 2000 son propre hebdomadaire généraliste La Vérité dont la direction est déléguée depuis quelques années à sa fille Sanaa. Pendant sa semi-retraite marrakchie, Abdallah sort l’ouvrage « L’Homme qui tua la lune ». Le 8 mars dernier, il cite Baudelaire sur sa page Facebook : « Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. » 
 
Anis HAJJAM







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