
La digitalisation ne se résume pas à remplacer les dossiers papier par des tableurs. Elle transforme la relation soignant-soigné, facilite le travail quotidien, et renforce la crédibilité du cabinet. Un cabinet connecté peut intégrer :
- des dossiers médicaux interopérables, sécurisés et consultables à distance ;
- des systèmes de radiologie numérique et de modélisation 3D pour les plans de traitement ;
- des solutions de prise de rendez-vous intelligentes, avec rappels automatisés et réduction des no-shows ;
- des interfaces de communication pédagogiques, qui permettent aux patients de mieux comprendre les soins proposés.
Je décris dans mon livre l’IA comme un système adaptatif, capable d’apprendre, de recommander et d’interagir en contexte. Dans un cabinet dentaire, cela se traduit concrètement :
- par l’analyse automatique des radios ou scanners pour détecter caries, lésions, foyers infectieux ou pathologies parodontales invisibles à l’œil nu ;
- par l’aide à la planification chirurgicale implantaire, avec simulation 3D et calcul de risques ;
- par des outils de tri, de rappel et de suivi des patients à risque, notamment ceux atteints de maladies chroniques ou nécessitant un suivi régulier ;
- par des agents conversationnels (chatbots IA) capables de répondre aux questions fréquentes, de préparer le patient aux soins, ou de l’accompagner après l’intervention.
Et ici, j’insiste sur un point fondamental pour notre pays : ces chatbots doivent parler les langues des Marocains. Il est temps de développer des interfaces conversationnelles en darija et en amazigh, capables de vulgariser les soins, d’expliquer les traitements ou de rappeler des gestes de prévention avec clarté et familiarité. Un chatbot qui dit :
“Sîdi, hna ghâdi ndîru lik tanzîf lîssân bî lâzèr, mâ kayt’awwjach”
ou
“A yemma, ur tessiw i tmezgida, rmi yeggani-w akked-d lḥemlu.”
Ce n’est pas une anecdote linguistique, c’est une exigence éthique et culturelle. Car l’IA n’a de sens que si elle est au service des réalités vécues.
Les outils numériques sont aussi porteurs de risques : exclusion, standardisation, perte de contrôle sur les données. C’est pourquoi je plaide pour une dentisterie augmentée souveraine, c’est-à-dire :
- maîtrisant ses données et ses outils ;
- s’appuyant sur des plateformes éthiques, transparentes et adaptées au contexte marocain ;
- accessible aux praticiens et aux patients des zones rurales comme des métropoles ;
- formant les jeunes dentistes non seulement aux techniques cliniques, mais à une culture numérique critique et responsable.
Inclure des chatbots en darija et en amazigh, c’est refuser l’uniformisation et faire de l’IA un outil de médiation linguistique et sociale, qui parle aux patients dans leur langue, dans leur référentiel culturel, avec respect.
On me demande souvent si ces technologies sont rentables. Je réponds qu’elles sont créatrices de valeur, dans le sens le plus complet du terme :
- Valeur pour le patient, qui bénéficie d’un meilleur soin, d’une information plus claire, et d’un parcours plus fluide ;
- Valeur pour le praticien, qui gagne en efficacité, en réputation et en satisfaction professionnelle ;
- Valeur pour le système de santé, qui peut mieux prévenir, mieux coordonner, mieux planifier.
L’IA ne remplace pas le dentiste. Elle augmente sa capacité à faire du bon soin, au bon moment, pour la bonne personne.
L’intégration du paiement numérique, notamment via la solution e-dirham, constitue un levier complémentaire de modernisation du cabinet dentaire. Elle permet non seulement de fluidifier les transactions, mais aussi de favoriser l’inclusion financière des patients, en particulier ceux non bancarisés.
Le paiement en e-dirhams offre une traçabilité claire, une sécurité renforcée, et une transparence bienvenue dans les échanges financiers liés aux soins.
Pour les praticiens, cela représente un gain de temps administratif, une réduction des impayés, et une compatibilité facilitée avec les plateformes de gestion numérique du cabinet. Pour les patients, c’est un moyen simple, accessible et sécurisé de régler leurs soins, sans manipulation de cash ni recours obligatoire aux cartes bancaires.
Ce type de solution s’inscrit dans une logique d’écosystème digital souverain, où chaque maillon – du diagnostic à la facturation – participe à un parcours de soin fluide, intégré et respectueux des capacités réelles des citoyens.
J’appelle ici à la création d’un écosystème national d’innovation IA en santé bucco-dentaire : un pôle réunissant universités dentaires, startups marocaines en IA médicale, associations professionnelles, et institutions publiques. Sur le modèle de MedinIA, lancé récemment pour l’intelligence artificielle souveraine, un tel cluster permettrait :
- de développer des outils locaux, ouverts et auditables ;
- de proposer des formations continues adaptées ;
- de valoriser l’expertise marocaine à l’échelle africaine et internationale ;
- et de développer des chatbots multilingues marocains qui respectent notre diversité linguistique et culturelle.
Il est temps que les dentistes marocains s’emparent pleinement du numérique et de l’IA, non comme une menace ou une mode, mais comme une chance. Une chance d’améliorer leur pratique, de mieux servir leurs patients, et de contribuer à une transformation systémique de la santé au Maroc. Une transformation qui soit humaine, plurilingue, responsable, et résolument tournée vers l’avenir.