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Actu Maroc

​Dessalement : Chantiers menés tambour battant [INTÉGRAL]


Rédigé par Souhail AMRABI Mercredi 13 Août 2025

Alors que la canicule bat son plein, le ministère de l’Équipement et de l’Eau a dévoilé les détails de son plan d’action pour limiter les dégâts du stress hydrique, avec un zoom sur le dessalement de l’eau de mer.



1,7 milliard de mètres cubes d’eau dessalée à l’horizon 2030. Tel est l’objectif de la stratégie engagée par le Royaume.
1,7 milliard de mètres cubes d’eau dessalée à l’horizon 2030. Tel est l’objectif de la stratégie engagée par le Royaume.
Il s’agit d’un chantier destiné à accélérer la réalisation et l’extension des projets de dessalement de l’eau de mer, qui s’inscrit dans le droit fil des Hautes Orientations Royales. Une stratégie qui vise à accompagner le développement socio-économique que connaît le Royaume tout en faisant face aux défis posés par les changements climatiques, dont l’impact sur les ressources hydriques ne cesse de croître. L’objectif est d’atteindre une capacité annuelle de 1,7 milliard de mètres cubes d’eau dessalée à l’horizon 2030. Telles sont les grandes lignes dessinées par le ministère de tutelle en réponse à une question parlementaire écrite.

Le Maroc exploite actuellement 17 stations de dessalement, offrant une capacité de production cumulée de 320 millions de mètres cubes par an. Parallèlement, quatre grands projets supplémentaires sont en chantier. Une fois achevés, ils permettront d’ajouter 532 millions de mètres cubes par an à la production nationale. En tête de ces projets figure la station de Casablanca, appelée à devenir la plus grande d’Afrique, avec une capacité annuelle totale de 300 millions de mètres cubes. À ce jour, les travaux ont atteint environ 40% d’avancement, et la mise en service complète est prévue pour fin 2026.

Les stations de Jorf Lasfar (El Jadida) et Safi ont, pour leur part, commencé à fonctionner partiellement dès 2023. Elles assurent actuellement 80% des besoins en eau potable de la zone Sud de Casablanca et des provinces de Settat et Berrechid, apprend-on du ministère. Leur exploitation à pleine capacité est attendue d’ici la fin 2026.
 
Une vision élargie
 
 
Au Sud du Royaume, le projet de dessalement de Dakhla enregistre un taux d’avancement d’environ 78%. Ce chantier intègre également une centrale éolienne destinée à alimenter l’installation en énergie renouvelable. Son entrée en service est programmée pour la mi-2026. Le ministère souligne que les projets de Casablanca et Dakhla illustrent un modèle de partenariat public-privé particulièrement performant.

La stratégie marocaine ne se limite toutefois pas à ces seules infrastructures majeures. Treize projets supplémentaires sont déjà planifiés le long des côtes, avec pour objectif de répondre à la demande en eau potable, de fournir de l’eau d’irrigation à certaines zones agricoles et de satisfaire les besoins du secteur industriel.

Ces futures stations concerneront notamment des villes et des zones stratégiques, telles que la région de l’Oriental, Rabat, Tanger, Guelmim et Essaouira. Les études techniques sont d’ores et déjà finalisées. Par ailleurs, en collaboration avec l’OCP, le ministère œuvre à l’extension des stations d’El Jadida et de Safi, afin de renforcer l’approvisionnement en eau potable de plusieurs villes et de couvrir les besoins industriels de l’OCP. Et pour garantir une couverture nationale complète, y compris dans les zones rurales, le ministère met en place un programme de stations mobiles de dessalement destinées au traitement des eaux souterraines salines et de l’eau de mer. Ce programme prévoit l’acquisition de 244 unités mobiles : 89 ont déjà été achetées et livrées, et le reste devrait être mis en service au cours de l’année 2025.
 

Au-delà du dessalement…
 
La vision marocaine s’appuie par ailleurs sur une gestion décentralisée des ressources hydriques, organisée au niveau des bassins, afin d’adapter les décisions aux réalités locales et d’intégrer la dimension régionale dans la planification. Cette stratégie repose sur la mobilisation durable des ressources conventionnelles, articulée autour de plusieurs axes complémentaires. L’un des leviers majeurs consiste à accélérer la construction de barrages de différentes tailles pour renforcer la capacité nationale de stockage. Parallèlement, la collecte des eaux pluviales est encouragée comme ressource supplémentaire, tandis que l’interconnexion des bassins hydrauliques permet de mieux réguler et redistribuer l’eau entre les régions excédentaires et déficitaires. La préservation des nappes souterraines constitue également un objectif central, avec une gestion visant à optimiser leur exploitation sur le long terme. Le dévasement des barrages existants vient compléter ce dispositif, afin de restaurer leur pleine capacité. Aujourd’hui, le Maroc dispose de 154 barrages grands et moyens, offrant une capacité totale de 20 milliards de m³. Seize nouveaux ouvrages sont en cours de construction et trois autres sont programmés, dans la perspective d’atteindre une capacité globale de 25 milliards de m³ à l’horizon 2030, garantissant ainsi la sécurité hydrique pour l’eau potable comme pour l’irrigation agricole.
  

3 questions à Ayoub Krir : « Il faut instaurer une gouvernance régionale intégrée »

Ayoub Krir, Expert en eau, climat et développement durable, a répondu à nos questions.
Ayoub Krir, Expert en eau, climat et développement durable, a répondu à nos questions.
  •  Quels sont les principaux défis liés à l’interconnexion des bassins et au recours au dessalement ?

- Les défis majeurs concernent les aspects techniques et financiers, notamment la nécessité d’installations de pompage puissantes pour transférer l’eau sur de longues distances, ce qui entraîne une forte consommation énergétique et des coûts élevés pouvant dépasser 7 dirhams par mètre cube. Par ailleurs, ces projets sont exposés aux risques naturels (inondations, séismes, érosion des sols) qui peuvent retarder les travaux. Le dessalement pose aussi des problèmes environnementaux liés à la gestion des rejets salins et bénéficie surtout aux grandes zones urbaines, ce qui soulève des questions d’équité territoriale.
 
  • Quelles mesures urgentes pour sécuriser l’eau potable en milieu rural ?

- Face à ce niveau de remplissage, il est crucial de renforcer les moyens d’approvisionnement en eau potable en milieu rural via la mobilisation de citernes mobiles, la construction de petits barrages dans les zones montagneuses pour stocker les eaux de pluie, et l’amélioration des réseaux d’eau souvent vétustes pour réduire les pertes importantes. L’usage de technologies solaires pour le traitement local de l’eau et la sensibilisation à une gestion rationnelle de la ressource sont également nécessaires.
 
  •  Comment mieux aligner les politiques de l’eau et de l’agriculture pour éviter les conflits d’usage ?

- Pour réduire les conflits entre usages agricoles et approvisionnement en eau potable, il faut instaurer une gouvernance régionale intégrée qui associe tous les acteurs concernés (agriculteurs, collectivités, société civile). Les subventions agricoles doivent être liées à une consommation d’eau mesurée et raisonnée, en favorisant des cultures moins gourmandes en eau et en évitant l’exportation d’eau virtuelle via des productions agricoles intensives. Cela permettrait une gestion plus équitable et durable des ressources hydriques.
 

 
 

Eaux saumâtres : L’autre facette de la riposte

Dans le cadre de sa stratégie de lutte contre le stress hydrique et d’approvisionnement des populations en eau potable, le département de Baraka prête aussi une attention particulière aux eaux saumâtres, qui, malgré leur abondance sur le territoire marocain, demeurent peu valorisées. Les efforts entrepris pour la déminéralisation et la valorisation de ces ressources s’inscrivent dans le cadre d’un «programme majeur qui sera l’un des programmes phares du plan d’urgence et qui permettra de contribuer à répondre aux besoins des provinces du Royaume», selon le ministre. Un travail important est actuellement réalisé à travers une coopération entre le ministère de l’Intérieur et les Agences des Bassins Hydrauliques afin de cartographier les zones où existent des ressources en eaux saumâtres, ce qui permettra de positionner les unités mobiles de dessalement.

A noter qu’un des projets avancés de déminéralisation des eaux saumâtres a été inauguré en novembre dernier dans la région de l’Oriental. La station en question est exploitée par la Régie autonome intercommunale de distribution d’eau et d’électricité (RADEEO) et met à profit des eaux saumâtres provenant des forages de la ville d’Oujda. Cette station permet ainsi de faire face à la problématique de salinité qui affecte les eaux de la nappe phréatique locale. Ce projet, dont les travaux ont été lancés en novembre 2022 pour un coût global de 46,5 millions de dirhams, permet d’avoir un débit de 150 litres par seconde d’eau déminéralisée, qui s’ajoute aux ressources hydriques provenant du barrage Machraa Hammadi par le canal de traction qui s’étend sur une longueur de 80 kilomètres et qui fournit environ 50% des besoins annuels en eau potable de la ville. 
 

Barrages : La vigilance s’impose

En juillet, le Comité de pilotage du programme national de l’eau a fait le point sur l’avancement des projets structurants, permettant de faire le point sur l’état d’avancement des différents chantiers structurants, les mesures d’urgence mises en œuvre, ainsi que les ajustements nécessaires pour faire face aux pressions croissantes sur la ressource. À la date du 11 août 2025, les retenues des barrages s’élèvent à plus de 5,8 milliards de m³, soit un taux de remplissage de 34.9%. Une amélioration relative par rapport aux périodes précédentes, mais qui reste insuffisante pour relâcher la vigilance, notamment à l’approche d’une saison estivale marquée par une forte pression sur les ressources en eau.
 
Le comité a souligné que, malgré l’amélioration constatée de la situation hydrique, la prudence reste de mise. Il appelle à redoubler d’efforts pour sensibiliser à l’usage rationnel de l’eau, particulièrement durant la période estivale, caractérisée par une pression accrue sur les ressources disponibles. À cet effet, il a été recommandé d’intensifier les campagnes de sensibilisation et de poursuivre la mise en œuvre des mesures d’urgence, en vue d’assurer l’approvisionnement continu en eau potable, notamment dans les zones rurales les plus exposées.








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