Artiste multiple, le Japonais conquiert le monde à travers de solides et impressionnantes réalisations. Le monde du cinéma reconnaît en lui un redoutable compositeur de musiques de films dont une, celle du « Dernier Empereur » de Bernardo Bertolucci, lui vaut un Oscar en 1988. Quatre années auparavant, il décroche en Angleterre un BAFTA pour la bande originale de « Furyo » (« Merry Christmas Mr. Lawrence ») dans lequel il tient un rôle aux côtés de David Bowie. Il fait également de courtes apparitions dans « Le Dernier Empereur » mais se juge « pas très bon acteur » et lâche l’affaire même si on le revoit dans « New Rose Hotel » d’Abel Ferrara. D’autres musiques de films et pas des moindres jonchent sa carrière : « Black Rain » de Ridley Scott, « Un thé au Sahara » et « Little Buddha » de Bernardo Bertolucci, « Talons aiguilles » de Pedro Almodovar, « Wild Side » de Donald Cammell, « Snake Eyes » et « Femme fatale » de Brian de Palma » … Prolifique et créateur à bords perdus, Sakamoto explore différents horizons allant de la musique impressionniste de Debussy au pop rock, des sons ethniques à ceux électroniques, de la synthpop à la world, du hip hop à l’afrobeat… Rien n’est étrange pour Ryuichi Sakamoto, puisque c’est dans la recherche qu’il croise l’étonnement, l’inédit et la richesse. On a aussi envie d’évoquer un épisode presqu’anecdotique, celui de la composition en 2005 de musiques pour les sonneries du téléphone Nokia 8800 !
Electro, Violon, violoncelle, piano
A l’Université des Beaux-arts et de musique de Tokyo, Sakamoto choisit de suivre des cours en ethnomusicologie qui lui font découvrir la musique traditionnelle d’Okinawa (chants des îles malaxant des influences japonaises, chinoises, polynésienne et indonésiennes), les musiques africaine et indienne. Parallèlement, il plonge dans l’univers électronique, usant de synthétiseurs mis à sa disposition par l’Université. Entre 1975 et 1978, il réalise deux albums, loue son savoir comme arrangeur et claviériste, monte avec Haruomi Hosono et Yukihiro Takahashi le trio (proche de la formation allemande Kraftwerk) Yellow Magic Orchestra (YMO), un combo synth-rock et J-Pop. Dans les compositions de cette formation qui fait sensation au Japon à la fin des années 1970, se télescopent electropop, techno, ambient house, hip hop et acid house. Le musicien signe quelques succès avec YMO (« Technopolis », « Tong Poo », « You’ve Got to Help Yourself » …) et s’essaie même au chant avec de nettes approximations. En 1980, il sort en solo l’opus « B-2 Unit » produit, en partie, par Dennis Bovell, membre du groupe de reggae anglais Matumbi et producteur éclectique de Fela Kuti, Orange Juice, Bananarama, Madness ou Alpha Blondy. Sakamoto collabore ensuite avec David Sylvain (pâle copie de David Bowie) de la formation new wave britannique Japan.
l travaille plus tard aux côtés du multi-instrumentiste Adrian Belew, découverte de Franck Zappa et ancien collaborateur de King Krimson. Au crépuscule des années 1980, Ryuichi Sakamoto publie l’album « Beauty » dans lequel il met aux prises musique traditionnelle japonaise et sons pop. Il y invite Robert Wyatt (The Wilde Flowers et Soft Machine), Robbie Robertson (The Band), Brian Wilson (The Beach Boys), Jill Jones (chanteuse de Prince) et Youssou N’Dour. La décennie suivante voit Sakamoto bifurquer vers des atmosphères rap et house osant, dans la foulée, d’incursions latino et notamment bossa nova, réduisant sa base musicale à trois instruments : violoncelle, piano, violon.
l travaille plus tard aux côtés du multi-instrumentiste Adrian Belew, découverte de Franck Zappa et ancien collaborateur de King Krimson. Au crépuscule des années 1980, Ryuichi Sakamoto publie l’album « Beauty » dans lequel il met aux prises musique traditionnelle japonaise et sons pop. Il y invite Robert Wyatt (The Wilde Flowers et Soft Machine), Robbie Robertson (The Band), Brian Wilson (The Beach Boys), Jill Jones (chanteuse de Prince) et Youssou N’Dour. La décennie suivante voit Sakamoto bifurquer vers des atmosphères rap et house osant, dans la foulée, d’incursions latino et notamment bossa nova, réduisant sa base musicale à trois instruments : violoncelle, piano, violon.
Portrait sonore
Deux évènements conséquents bouclent les années 1990 pour le musicien. D’un côté, Massimo Milano, ethnomusicologue italien, publie un ouvrage-entretien qu’il intitule « Ryuichi Sakamoto conversazioni ». De l’autre, Sakamoto réalise l’opéra monumental « Life » où il est question de symbiose. Parmi la centaine de personnalités sollicitées, l’écrivain Salman Rushdie, la danseuse Pina Bausch, le chanteur lyrique José Carreras, le cinéaste Bernardo Bertolucci et le dalaï-lama. Sakamoto fait briller ses années 2000 par d’autres collaborations musicales avec Alva Noto, Christian Fennesz, Christopher Willits, monte le trio M2S et enregistre début 2023 l’opus « 12 », une sorte de portrait sonore. En 2014, il soigne un cancer de la gorge et signe l’année suivante la bande originale du film « The Revenant » du réalisateur mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu avec Leonardo DiCaprio. Suivent des compositions pour des jeux vidéo, des courts et longs métrages, des films documentaires, des téléfilms et des séries télévisés. Sa dernière bande originale remonte à 2022. Il la confectionne pour le film de science-fiction « After Yang » du Sud-coréen Kogonada. Il aura, toute sa vie, vécu pour la musique. Ce que sa mort ne s’amusera pas à démentir.
Anis HAJJAM