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Retro-verso : Le Rick’s ou l’histoire d’un café Made in Hollywood


Rédigé par Houda BELABD Mercredi 2 Novembre 2022

Célèbre café du film «Casablanca», initialement imaginaire, puis sorti des limbes par le soutien d’une diplomate américaine , le Rick’s a la particularité d’avoir joui d’une notoriété internationale avant même son inauguration.



Rétrospective : nous sommes le 8 novembre 1942. Deux semaines avant la première du film, des Américains débarquent à Casablanca, escomptant bien sûr découvrir le réputé Rick’s Café. L’établissement n’étant qu’un trait d’imagination d’un scénario Made in Hollywood, la déception fut énorme. Couronné à sa sortie par trois oscars, «Casablanca» est devenu un classique du cinéma américain, aussi adulé par les cinéphiles que par les critiques.

Les désillusions étant alors multiples, l’idée de répliquer ce lieu allégorique est née... Ainsi, grâce à l’apport de nombreux donateurs du monde entier, l’architecte américain Bill Willis a finalement donné naissance au Rick’s , en 2004, dans le vrai Casablanca : celui du Maroc.

L’histoire américaine de Rick’s est, donc, inhérente au cinéma et principalement à la romance cinématographique entre deux icônes : Ingrid Bergman et Humphrey Bogart. Son histoire marocaine, en revanche, est restée dans les mémoires depuis que le film a été tourné non pas au Maroc, mais entièrement à Hollywood. Eclectique, le café, le vrai, n’a pas tardé à devenir le quartier général des hautes sphères diplomatiques américaines, un peu comme celui du film.

«Le bâtiment du Rick’s a été construit dans l’ancienne Médina. Il est, à quelques minuscules détails près, identique à celui conçu à Hollywood pour les besoins du film...», lance d’emblée le militant culturel Rachid Andaloussi. «Le Cabaret-Café conserve toutes les composantes architecturales du célèbre cabaret tenu dans le film par Humphrey Bogart : les arches, les balcons, la grande porte d’entrée, la décoration intérieure, le piano et les lampadaires» , poursuit ce fin connaisseur de l’histoire culturelle de la métropole.

La touche politique du café

Un brin élitiste, le Rick’s Caf é est propice aux événements diplomatiques mais aussi aux analyses géopolitiques de comptoir. Il fait bon y discuter, autour d’un verre, des espions algériens travaillant à la solde de la Russie, des sous et des dessous des rapports maroco-israéliens au lendemain des Accords d’Abraham et des attentats terroristes déjoués par la vaillante direction générale de la sécurité nationale. Etrange similitude avec les interminables discussions portant sur les rapports entre Vichy, les Allemands et les Américains. « L’histoire est à ce café ce que ce café est à l’histoire: deux facettes d’une même pièce » , confie Issam, pianiste et manager du café, et n’allez pas jusqu’à le confondre avec Sam, le pianiste du film. Oui, encore une ressemblance troublante.

Le plateau de tournage hollywoodien du Rick’s est aussi un lieu politique. Plus de trente nationalités du monde y sont représentées. L’on y parle beaucoup l’anglais et l’allemand, mais aussi le français, l’espagnol, le yiddish et l’hébreu. S’y croisent l’acteur français Marcel Dalio, qui a été forcé de fuir Vichy en 1940, et l’acteur autrichien Peter Lorre, sauvé de justesse du nazisme en 1933. Tous deux juifs, ils ont trouvé refuge aux Etats-Unis . Deux personnages de fiction liés ad vitam à la propagande anti-hitlérienne et à l’histoire du Rick’s du film.

Kathy kriger alias the Genius

Kathy Kriger, qui a tiré sa révérence il y a quelques années, exerçait la fonction d’attachée commerciale au consulat américain de Casablanca. Elle estimait que quelque chose lui échappait dans cette ville. Les agressions du 11 septembre 2001 et les répercussions qui ont découlé de ces événements lui ont donné envie d’oeuvrer, à sa propre mesure, à l’apaisement des relations entre l’Amérique et le monde arabo-musulman. Elle remet sa démission, fonde une société avec des collègues devenus amis proches (The Usual Suspects SA, une belle allusion à une autre réplique culte du film), et rachète un riad des années 30, entre le port et l’ancienne médina, qu’elle fait totalement réaménager pour devenir le Rick’s Café.

En réalité, si certains aspects de la décoration ou d e la tenue des serveurs rappellent le décor du film, l’établissement de Kriger n’est pas une copie conforme de ce dernier, légèrement différent par son architecture et ses prestations .

Rappelons que celui du film était une boîte de nuit, avec son orchestre, son chanteur espagnol et sa table de roulette (évidemment truquée) où l’alcool coulait à flot , mais personne ne mangeait.

Aussi, importe-t-il de rappeler que le Rick’s Café de Kathy Kriger n’est pas une copie conforme de celui du film, mais plutôt une réminiscence : l’ambiance chic, rétro et mondaine, les airs joués par le pianiste, le nom du lieu et la bonne volonté des clients font l’affaire. Un pèlerinage romantique et rétrospectif. Le Rick’s, ouvert en 2004 à Casablanca, est aussi un spot politique, conçu comme une riposte au terrorisme islamique et à la politique étrangère de l’administration Bush.         
 

 
Houda BELABD          

3 questions à Rachid Andaloussi


« Indéniablement, ce café a un impact direct sur les performances touristiques de Casablanca »
 
Rachid Andaloussi, militant culturel, architecte de renom, maître de grands ouvrages architecturaux et membre fondateur de Casa-mémoire a répondu à coeur joie à nos questions.

-Quelle est selon vous l’empreinte culturelle du Rick’s sur l’histoire contemporaine de Casablanca ?

- Le Rick’s a été pensé par l’attachée du consulat américain à Casablanca en 2002, dans le cadre de la réhabilitation de l’ancienne médina. L’idée était de trouver à un café mondialement célèbre, quoi qu’inexistant, la place qu’il mérite, une fois sorti de l’imagination hollywoodienne en 2004. Son empreinte est telle qu’en moins de 20 ans d’existence il est déjà lié à l’histoire centenaire du dialogue culturel maroco-américain. Son histoire continue et continuera de faire vibrer tous ceux qui en entendent parler pour la première fois.


-Parlez-nous des toutes premières années du Rick’s, de sa clientèle et de son impact sur le tourisme de Casablanca.

- Les premières années étaient riches en histoires drôles racontées par des touristes américains, notamment entre ceux qui viennent d’apprendre que le café n’existait pas et ceux qui jurent l’avoir visité, à Casablanca, au Maroc. Indéniablement, ce café a un impact direct sur les performances touristiques de Casablanca.

Annuellement, de jour comme de nuit, ce café affiche complet et est pris d’assaut par des milliers de touristes américains et étrangers. La simple visite du café se termine le plus souvent en sempiternelles virées shoppinguesques au travers des raidillons de la médina et de ses bazars. Ces touristes ont fait et font encore de cette adresse une charnière entre le rêve hollywoodien et la belle réalité qui est Casablanca.


-Qu’en est-il de l’impact du film «Casablanca» lui-même sur le tourisme de sa ville éponyme ?

- Vous vous rendez compte que ce film a permis au nom «Casablanca» de résonner dans les salles de cinéma du monde entier ? Le plus incroyable c’est que les cinéphiles continuent de le regarder car il caracole encore en tête du classement mondial du Box office. Il est donc indéniable que le Maroc doit beaucoup à ce chef d’oeuvre cinématographique.


 

Brève


Un voyage dans le temps
 
De nos jours, le Rick’s Café est un bar-restaurant et un Riad marocain traditionnel construit en 1930 mais, aussi entièrement restauré, avec son grand patio central, sa porte d’entrée en bois massif et tout ce qui met en valeur l’artisanat marocain. Entrer et découvrir le Rick’s, c’est franchir les portes d’un lieu à mi-chemin entre la légende et la réalité, entre l’Orient, l’Occident et la liberté de la nuit à Casablanca. Tous les soirs, du mardi au dimanche, il est possible d’y plonger dans l’ambiance des années 40 et 50 avec Issam Chabaa qui joue au piano les mélodies entendues dans le film «Casablanca».
 

Origine


Le Rick’s, la pièce de théâtre
 
«Casablanca», le film, est basé sur une pièce non produite intitulée «Everybody Comes to Rick’s» de Murray Burnett et Joan Alison qui ont vendu les droits de leur oeuvre au producteur Hal Wallis. Le film est sorti en 1942 et a eu un impact considérable et une popularité croissante depuis lors.

Everybody Comes to Rick’s est, donc, une pièce de théâtre américaine qui a été achetée par Warner Bros pour un montant record de 20.000 dollars (équivalent à 294.000 dollars en 2020). La pièce a été adaptée au cinéma sous le titre «Casablanca» (1942), avec Humphrey Bogart et Ingrid Bergman. La pièce était anti-nazie et favorable à la Résistance française. Le film est un grand classique de la littérature américaine, qui a connu un grand succès et est considéré par beaucoup comme le plus grand film jamais réalisé.

Jugeant que leur oeuvre n’avait pas été dûment reconnue, Burnett et Alison ont tenté de récupérer le contrôle de leur propriété intellectuelle, mais la Cour d’appel de New York a statué en 1986 qu’ils ont cédé leurs droits dans leur accord avec Warner Bros. Après les avoir informés qu’ils allaient menacer de ne pas renouveler l’accord quand le droit d’auteur leur serait restitué, la société cinématographique leur a, donc, versé à chacun 100.000 dollars (l’équivalent de 200.000 dollars en 2022) et le droit de reproduire la pièce originale. La pièce a été montée en 1991 au Whitehall Théâtre de Londres, où elle a été jouée pendant six semaines tout au plus.
 

Bio express

Retro-verso : Le Rick’s ou l’histoire d’un café Made in Hollywood

Burnett a puisé le Rick’s dans ses souvenirs de jeunesse
 
Murray Burnett est né à New York le 28 décembre 1910. Il a enseigné à la Central Commercial High School avant de se consacrer à l’écriture de pièces de théâtre.

Après avoir voyagé en Europe en 1938 pour faire sortir clandestinement de l’argent de l’Autriche occupée par les nazis pour leurs parents juifs, les Burnett se sont rendus en Méditerranée. Ils y ont rencontré de nombreux exilés et réfugiés. Ces événements ont inspiré Burnett à prendre des notes pour une pièce de théâtre.

Leur première pièce, «One in a Million», un film d’espionnage antinazi, a suscité l’intérêt du réalisateur Otto Preminger, mais aucun projet de film n’a jamais été réalisé.

Burnett a également écrit la pièce «Hickory Street» (l’écrivain Amnon Kabatchnik estime que le titre correct est Hickory Stick), avec Frederick Stephani. Elle met en scène un vétéran blessé qui enseigne dans une école professionnelle de New York. La pièce a été jouée à Broadway en 1944 avec Steve Cochran.

Burnett a écrit, produit et dirigé un grand nombre de pièces radiophoniques, notamment la série «ABC Cafe Istanbul» de 1952, avec l’actrice allemande Marlene Dietrich dans le rôle de Madou. Ce programme a été adapté sous le titre «Time for Love», qui a donné lieu à 38 épisodes sur CBS Radio en 1953.

Lorsque Burnett et Alison ont intenté un procès en 1985, il travaillait pour la Corporation for Entertainment and Learning à Manhattan, où il avait écrit les 15 premières pages d’une suite à «Everybody Comes to Rick’s».

Il a d’abord été marié à Frances, avec qui il avait voyagé en Europe en 1938. Ils ont divorcé après avoir eu une fille, Lori.

Burnett a rencontré sa seconde épouse, l’actrice Adrienne Bayan, alors qu’elle tenait un rôle dans sa pièce «Hickory Street». Burnett était l’oncle de la documentariste Barbara Kopple. Il est décédé le 23 septembre 1997 à New York.

En 1940, Burnett et Alison ont également collaboré à une autre pièce, «What Are Little Boys Made Of ?» Burnett et Alison ont écrit «Dry Without Tears», en 1942. En 1945, le producteur de théâtre, Lee Sabinson (Finian’s Rainbow), a acheté «Moment of Glory», une autre collaboration entre Burnett et Alison.

Née Alice Joan Leviton le 3 mai 1901, elle utilisait Joan Alison comme nom de plume. Originaire de New York, elle était une joueuse de billard de compétition pendant son adolescence. Alison et Burnett ont d’abord coécrit «A Million to One», une pièce de théâtre antinazie, qui a intéressé Otto Preminger, mais aucun projet de film n’a égalé le succès de «Casablanca».

 

«Casablanca»


Le scénario du film
 
Le film «Casablanca» prend place en décembre 1941, dans la métropole la plus européenne du Maroc, alors soumise au régime de Vichy. Largement ouverte sur l’Atlantique, elle est le siège de trafics en tout genre : espions, escrocs et réfugiés de diverses nationalités se rejoignent là, sous le regard de la police de Vichy et des agents des autorités allemandes. Dans le Rick’s, tout ce petit monde se réunit, à la recherche d’argent, d’informations ou d’un visa pour le Portugal puis pour l’Amérique. Rick, le tenancier de cette boîte de nuit luxueuse mais infiltrée par la pègre, est incarné par un Humphrey Bogart magistral qui, sous ses airs de personne cynique et sans prétention, cache un coeur d’artichaut. Ronald Reagan, convoqué pour son service militaire, aurait refusé le rôle.

Quant à Rick, il ne se remet pas de l’histoire d’amour qu’il a eue en juin 1940 à Paris avec Ilsa, incarnée par Ingrid Bergman, qu’il croyait veuve d’un résistant tchèque. Un flashback les présente juste avant l’entrée des troupes allemandes dans la capitale, assis au Café Pierre, qui sert des «alcools de marque», puis au Café la Belle Aurore, deux établissements typiquement franciliens dont la dimension intimiste, picturale et enjouée contraste avec l’élégance cosmopolite du Rick’s Cafe. Lorsqu’Ilsa découvre que son mari n’était pourtant pas mort, elle part à sa recherche, sans prévenir Rick qui, désespéré, part au Maroc. C’est alors qu’Ilsa et son mari, pourchassés par les Allemands, débarquent au Rick’s Cafe pour y négocier leur passage en Amérique...
 








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