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Rétro-Verso : Retour au passé glorieux des bains arabes de Sebta


Rédigé par Houda BELABD Mercredi 9 Août 2023

Les bains arabes de Sebta demeurent un joyau précieux du patrimoine nasride. De plus, en 1672, le Sultan Moulay Ismaïl ordonna la restauration et la préservation de la touche arabo-musulmane de ces bains chargés d'Histoire et de mémoire. Plongée au cœur du passé glorieux de ces lieux mythiques.



Les bains arabes de Sebta datent des XIIème et XIIIème siècles. Les habitants de la ville et autres visiteurs de la Mellilia voisine fréquentaient régulièrement ces «hammams», ouverts aux locaux comme aux voyageurs, pour se purifier le corps dans le respect des traditions ancestrales, mais aussi comme un rituel, voire un lieu de détente et de convivialité.

Ces bains étaient dotés de différentes parties : la cour qui permettait d'accéder aux autres parties, la chambre froide, la chambre tiède et la chambre chaude. Cette dernière, étant la plus sophistiquée, était composée d'un système de distribution d'air chaud, en sus d’un espace réservé au four, à la chaudière et à l'entrepôt de bois.

Les bains arabes de la Plaza sont localisés sur leur place éponyme, la Place de la Paix. Les vestiges conservés représentent un bain médiéval de taille moyenne situé à la périphérie de ce qui devait être la limite Nord de l'un des faubourgs de la médina islamique depuis au moins le XIème siècle.

Les fouilles archéologiques réalisées dans cette construction au début du XXème siècle ont permis de documenter, à partir du substrat, c'est-à-dire d’un soubassement géologique de base, avec trois phases bien distinctes. La première concerne des vestiges architecturaux et des dépôts de matériel archéologique associés à une période d'occupation avec des bâtiments probablement domestiques et une rue, datés du XIème siècle de notre ère. L'orientation du passage, généralement différente de celle de l'établissement de bains, est sans doute alignée sur le mur qui devait se trouver à proximité immédiate.
 
La bénédiction manifeste des Sultans
 
Selon des historiens interrogés, ces «bains de la paix » ont été édifiés entre le 12ème et le 13ème siècle par les hommes forts du Royaume nasride de Grenade, soit ceux qui ont bâti le Palais d’Alhambra. Pour la construction de ces thermes, une pente a été partiellement abaissée dans le sens Sud-Nord. Ceci signifiait que le bâtiment était partiellement encastré dans le sol, une configuration idéale pour éviter autant que possible les déperditions de chaleur dans le bâtiment.

Le corpus principal du bâtiment correspond à ce stade, constitué de pièces rectangulaires avec des voûtes en berceau et des lucarnes quadrangulaires. Il est vraisemblable, qu'à cette époque, il y avait d'autres pièces qui n'ont pas été conservées. Ce qui semblerait découler de la présence d'une porte blindée dans le mur Ouest de la salle chaude.

Dans un troisième temps, à l'époque mérinide (XIVème siècle), soit un siècle plus tard, la chambre froide a été augmentée et le circuit a été réorganisé de la manière dont il a été conservé aujourd'hui.

Le matériel archéologique de l'époque lusitanienne (XVème siècle), qui fait partie des premiers remplissages qui ont obstrué l'édifice, date de la fin de son utilisation. À compter de cette époque, le bâtiment a été pillé et les matériaux, qui auraient pu être réutilisés, ont été enlevés (en particulier les revêtements, les sols et les éléments uniques tels que les colonnes de marbre). La stratigraphie (c'est-à-dire la cartographie) révèle que la construction était encore utilisée, du moins partiellement, et que l'intérieur a été progressivement obstrué par une importante couche de débris.

Conserver la dimension arabo-amazighe
 
Ce n'est qu'au début du XVIIIème siècle que l'Almina, soit la zone qui englobe les bains et les jardins de la Paix, est à nouveau peuplée. En effet, le siège du Sultan Moulay Ismaïl a provoqué un exode massif de Meknès à Sebta vers 1695, comme le montre la reconstitution du siège publiée par Dornellas, sur la base d'un plan de Joao Thomas Correa.

Tout au long du XVIIIème siècle, la fréquentation de ce secteur est avérée. Depuis cette époque, les salles voûtées de l'établissement de bains ont été utilisées comme entrepôts, voire des écuries.

Cependant, ce n’est que depuis une vingtaine d'années que des travaux ont été entrepris pour rénover le bâtiment et le préparer à accueillir des visiteurs. Des fouilles archéologiques du bâtiment ont été menées en deux campagnes, en 2000 et 2004, et il a été recommandé, dans ces dernières, de préserver soigneusement la touche arabo-amazighe de l'architecture.
 
Houda BELABD

Laissez-passer : Finies les dérogations au traité Schengen ?

En septembre 2022, le président espagnol de la ville de Sebta, Juan Jésus Vivas, a demandé que l’obligation de visa soit maintenue pour tous les Marocains qui souhaitent faire leur entrée dans le préside. Lors d’une rencontre avec la presse locale, Vivas a indiqué que cette mesure aurait participé à la réduction à 80% des entrées par la douane et a eu un impact remarquablement positif à l’échelle locale.
 
Le responsable a également avancé qu’il avait transmis cette question au ministre des Affaires étrangères, de l’Union Européenne et de la Coopération, José Manuel Albares, lors d’une rencontre ayant pour but de discuter de l’ouverture des douanes commerciales. 
 
Aussi, Vivas a précisé qu’il a demandé au ministre de «maintenir l’exigence de visa parce qu’il y a suffisamment d’arguments pour soutenir cette position».
Rappelons, qu’avant la conjoncture sanitaire du Covid-19, les Marocains résidant dans la province de Tétouan pouvaient entrer à Sebta sans visa, en dérogation au traité de Schengen. Mais depuis l’ouverture de la frontière en mai 2022, le nombre de personnes ayant bénéficié d’un laissez-passer a atteint 3.000 à 3.500 personnes par jour, soit une baisse de 80%, contrairement aux 20.000 à 25.000 par le passé. 
 
Vivas a, par ailleurs, précisé que le nombre d’accouchements dans l’hôpital de la ville a baissé de 50%, les urgences ont diminué de 30%, l’enseignement obligatoire de 10% et le nombre d’incidents dans le port de 90%. «Cette baisse des entrées de personnes par la frontière est liée à la demande de visa, et j’ai demandé au ministre de poursuivre cette mesure», a-t-il fait savoir.
 
Cependant, le président du gouvernement espagnol de la ville a soutenu que l’ouverture des douanes commerciales «apportera stabilité et sécurité aux relations commerciales» entre Sebta et le Maroc et continuera «à normaliser le fonctionnement» de la frontière. «Il faut être prudent, mais il ne fait aucun doute que si l’ouverture de la douane est réalisée en janvier, elle sera une étape historique depuis plusieurs décennies», a-t-il soutenu.

 

Architecture : Tour d’horizon dans les «baños árabes »

Conceptuellement, les bains arabes de Sebta ont été désignés comme l'héritier des bains romains. Du point de vue opérationnel, ils se caractérisent par cinq éléments consécutifs qui se répètent généralement dans la plupart des bains arabo-andalous. Tout d'abord, le vestibule ou « bayt al-maslaj », où se trouvaient les vestiaires et les latrines. Viennent ensuite la chambre froide ou «bayt al-baryt », puis la chambre tiède ou « bayt al-wastani » et enfin une chambre chaude ou « bayt al-sakhoune ».

Aussi, une cour à portique à colonnades d'environ 30 m2, partiellement conservée, se situe à l'Est du complexe et constitue l'entrée. Une citerne d'une capacité d'environ 100 m3 d’eau a été construite sous cette cour.

Cette cour présente des traces de plusieurs étages de dalles d'ardoise et de briques superposées, correspondant à différents remaniements. Un réservoir d'eau a également été mis en évidence dans la cour, raccordé à une autre fontaine ou à un bassin se trouvant dans la chambre froide.

Depuis la cour, une porte en arc de cercle permet d'accéder à la «chambre froide ». Cette pièce est de forme rectangulaire. A ses extrémités Nord et Sud, deux volumes sont délimités par des arcades. L'un de ces emplacements était occupé par une petite fontaine, approvisionnée par le réservoir de la cour. De là, une succession de tuyaux permettait de distribuer l'eau dans l'ensemble du bâtiment.

Couvert d'une chapelle en berceau, le corpus originel du bâtiment est constitué d'une construction en maçonnerie irrégulière de taille variable, liée avec un mortier riche en chaux, avec parfois des cordons de briques. Dans la voûte, des pierres de taille en forme de coquillage sont utilisées pour les clés de voûte des arcs, et des lampes quadrangulaires servaient à l'éclairage du bâtiment. Les murs sont enduits d'un crépi de chaux et de briques pilées.

De la chambre froide, on accédait à la chambre chaude par une porte dont les vestiges ont été à peine conservés. Lors de la récente rénovation, cet accès a été recréé par un arc segmentaire. Il ne reste que peu de choses des deux alhanías qui flanquaient la pièce.

La chambre chaude a une superficie estimée à 25 m². Elle possède un plan irrégulier, vraisemblablement dû à l'appentis ou à la réutilisation de murs préexistants situés sur la limite Nord du bâtiment. Le plancher de ce type de pièce est supporté par une série de piliers en briques de 1,60 m de haut, conçus pour faciliter l'entrée de l'air chaud émanant du four et de la chaudière avec lesquels elle était reliée. La hausse de la température du sol et de la pièce, en général, est due au fait que l'air traverse une série de tubes en céramique insérés dans les murs à la verticale et à l'horizontale. Sur le sol de la salle chaude, on versait de l'eau qui, en s'évaporant, formait l'atmosphère adéquate pour cette partie du bain.

 

Antiquité : Il était une fois, Abyla

Abyla, la vieille Sebta, était une cité qui se trouvait à la croisée des centres d'intérêt phéniciens, carthaginois et byzantins, et qui servait de passerelle vers l'Europe. Tout comme Tamuda (aujourd'hui à 6 km de Tétouan), située en bordure de la rivière Martil, elle était l'une des deux villes qui connurent de brillantes périodes de forte influence. Abyla, qui en punique veut dire «la haute montagne», représentait dans l'Antiquité une réelle puissance commerciale et militaire dans cette région ouverte.

A rappeler que la langue punique, aussi appelée carthaginois, phénico-punique ou simplement punique, est une variété éteinte du phénicien, une langue de Canaan appartenant aux langues sémitiques et s'écrit de droite à gauche sans voyelles, tout comme le phénicien.

Ainsi fondée par les Phéniciens en 814 avant J.-C. sur les rives de la Méditerranée, selon la théorie la plus largement soutenue, Abyla a, peu à peu, pris l'ascendant sur les autorités phéniciennes de la Méditerranée occidentale, avant de gagner en popularité dans la péninsule ibérique. Et ce, grâce à son importante position stratégique et à sa farouche lutte contre les pirates des deux bords. Toutefois, cette ville est moins bien connue que celle de la Rome antique, du fait de sa démolition par l'armée romaine, comme en témoignent les sources gréco-romaines largement diffusées dans l'historiographie.

La réputation d'Abyla était telle que le philosophe grec Appianus écrivit que «par sa force, elle rappelait vaguement la Grèce et que par sa richesse, elle égalait les Perses ».

 Les analyses historiques de cette période demeurent, malencontreusement, partiales car toute la documentation phénicienne, carthaginoise et byzantine a été altérée en fonction des intérêts hégémoniques de la péninsule ibérique.

 

Histoire : Aux origines de l’invasion espagnole de Sebta et Mellilia

«Nous sommes les enfants d'une Histoire partagée qui nous oblige à en assumer le poids, mais que nous ne devons pas répéter de manière dramatique, car les intérêts qui nous unissent sont beaucoup plus importants que les questions qui nous divisent», disait feu Hassan II, en évoquant les relations maroco-espagnoles dans leur ensemble, et la marocanité de Sebta et de Mellilia plus précisément.

La prise de possession ibérique de ces deux villes a suivi l'affaiblissement de la dynastie des Nasrides au Xème siècle. Dès 1415, les Portugais se saisissent de Sebta, et Mellilia tombe aux mains des Castillans en 1497, qui investissent la ville pour y implanter des services militaires, dénommés « Postes frontières de sécurité », destinés à protéger la côte andalouse des envahissements des corsaires de toutes origines.

Les Nasrides succombèrent en 1492 lorsque l'émir Abû Abdil-lah céda Grenade à Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille. L'Espagne a cessé d'être musulmane. En 1580, au pire moment, Sebta tombe aux mains des Castillans, mais, très vite, la quasi-totalité des frontières est récupérée, au cours du XVIIème siècle, par les Sultans marocains, notamment le Sultan Moulay Ismaïl.

 Dans les villes marocaines occupées, l'établissement de ports francs s'accompagne de l'arrivée d’un grand nombre de Juifs séfarades exilés d'Espagne en 1492, qui parviennent à vivre décemment avec les moyens dont ils disposent à Sebta et à Mellilia.
 








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