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Maroc post Covid-19 : Quels scénarii pour la sortie de la crise économique ?


Rédigé par A. CHANNAJE Mardi 1 Septembre 2020

Les mesures de confinement et de fermeture partielle ou totale d’entreprises se sont traduites par un double choc sur l’offre et sur la demande, selon une étude.



Maroc post Covid-19 : Quels scénarii pour la sortie de la crise économique ?
Intitulée  : «  Crise sanitaire et répercussions économiques et sociales au Maroc  », l’étude, fraîchement publiée, menée par un collectif de chercheurs à l’Université Hassan II de Casablanca, montre que près 57% de l’ensemble des entreprises, soit 142.000 entreprises, ont déclaré avoir arrêté définitivement ou temporairement leurs activités. Sur ce total, plus de 135.000 entreprises ont dû suspendre temporairement leurs activités tandis que le reste des entreprises a cessé ses activités de manière définitive.

En se basant sur les données « World Bank Enterprise Survey Data 2019 », l’étude montre, par ailleurs, que les secteurs les plus touchés initialement par la crise sont ceux de l’industrie, avec une baisse de l’ordre de 48% de l’industrie du textile et du cuir, 32% de celle de la mécanique et de la métallurgie, 30% dans le secteur électrique et électronique et dans la restauration et l’hôtellerie et 25% pour le secteur du BTP. 

Quant aux secteurs d’extraction minière et de la chimie, la perte d’activité a été modérée.

Le secteur agricole sera également contraint plus par l’offre cette année à cause aussi bien de la sécheresse que de la pandémie, souligne la même source. « Sous l’hypothèse d’une production céréalière ne dépassant pas les 30 millions de quintaux (au lieu de 70 millions de quintaux prévus par la Loi de Finances pour l’année 2020), la baisse d’activité dans ce secteur s’élèverait à 4,6%, selon le Loi de Finances rectificative. Toutefois, ce chiffre, calculé en variation par rapport à l’année 2019, traduit la conjugaison des effets des conditions climatiques défavorables et de la propagation du Covid-19. Or, nos estimations se focalisent uniquement sur l’effet de la pandémie et cherchent à l’isoler de l’effet sécheresse, et ce, afin de pouvoir mesurer le degré de résilience du système productif national face à un tel choc systémique qui affecte simultanément l’ensemble des secteurs économiques », précise-t-on. Autre enseignement retenu par l’étude : les chocs subis par les autres secteurs de l’économie restent dominés par la demande. En effet, la production de la branche énergie aurait enregistré une décélération de 22 % pendant les trois mois de mesures de confinement. 

Les trois scénarii possibles de reprise 

En traitant différemment le risque d’une deuxième vague de contamination à court terme et les répercussions économiques auxquelles elle donnerait lieu, l’étude parvient à trois scénarii possibles de reprise de l’activité : du plus optimiste au plus pessimiste en passant par le scénario médian. Pour le scénario le plus optimiste, il repose sur l’hypothèse que le confinement a permis de ralentir la propagation de l’épidémie, qui finira par être totalement dissipée. Parallèlement, les mesures de relance budgétaire, les baisses des taux d’intérêt et les conditions propices de financement donneraient les résultats souhaités et ressourceraient l’espoir d’une reprise rapide de l’activité économique. 

Le second scénario, qualifié du plus pessimiste, repose sur l’idée que le confinement provoque une récession qui devrait persister à court terme. Malgré les mesures visant à relancer la croissance, on estime que l’activité économique prendrait du temps pour redémarrer car de nouvelles vagues de contamination provoqueraient des perturbations et de nouvelles mesures restrictives plus ou moins sévères. 

On estime également que la sortie de cette crise et l’état vers lequel l’économie se dirigera sera tributaire de la vision et du degré d’implication des pouvoirs publics pour y faire face, notamment selon le contenu et la portée donnée aux politiques économiques envisagées, mais également selon l’ampleur du choc subi. Ce choc met à l’épreuve toutes les composantes de l’économie, et ce, dans la durée. Face à ce genre de choc, le retour à la « normale », d’avant la crise, n’est pas envisageable dans le court terme, d’autant plus que le creux sera profond. En effet, les estimations de la perte de production relèvent une baisse de celle-ci de l’ordre de -7,3% du PIB dans un scénario médian, par rapport à un PIB sans crise. Cette perte, poursuit la même source, peut être plus forte si l’on se réfère à un scénario pessimiste où la reprise serait encore plus lente.

Enfin, le pire scénario serait celui où le PIB s’effondrerait à un niveau jamais enregistré depuis 1995, car la propagation du Coronavirus va alimenter les craintes de nouvelles vagues de contamination et donner lieu à de nouvelles mesures de confinement. 

Quels secteurs privilégier ?

Dans un tel contexte, le collectif de chercheurs à l’Université Hassan II de Casablanca, auteurs de cette étude, indique que le désastre économique se poursuivrait car les différentes mesures de relance ne parviendraient pas à atteindre les petites et moyennes entreprises, qui, confrontées à un tarissement des lignes de financement et à une chute de la demande, cesseraient leurs activités et feraient faillite. Cette situation s’aggraverait et les suppressions des postes d’emplois amplifieraient le ralentissement de l’activité économique, selon une spirale déflationniste. 

Pour annualiser les chocs, l’étude suppose que pour ce scénario, pessimiste, la perte en production trimestrielle resterait la même pour le 3ème et le 4ème trimestre. Sousentendu, la perte est nulle pour l’ensemble des scénarii durant le premier trimestre où il n’y avait pas d’arrêt.

Pour le pire scénario, les auteurs de ce rapport présument que la perte se réduirait de façon linéaire pour atteindre respectivement 50%, 75% et 25% au 2ème, 3ème et 4ème trimestres. 

Et évidemment pour le scénario le plus optimiste, la perte est supposée être nulle au 4ème trimestre et celle du 3ème trimestre sera déduite par la même méthode.

La crise économique que traverse actuellement le Maroc va très probablement laisser des séquelles aussi bien au niveau des structures économiques (composition sectorielle) et sociales (creusement des inégalités) que de leur organisation (télétravail, tendance à élargir l’usage du digital, etc.), conclut l’étude.

Elle conclut aussi que les BTP, le commerce, les activités financières, les postes et télécommunications et la pêche et l’aquaculture sont les secteurs qui devraient être prioritaires à court terme dans cette phase de relance de l’économie. Pour le long terme et dans une logique de développement, les priorités devraient être différentes.  
 
A. CHANNAJE 

Repères

Légère accélération des crédits à l’immobilier
Selon la DEPF (Direction des Etudes et de la Prévision Financière), le secteur du BTP a enregistré, durant le mois de juillet, une nouvelle baisse des ventes de ciment (-24,1%), occasionnée habituellement par les vacances relatives à la fête de l’Aïd Al-Adha ayant coïncidé avec ce mois, et ce, après la hausse enregistrée un mois plus tôt (+33%), en lien avec les mesures d’assouplissement du confinement à partir du 11 juin. Concernant les opérations de financement du secteur immobilier, l’encours global des crédits accordés au secteur de l’immobilier a enregistré, à fin juin, une hausse de 1,6%, portée par l’amélioration de l’encours des crédits alloués à l’habitat de 1,8% et des crédits attribués à la promotion immobilière de 0,4%.
Coup dur pour le secteur du transport
D’après la DEPF, la valeur ajoutée du secteur de transport s’est soldée par un repli de 2,6% au terme du premier trimestre 2020, au lieu d’une performance de +6,4% un an plus tôt, pâtissant de l’arrêt quasi-total de l’activité du secteur du transport aérien à partir de la mi-mars 2020 et des mesures de restriction de la circulation décrétées au niveau national à partir du 20 mars 2020 pour faire face à la propagation du Coronavirus. Pour le deuxième trimestre 2020, ce retrait est prévu de se creuser davantage, en rapport avec les mesures restrictives maintenues jusqu’au 10 juin 2020. 
Forte baisse des recettes touristiques
Les recettes du tourisme ont accusé un repli de 33,2% à fin juin 2020, selon la DEPF.»Le secteur touristique, qui a connu une baisse de sa valeur ajoutée de 7% au premier trimestre 2020, après une hausse de 2,9% il y a une année, continue d’afficher des retraits importants au niveau de ses recettes», souligne-t-on.