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Maroc / Espagne : Madrid officialise son plan de sécurité pour Sebta et Mellilia


Rédigé par S. A. Mardi 4 Janvier 2022

Annoncée et approuvée à 48 heures de la fin d’année 2021, la Stratégie de sécurité nationale espagnole mentionne timidement le Maroc dans un contexte de crise diplomatique, tout en prévoyant des recommandations ciblant le Royaume sans le nommer.



Ph: DR
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Le gouvernement espagnol a approuvé le 28 décembre dernier sa Stratégie de Sécurité Nationale. Une feuille de route qui représente la quatrième du genre depuis la fin du franquisme et dont la mise en oeuvre a été chapeautée par le Conseil de Sécurité Nationale espagnol. Le document s’articule autour de quatre orientations : sécurité globale et vecteurs de transformation, une Espagne sûre et résiliente, les risques et menaces à la sécurité nationale et la planification stratégique intégrée.

Plan dédié aux villes occupées

Parmi les principales recommandations de cette stratégie, l’on retrouve « le développement d’un plan intégral de sécurité pour Sebta et Mellilia ». Une recommandation qui revient au moins quatre fois dans le document et qui représente une réponse favorable aux gouvernements locaux des deux villes occupées qui appellent Madrid depuis près de 3 ans aujourd’hui à mettre en place une stratégie dédiée aux deux villes occupées.

Acculées par la décision de Rabat de mettre fin en 2019 à la contrebande qui transitait par Sebta et la fermeture de la douane commerciale de Mellilia, suivie de la fermeture complète des frontières terrestres suite au déclenchement de la pandémie, les autorités des deux villes occupées n’ont cessé de dénoncer « un blocus et une guerre économique » qui serait menée par le Maroc à leur encontre.

La crise migratoire de Sebta de mai dernier, qui a vu l’entrée massive de pas moins de 8.000 migrants, a forcé la mobilisation de l’armée espagnole et l’envoi de renforts a également été brandi comme une preuve du recours du Maroc à des manoeuvres de guerre hybride. Les deux villes occupées sont également citées dans la partie appelant au déploiement d’un mécanisme de gestion des situations de crise. Un système qui devrait être dédié aux « menaces qui transcendent les modes ordinaires de réponse rapide » et qui englobe différents secteurs (épidémiologie, infrastructures critiques, énergie, catastrophes naturelles » et inclut Sebta et Mellilia.

« De par leur localisation géographique, dans le continent africain, et la spécificité de leur frontière espagnole et européenne, les deux villes autonomes requièrent une attention spéciale de la part de l’administration générale de l’Etat pour garantir leur sécurité », souligne les rédacteurs de la stratégie, sans pour autant donner plus de précision.

La « zone grise » prise en compte

Autre élément à prendre en compte dans cette feuille de route : l’annonce de la mise en place d’un plan d’action contre la désinformation. Un chantier confié notamment aux services de renseignement espagnols appelés à mettre en place un cadre de collaboration public-privé capable de monitorer et réagir aux campagnes de fake-news qui ciblent l’Espagne.

« Vu le danger potentiel qu’elles représentent, il est important de signaler les stratégies de désinformation d’acteurs étrangers, qu’ils soient étatiques ou non étatiques, qui développent des appareils de propagande avec l’intention de polariser la société et miner la confiance dans les institutions », précise le document.

Ce point fait écho au rapport publié le 10 décembre par l’Observatoire de Sebta et Mellilia, dépendant du Think Tank madrilène Instituto de Seguridad y Cultura, intitulé « Les prétentions du Maroc sur Sebta et Mellilia, depuis la perspective de la zone grise ».

Cette étude explore l’hypothèse d’un recours par Rabat à une nouvelle théorie géopolitique, à savoir la « zone grise», pour reprendre possession des villes occupées. L’objectif premier de cette théorie selon le document est soit de forcer l’indépendance d’un territoire d’un pays pour l’affaiblir, d’annexer un territoire ou encore de faciliter le changement de régimes ou de gouvernements.

La réussite d’une zone grise passe ainsi par la mise en place d’un « continuum » où l’on peut distinguer 4 niveaux d’escalades : configuration de l’environnement, interférences, déstabilisation et emploi limité puis direct de la force. Concernant la mise en place d’une telle stratégie par les autorités marocaines, le rapport reste vague et ne présente que des présomptions et extrapolations pour étayer ses propos. Ce qui n’a pas empêché les rédacteurs du rapport de recommander aux autorités espagnoles de considérer « la perspective d’une approche hybride au moment d’analyser la politique marocaine sur Sebta et Mellilia ». Une recommandation basée sur une perception de mouvements orchestrés depuis Rabat qu’ils estiment « plausible et nous nous inclinons à penser probable ».

Une vision partagée également par plusieurs hauts gradés en actif ou à la retraite des forces armées espagnoles qui placent le Maroc comme menace existentielle pour l’Espagne et évoquent un « complot » basé sur la désinformation de l’opinion publique espagnole pour récupérer la souveraineté des villes occupées.

Sur un tout autre registre, la stratégie de sécurité nationale appelle à maintenir un niveau de coopération élevé avec le Maroc au même titre que des pays comme la France, Andorre et le Portugal. Tout en rappelant la nécessité « d’adapter la position espagnole » aux évolutions que connaît la zone MENA, particulièrement suite au rapprochement entre Israël et un nombre de pays arabes, dont le Maroc.

Le Conseil de sécurité espagnol a également appelé à élaborer « des scénarios de risques et des plans de préparations et de réponses aux situations qui pourraient représenter un intérêt spécial pour la sécurité nationale dans le domaine de la sécurité maritime », recommande le document.

Bien que le Maroc ne soit pas évoqué de manière explicite, la question de la délimitation des frontières maritimes entre Rabat et Madrid représente un dossier épineux. Entre la question des îlots et zones occupées par l’Espagne en Méditerranée (Badis, Jaafarine, Leïla…) et la question de la Zone économique exclusive en Atlantique Nord et du chevauchement avec les Canaries, ce dossier est loin d’être réglé.

C’est justement pour se protéger de ce genre de tensions que le Maroc a mis en place, en 2020, un arsenal juridique délimitant et réglementant l’intégralité des espaces maritimes marocains, soit près d’un million de Km2 allant du Portugal au Nord à la Sierra Leone au Sud. Une annonce qui, rappelons-le, été accueillie froidement par l’Espagne, ce qui augure de futures tensions sur la question, notamment en cas de découverte de ressources minières dans la zone entourant l’archipel des Canaries.


S. A.


La modernisation des FAR dérange

La stratégie de modernisation militaire marocaine est ainsi décrite comme « plus logique et tournée vers le futur, que celle de son voisin algérien qui répond plus à des motivations et besoins d’équilibre interne de chaque corps d’armée ou à celle de l’Espagne, qui répond plus à des raisons industrielles et corporatives que stratégiques ».

L’Institut de Sécurité et de Culture avait publié, en d’Avril dernier, un rapport traitant de l’effort de modernisation des Forces Armées Royales, intitulé : Le Maroc, le détroit de Gibraltar et la menace militaire sur l’Espagne. Un rapport qui souligne que « l’armée marocaine d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle de l’incident de l’îlot Leïla en 2002 ».

En près de deux décennies, le Royaume a pu moderniser tout en diversifiant son arsenal militaire qui contient autant de chasseurs aériens américains, de navires français ou hollandais, de systèmes de défense anti-aérienne chinois ou encore de drones turcs.

« Cela a permis de résoudre les carences traditionnelles de l’appareil de défense marocain », souligne le think-tank qui signale au passage que le Royaume est en pleine construction d’un système de défense aérien intégré à même de sanctuariser le territoire et d’offrir des opportunités de projections au niveau régional.

En atteignant cette position centrale au niveau régional, le Royaume pourrait cimenter le concept de « triangularité », qui implique que l’action européenne dans le Maghreb et le Sahel passe par le Maroc. Les experts de l’Institut s’attendent, par ailleurs, à ce que Rabat puisse à court ou moyen terme se positionner comme acteur incontournable dans les relations entre le Nord de la Méditerranée et l’Afrique subsaharienne.

Les Etats Unis, de leur côté, voient de manière positive le renforcement régional du Maroc. Face à des puissances européennes ambivalentes entre le partenariat atlantiste et les besoins en autonomie stratégique ou encore l’expansion de l’influence sino-russe en Afrique, « le Maroc représente pour les Etats-Unis une alternative solide comme garant de la sécurité régionale », soulignent les experts de l’Institut.

 








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