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Interview avec Paul Kananura : Le Maroc, modèle dans la gestion de la Diaspora africaine


Rédigé par Wolondouka SIDIBE Lundi 29 Août 2022

Soutenir des projets de la diaspora par des financements intelligents à impact visible sur les espaces d’accueil et d’origine, telle est la principale recommandation du Forum de la Diaspora Africaine de l’Europe. Explications avec Dr Paul Kananura, Expert international en Géopolitique et Sécurité stratégique et Président de l’Institut Mandela de Paris.



- Un Forum de la Diaspora africaine de l’Europe vient de se tenir à Dortmund, en Allemagne, dans le cadre du « Dialogue sur l’Avenir ». De grands projets d’intérêt réciproque et bénéfique pour les deux continents ont été identifiés. De quoi s’agit-il ?

- Il faut dire que la créativité humaine commence par l’analyse du problème afin de trouver des solutions. C’est le but du Forum de la Diaspora africaine d’Europe (PADE), présidé par Kaka Moussa Doumbia. Sous sa direction, nous avons identifié des crises énergétiques et climatiques pour proposer deux grands projets mutuellement bénéfiques pour l’Afrique et l’Europe. Il s’agit d’abord du grand projet d’énergie solaire dans le Sahara. Celui-ci peut fournir toute l’électricité dont l’Europe et l’Afrique ont besoin pour pallier à l’instabilité d’approvisionnement, assurer l’indépendance énergétique de l’Europe et réduire le délestage en Afrique.

On estime « qu’un km2 de désert reçoit annuellement une énergie solaire équivalent à 1,5 million de barils de pétrole ». C’est une énergie verte et renouvelable qui cadre parfaitement avec la transition énergétique. Le second grand projet est le reverdissement du désert du Sahara et la possibilité de refroidir le Sud de l’Europe. En effet, en permettant d’éviter que les masses d’air humide ne s’élèvent à des altitudes énormes, au-dessus du désert chaud, celui-ci agira sur le mouvement des alizés.

Aussi, il agira sur la rareté des pluies en Afrique du Nord et en Europe du Sud, en été, pour diminuer l’instabilité climatique (sécheresse) et les feux de forêt. Avec la canalisation, à partir des « aquifères » pour arrosage, ce projet vert peut résoudre le problème économique et alimentaire avec des arbres fruitiers tout en stabilisant le climat au Sahara, au Maghreb et en Europe du Sud. Voilà donc deux projets visionnaires qui s’inscrivent dans le développement durable au profit des deux continents dont la Diaspora serait un appui pour leur réalisation.


- Justement, que faut attendre de cette Diaspora dans le développement de l’Afrique ?

- Il est évident que la Diaspora doit travailler pour renforcer la compréhension des frustrations du continent en matière de coopération sans impact visible dont la jeunesse décomplexée veut rétablir le respect dans les relations partenariales. Elle cherche à jouer sa partition dans le développement efficace pour prendre son destin en main. Elle exprime une volonté de participer à l’écriture d’une nouvelle page de coopération intelligente sans condescendance, d’une part, ni récrimination, d’autre part… mais dans la vérité et le respect pour un développement vivable.

La diaspora est appelée aussi à promouvoir des investissements intelligents et productifs dans les pays d’accueil et d’origine pour modifier les rapports de ces relations déséquilibres. Son apport est très important dans le développement du continent. Pour ce fait, il faut mettre en place une politique volontariste et d’encadrement pour insérer cette Diaspora dans les politiques économiques au niveau des Etats africains.


- L’exemple marocain peut-il constituer une référence en la matière ?

- Bien sûr. La contribution de la Diaspora marocaine, en termes de savoirs, de réseaux et d’expertises, constitue une force et un atout précieux dans le processus de développement du Maroc. Avec des approches incitatives, les membres de la Diaspora s’emploient à lever des capitaux, développer des partenariats, promouvoir des produits et services marocains tout en assurant le rayonnement international du Royaume. La canalisation des flux de transferts diasporiques, dont la contribution est importante pour l’équilibre de la balance des paiements du Maroc, permet de les orienter vers des objectifs d’investissement productif et rentable afin d’accélérer la marche vers le progrès et la prospérité pour tous.


- Lors de ladite conférence, il a été beaucoup question de la dette africaine. Dans ces conditions, comment la délicate période post-pandémie peut-elle constituer une opportunité de transformation de l’Afrique ?

- Entre 2015 et 2020, le stock de dette extérieure publique des pays subsahariens a augmenté de 67,5% à 454 milliards de dollars, selon la Banque Mondiale. Le service de la dette intensifie les vulnérabilités et exacerbe les déséquilibres préexistants.

En juin 2021, 6 pays africains étaient surendettés et 15 en risque élevé de surendettement. Les failles dans la gestion de la crise, observées aux différents niveaux de gouvernance et des administrations, révèlent le besoin d’un État stratège pour impulser une attitude de gouvernance de la raison et du sens capable de déclencher une dynamique de transformation de l’Afrique. Cela exige des responsables, ayant une perception stratégique des circonstances et des événements avec la capacité, le courage et l’aptitude de construire, dans l’incertitude, le chemin du futur.


- Au même moment, la crise sanitaire a conduit beaucoup de pays africains à recourir massivement à un endettement que d’aucuns qualifient d’improductif et qui risque d’inhiber l’espoir d’émergence du continent. Que faut-il faire donc ?

- En Afrique, la Covid-19 était une pandémie modérée « sanitairement » et ravageuse économiquement suite aux mesures inappropriées de riposte. On nageait en pleine improvisation permanente avec la réplication du modèle occidental du confinement.Cela a provoqué une contraction de l’économie africaine de 1,9% en 2020, soit la plus faible performance économique depuis deux décennies. Au total, les Banques multilatérales de développement (BMD) et le FMI ont mobilisé 230 Md$ entre avril 2020 et mi-2021.

Par exemple, le ratio dette/PIB du Mozambique, qui était de 100% en 2018, a explosé pour atteindre 130% en 2020. Le recours massif à l’endettement improductif de consommation anéantit tout espoir d’émergence de l’Afrique. Il faudra donc trouver des solutions intelligentes de produire localement et consommer local pour diminuer les importations et augmenter les exportations.



Interview réalisée
par Wolondouka SIDIBE

 


Bon à savoir
 
Le Forum de la Diaspora africaine d’Europe, dans le cadre du « Dialogue sur l’Avenir », organisé récemment à Dortmund, en Allemagne, a montré l’importance de cette population, à part entière, dans le développement du continent. En attendant le rapport final du forum, plusieurs recommandations ont été faites. Il s’agit, entre autres, de développer une coopération basée sur la compréhension des intérêts de chaque partenaire.

En effet, les relations actuelles entre l’Afrique et l’Europe sont teintées de refus de compréhension qui engendre des problèmes d’incompréhension que la jeunesse africaine ne supporte plus. Le Forum recommande également de privilégier des partenariats stratégiques pour un développement efficace. Car les partenariats gagnant-gagnant sont préférables à des instruments palliatifs de l’APD (Aide publique au développement) et de la solidarité internationale qui n’ont pas développé l’Afrique depuis 60 ans d’existence. Il s’agit de proposer de construire une coopération sur la base de la démocratie, de la justice, de la vérité et de l›égalité. Soutenir des projets de la Diaspora par des financements intelligents à impact visible sur les espaces d’accueil et d’origine.

 








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