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Interview avec Matthieu Dallon :« Le gaming se développera grâce aux infrastructures de communication numérique »


Rédigé par Safaa KSAANI Mardi 15 Novembre 2022

Tous les ingrédients sont réunis pour que le Maroc devienne une plateforme leader du e-sport, affirme le créateur de l’ESWC (Electronic Sports World Cup), Matthieu Dallon.



- Le Morocco Esport Summit, organisé en octobre dernier, a permis des échanges entre des responsables, des investisseurs et des développeurs de jeux électroniques nationaux et internationaux. Quelles opportunités de développement de cette filière se présentent aux investisseurs ?

- Le Maroc, par son Histoire, sa stabilité, la qualité de ses ressources humaines, son positionnement stratégique, à la fois géographique mais aussi économique, entre l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient, peut devenir la plateforme leader du secteur du jeu pour près de 1,5 milliard de personnes. Le secteur du gaming se développera grâce, et avec, les infrastructures de communication numérique (fibre et mobile), les solutions de paiement innovantes, les créateurs de contenus. Tous ces champs d’investissement sont liés.


- Le constat est là, l’E-sport est un phénomène de société qui prend de plus en plus d’ampleur à travers le monde. Le Maroc vise, désormais, à développer une industrie du gaming à l’échelle nationale, continentale et mondiale. D’abord, comment le Maroc pourrait-il développer un excellent écosystème de l’E-sport ?

- Des efforts complémentaires sont nécessaires dans deux directions. Il faut tout d’abord attirer au Maroc des acteurs clés de cette économie mondiale: des créateurs de jeux, des éditeurs de jeu, des promoteurs e-sport, des entreprises innovantes du secteur du jeu. Et il faut en parallèle retenir au Maroc les talents marocains en leur donnant par exemple les moyens de créer ici des entreprises compétitives.

Parmi ces moyens, la Cité du Gaming est un formidable projet. Des infrastructures performantes sont nécessaires. Mais ce ne sera pas suffisant si l’Etat ne soutient pas aussi en fonds propres les entreprises sur leurs premières années (par des prises de participation au capital ou des prêts à remboursements différés). Le secteur est jeune et très compétitif à l’échelle mondiale. Tous les moyens sont nécessaires.


- Est-ce que le gaming a un avenir prometteur au Maroc ?

- Oui, et d’abord parce que c’est un sujet porté par la jeunesse. C’est un sujet de passion et d’innovation. Tout est encore jeune dans cet univers et les places fortes sont encore à créer. Le Maroc déroule actuellement une stratégie intelligente et opportuniste. Il faut que cet effort soit durable.


- Quels sont les gains et bénéfices prévus pour ce segment ? (chiffre d’affaires, volume de fonds qui seront injectés par les entreprises…)

- Le jeu vidéo, à l’échelle mondiale, est déjà une économie qui pèse plus que le cinéma et la musique additionnés. Peu de gens réalisent encore l’importance de cette économie de plus de 200 milliards de dollars annuels, qui présente des taux de croissance moyens par année entre 5 et 10%.

L’E-sport, c’est-à-dire le segment concernant le jeu en tant que moyen de compétition, représente une économie d’environ 25 milliards de dollars par an si l’on additionne les revenus de sponsoring et de droits marketing, les revenus publicitaires sur les plateformes comme Twitch ou Youtube, et les revenus générés par les jeux E-sport uniquement. Le marché attend pour ce segment de l’E-sport une croissance annuelle moyenne d’environ 25% par an sur les 5 prochaines années.


- Compte tenu du nombre important de consommateurs d’E-sport au Maroc, mais aussi de l’essor de nouveaux jeux vidéo, à quel point le gaming est-il un vecteur de développement de nouveaux métiers, comme l’intelligence artificielle et le coding ?

- Les jeux vidéo sont de véritables oeuvres qui nécessitent dans leurs phases de création des compétences à la fois artistiques et techniques. Le syndicat français du jeu vidéo publie régulièrement un référentiel des métiers du secteur, répartis en 5 familles : Management, Design, Image et Son, Technologie et Edition et Support. Des centaines de compétences et des dizaines de métiers sont nécessaires autour d’un jeu. Il s’agit principalement des métiers de technologies et de compétences de programmation informatique, à tous niveaux, du web à l’IA en passant par les moteurs graphiques.


- Sur le plan juridique, quel encadrement légal se présente pour les joueurs professionnels du gaming ?

- Nous avons en France depuis 2016 une reconnaissance légale du statut de joueur professionnel, avec la possibilité pour les clubs privés d’embaucher des champions dans le cadre de contrats courts, adaptés à la durée des saisons de compétition. C’est un cadre hérité du sport traditionnel. Peu de pays proposent ce dispositif.

D’une manière générale, les joueurs sont accompagnés par des agences de gestion de carrière, comme Prodigy Agency par exemple, qui négocient leurs contrats, leur apportent des sponsors, les conseillent sur le plan sportif, gèrent leur image personnelle sur Internet, parfois leur fortune. Les éditeurs des jeux E-sport contribuent aussi au développement d’un cadre protecteur pour les joueurs, sur la question des salaires par exemple ou des transferts.


- Par ailleurs, l’industrie du jeu vidéo a explosé durant le confinement. Comment l’expliquez-vous ? Les réseaux sociaux ont-ils amplifié davantage ce phénomène ?

- Le confinement a d’abord favorisé les activités à la maison, et le jeu en ligne, par sa dimension sociale, a permis d’entretenir des liens avec les amis et de continuer à se divertir malgré les restrictions. L’absence de diffusion de contenus sportifs traditionnels, quand les stades étaient fermés et les compétitions annulées, a aussi permis à l’E-sport de toucher une audience plus large. La plateforme de vidéo en direct Twitch TV a connu sur cette période un accroissement de +70% de ses spectateurs sur Internet grâce au jeu vidéo.


- En tant qu’ancien promoteur de la Coupe du Monde de Jeux Vidéo, quels sont les enjeux du développement des grands événements e-sport aujourd’hui ?

- Toucher un public toujours large, notamment un public qui ne joue pas ou ne connaît pas les jeux. Il faut que l’émotion et la tension d’un match de jeu vidéo, l’exploit réalisé par les champions, soient instantanément perceptibles par le spectateur, comme un beau geste au tennis, ou une action collective au football. C’est un défi à relever par les studios créateurs de jeux, et les promoteurs qui mettent en scène les matchs de jeu vidéo. L’économie de l’E-sport grandira grâce à ces audiences plus larges, plus mixtes, et bientôt trans-générationnelles.



Recueillis par Safaa KSAANI


Événements E-sport au Maroc
 
Depuis quelques années, des événements e-sport sont organisés de façon à mettre en lumière les compétences marocaines et promouvoir la scène e-sportive nationale, la développer et la professionnaliser. En 2018, l’Africa Gaming Fest a été organisé au Studio des arts vivants de Casablanca. De nombreuses activités étaient proposées dans ce réel village de jeux vidéo, permettant aux Marocains de découvrir ou redécouvrir les jeux les plus populaires dans le monde comme Fifa19 ou Fortnite, par le biais également des youtubers marocains.

A ceci s’ajoutent les championnats d’e-sport, notamment du célèbre jeu Counter Strike, avec à la clé une cagnotte de 15.000 dollars pour les vainqueurs. C’est aussi tout le sens de la Masters Pro League (MPL) qui s’est déroulée de décembre 2021 à mars 2022, entre qualifications, ligue, playoffs et finale. Ce secteur présente d’énormes opportunités pour l’économie marocaine.

Selon l’expert en la matière Matthieu Dallon, le jeu vidéo, à l’échelle mondiale, est déjà une économie qui pèse plus que le cinéma et la musique additionnés. “Peu de gens réalisent encore l’importance de cette économie de plus de 200 milliards de dollars annuels, qui présente des taux de croissance moyens par année entre 5 et 10%”.

Quant à l’E-sport, le segment concernant le jeu en tant que moyen de compétition, “ il représente une économie d’environ 25 milliards de dollars par an si l’on additionne les revenus de sponsoring et de droits marketing, les revenus publicitaires sur les plateformes comme Twitch ou Youtube, et les revenus générés par les jeux E-sport uniquement. Le marché attend pour ce segment de l’E-sport une croissance annuelle moyenne d’environ 25% par an sur les cinq prochaines années”, détaille notre interlocuteur.
 








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