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Interview avec Einat Levi « Le Maroc et Israël devraient ouvrir rapidement leurs ambassades »


Rédigé par Anass MACHLOUKH Dimanche 23 Juillet 2023

Visite de Benjamin Netanyahu, Missions du Consulat israélien à Dakhla, accords commerciaux… Einat Levi, ex-conseillère économique du Bureau de liaison d’Israël à Rabat et spécialiste des relations maroco-israéliennes, nous décrit les prochaines étapes de la coopération bilatérale après la reconnaissance de la marocanité du Sahara. Interview.



Einat Levi, ex-conseillère économique du Bureau de liaison d’Israël à Rabat et spécialiste des relations maroco-israéliennes.
Einat Levi, ex-conseillère économique du Bureau de liaison d’Israël à Rabat et spécialiste des relations maroco-israéliennes.

-SM le Roi Mohammed VI a invité officiellement le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à visiter le Maroc. Pensez-vous que cette visite pourrait avoir lieu dans le court terme ?

 

Je puis dire que nous ne disposons pas encore de la date exacte, mais je pense que cette visite ne tardera pas d’autant que le contexte actuel est hyper favorable. Le gouvernement israélien voudra certainement tirer profit du momentum suscité par l'annonce de la reconnaissance de la marocanité du Sahara pour organiser une visite réussie. Netanyahou voudra voir les relations s'améliorer rapidement et ne pas les remettre à plus tard, et il est très probable que ces deux éléments le poussent à vouloir se rendre au Maroc le plus tôt possible.

 

-Que signifie concrètement la reconnaissance par Israël de la marocanité du Sahara ?

 

Personnellement, le premier mot qui m'est venu à l'esprit lorsque j'ai entendu parler de la décision israélienne de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara a été "enfin". Cette reconnaissance a été naturellement très attendue après de longues années d'amitié et de relations chaleureuses. Nous espérons que cette décision aura un impact positif sur la coopération entre les deux pays dans tous les secteurs. C'est le début d'un nouveau chapitre fructueux de nos relations inchaa Allah.
 
-Pourquoi Israël a pris autant de temps avant de se résoudre à prendre cette décision ?
 
Il a fallu moins de trois ans au gouvernement israélien pour annoncer la reconnaissance, ce qui n'est pas si long. Il ne faut pas oublier que les relations entre Israël et le Maroc sont encore récentes. N’oublions pas également que de nombreux changements sont intervenus dans le système politique israélien. Il y a eu trois gouvernements différents depuis la reprise des relations diplomatiques en décembre 2020. Cela dit, ce type de décision nécessite un certain temps d’examen et une persistance politique. De façon générale, je pense que chaque chose arrive en son temps - le défunt roi Hassan II a dit un jour : "La diplomatie, c'est comme l'agriculture. Si vous cueillez le fruit de l'arbre trop tôt, il n'est pas encore mûr, et si vous le cueillez un peu après, il n'est pas comestible. C'est pourquoi le moment de la cueillette est important".
 
-Maintenant qu’Israël a reconnu la marocanité du Sahara, peut-on s’attendre à des investissements israéliens dans les provinces du Sud ?
 
Je pense qu'après la reconnaissance israélienne, nous assisterons à un développement rapide des relations économiques entre les deux pays dans tous les secteurs, à commencer par finaliser la mise en place de l'infrastructure économique nécessaire pour le climat des affaires. A cet égard, je n’exclus pas qu’il y ait, dans le futur, un accord commercial et peut-être même un accord de libre-échange, comme ceux qu'Israël a signés avec d'autres pays de la région.

 
Le Maroc, tel que perçu par les milieux d’affaires israéliens, peut être la porte d'entrée d'Israël en Afrique subsaharienne. Les deux pays doivent, à mon avis, tâcher d’apprendre à se connaître davantage sur le plan économique. C’est-à-dire apprendre à connaître les subtilités de leurs économies afin que les opportunités soient visibles et accessibles. Raison pour laquelle il faut créer les mécanismes nécessaires. Là, je pense à l'échange fréquent de délégations d'affaires, l’organisation de conférences conjointes, l’échange d'étudiants et de stagiaires, etc. En ce qui concerne les investissements israéliens dans le Sahara marocain, il y en a déjà eu avec des succès constatés. J’ajoute qu’il y aura aussi des projets à venir dans la pêche, l'agriculture, les services de santé, l'énergie renouvelable, l'hôtellerie et d’autres….

Je n’exclus pas qu’il y ait, dans le futur, un accord commercial et peut-être même un accord de libre-échange

 

-Pensez-vous que la reconnaissance israélienne ouvrira-t-elle à la hausse le niveau de représentation diplomatique des deux pays et notamment au passage vers des ambassades au lieu des Bureaux de liaison ?

 

Concrètement, les deux pays vont très probablement faire évoluer leurs relations vers un statut diplomatique à part entière, en transformant les Bureaux de liaison en ambassades à part entière et en nommant des ambassadeurs. Israël a également l'intention d'examiner l'ouverture d'un consulat à Dakhla. Une façon de concrétiser la reconnaissance de la souveraineté du Royaume sur son Sahara. D'une manière générale, au cours des trois dernières années, Israël et le Maroc ont signé de nombreux accords et mémorandums d'entente dans presque tous les domaines possibles. Les attentes sont donc très élevées et il nous appartient maintenant de transformer ces accords initiaux en mécanismes concrets qui aboutiront aux résultats escomptés. A mon avis, la coopération maroco-israélienne ne doit pas restée bornée au niveau des Etats. Le moment est venu pour le secteur privé et la société civile de jouer un rôle plus important pour transformer cet élan en actions et résultats concrets dont les deux pays et l'ensemble de la région pourront bénéficier.
Les deux pays vont très probablement faire évoluer leurs relations vers un statut diplomatique à part entière, en transformant les Bureaux de liaison en ambassades à part entière

 

-A votre avis, le futur Consulat israélien à Dakhla sera-t-il une plateforme de promotion des investissements au Sahara et en Afrique ?
 
Une fois ouvert, le consulat israélien pourra couvrir l'activité économique d'Israël dans les provinces du Sud du Maroc, qui sont en plein développement. Je pense que cela peut être un exemple sur le terrain du caractère complémentaire des deux économies du Maroc et d'Israël. Dans ce contexte, les technologies israéliennes peuvent contribuer à améliorer la marque "made in Morocco" du Sahara, son exportation et sa compétitivité sur les marchés internationaux. De son côté, le Maroc peut aider les entreprises israéliennes à s’installer au Maroc et à atteindre de nouveaux marchés en Afrique grâce à la vaste infrastructure économique du Maroc, à son expérience sur le continent africain et à sa profonde compréhension des subtilités du marché africain.
 
 
Propos recueillis par Anass MACHLOUKH