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Interview avec Amine Benjelloun : « Il faut prendre au sérieux l’impossibilité pour les enfants d’accéder à l’école »


Rédigé par Mina Elkhodari Jeudi 1 Septembre 2022

A chaque rentrée scolaire, des enfants se trouvent incapables de franchir les grilles de l’école en raison d’un refus scolaire anxieux. Dans ce cadre, il est recommandé de mettre en place des programmes scolaires adaptés aux souffrances de l’enfant.



Amine Benjelloun, Pédopsychiatre
Amine Benjelloun, Pédopsychiatre
- Qu’est-ce que la phobie scolaire et quels symptômes affiche-t-elle chez les enfants ?

- Aujourd’hui, on ne parle plus de phobie scolaire mais plutôt de refus scolaire anxieux. Une idée maîtresse, c’est qu’il y a une grosse part d’anxiété chez cet élève qui ne peut plus aller à l’école. Au contraire de ce que pensent les parents ou l’école, l’enfant éprouvant un refus scolaire anxieux ne peut plus y aller en raison d’une anxiété majeure. Cette anxiété peut être rationnelle ou complètement irrationnelle échappant à toute logique.


- Quels sont les causes principales de cette trouble ?

- On trouve qu’il y a une anxiété de séparation derrière ce phénomène. C’est-à-dire la peur de l’enfant de se séparer du milieu familial. On peut citer aussi une souffrance familiale, soit en rapport avec une maladie ou un problème psychologique au sein de la petite famille. Une autre raison s’impose qui est la présence d’une pression énorme à la fois du milieu familial et de l’école autour de la réussite scolaire. Or, cette pression n’a aidé personne à devenir un bon élève. Un autre problème existe, c’est la maltraitance des enfants dans certaines écoles publiques et privées qui peut être verbale ou physique, aggravant de plus en plus la situation.


- Qui en est le responsable ?

- Si, à chaque rentrée scolaire, le ministère de l’Enseignement envoie des directives aux écoles publiques et privées en leur rappelant que toute forme de violence et de punition est strictement interdite, certaines écoles continuent à avoir recours à des méthodes anti pédagogiques. Cela crée de vrais syndromes de stress post-traumatique chez les enfants.

Ainsi, le décrochage scolaire massif nous interroge sur la qualité d’apprentissage dont les élèves marocains bénéficient. La prise en charge se fait en alliance avec les parents, les professionnels de Santé et l’école qui doit être préparée pour ça. Mais, malheureusement, le système scolaire n’est pas prêt à accepter de moduler et d’accommoder les programmes scolaires en fonction des souffrances de l’enfant. Autrement dit, adapter l’établissement à l’élève.


- Quelles solutions recommandez-vous pour la famille et l’école afin de prévenir ce phénomène et de le combattre au sein des classes ?

- Classiquement, quand un enfant ne peut plus aller à l’école, on doit accepter et respecter cette impossibilité. D’une part, on procède, si possible, à une hospitalisation dans des unités spécifiques pour enfant ou adolescent pour travailler cette anxiété de séparation, mais, malheureusement, ces unités n’existent pas chez nous.

D’autre part, on met en place des partenariats avec l’école en suivant une pédagogie spécifique pour les enfants souffrant de refus scolaire anxieux. Par exemple, l’enfant ira à l’école deux ou trois fois par semaine pour assister dans une matière qu’il aime bien et puis on ajoutera d’autres matières au fur et à mesure.

Dans les pays développés, il existe des enseignants spécialisés qui travaillent avec l’enfant, soit par des cours à distance ou par des cours personnels à domicile. Le concept de « l’école à l’hôpital » est une alternative utilisée dans certains pays. C’est-à-dire des écoles avec des enseignants spécialisés qui travaillent selon des méthodes spécifiques avec ces enfants pour leur redonner confiance à l’école et en eux-mêmes tout en travaillant les problématiques d’anxiété de séparation, l’anxiété de performance pour les aider à continuer leur scolarité.

Afin d’aider l’enfant à dépasser son refus scolaire anxieux, il faut d’abord un engagement collectif des parents et de l’école sans stigmatisation de la souffrance des enfants. Il faut ainsi mettre en place une pédagogie au sein des établissements publics et privés pour s’attaquer aux grands problèmes de société, comme le refus scolaire anxieux.




Propos recueillis par Mina ELKHODARI


Le chemin suivi pour lutter contre la violence scolaire
 
Dans son chemin d’interdiction de toute forme de violence faite aux enfants dans les classes, le Maroc a adhéré à une déclaration internationale visant à lutter efficacement contre ce phénomène.

En novembre 2021, le Maroc a signé la déclaration de Campêche contre la violence et le harcèlement à l’école, y compris la cyber intimidation. Cette déclaration a été adoptée en marge des travaux de la 2ème édition de la Journée internationale contre la violence et le harcèlement à l’école, y compris la cyber intimidation, organisée conjointement par le ministère de l’Éducation publique du Mexique et la Commission mexicaine de coopération avec l’UNESCO, dans la ville de Campêche, dans le Sud-Est du Mexique.

La déclaration a pour but de promouvoir des mécanismes de prévention permettant une attention opportune à la population scolaire qui exerce, subit ou est témoin de harcèlement. Elle est aussi une invitation à tous les États membres de l’UNESCO à se joindre à cette initiative pour créer des espaces scolaires exempts de violence. La violence scolaire continue de subsister, faute de temps, de sensibilisation, d’information ou encore de communication, de la part du corps enseignant, le personnel administratif et parascolaire et même des parents qui n’y prêtent pas suffisamment d’attention.