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Culture

Interview avec Abdulelah Alqurashi : « Produire le premier film saoudien classé R a été risqué, mais je brûlais de voir la réaction du public »


Rédigé par Yassine Elalami le Jeudi 25 Avril 2024

Mardi 23 avril, le public marocain a eu l’occasion de découvrir le cinéma saoudien lors de la deuxième édition des « Nuits du Film Saoudien », organisée par la Commission Saoudienne du Film. Nous avons eu l'opportunité de rencontrer le réalisateur saoudien Abdulelah Alqurashi, venu présenter son deuxième long-métrage, « Al Hamour H.A. ». Interview.



  • Comment avez-vous débuté l'écriture de ce film ?
Le processus d'écriture de ce film a débuté avec une histoire vraie, témoignée il y a deux décennies par l'un de mes amis proches. Après avoir bouclé mon premier film, j'ai plongé dans l'écriture de celui-ci pendant la période de la Covid-19. Au départ, notre intention était de mettre en lumière une escroquerie qui avait secoué l'Arabie Saoudite au début des années 2000.

Mais au fil de l'écriture, l'histoire de l'arnaque a pris une place secondaire par rapport aux personnages fascinants qui en étaient les acteurs principaux. Nous avons alors pivoté pour mettre en avant leurs histoires et leurs motivations. C'est ainsi que nous avons enrichi le scénario avec de nombreux détails sur leurs interactions, leurs alliances et leurs conflits.

Imaginez-vous dans un jeu de piste psychologique, où chaque personnage cache ses motivations derrière un masque de normalité. Même après deux décennies, ces escrocs refusent d'accepter la nature criminelle de leurs actions, et c'est cette dichotomie entre leurs actes et leur perception qui a donné une profondeur particulière au scénario.
 
  •  Le choix de Fahad Alqahtani pour le rôle principal a apporté beaucoup d'authenticité. Comment cette décision a-t-elle été prise ?
Le choix de Fahad Alqahtani pour le rôle principal a été une décision déterminante dans notre quête d'authenticité. Ce qui rend Fahad si fascinant, c'est son accent inhabituel et la manière dont sa parole devient singulière lorsqu'il s'adresse à des étrangers. Cette particularité a ajouté une dimension d'authenticité au personnage de Hamed qu'il incarnait.

Son apparence a également joué un rôle crucial. Fahad est un homme très séduisant, mais, en même temps, il incarne parfaitement l'image du Saoudien typique. Cette combinaison unique a renforcé la crédibilité du personnage et a contribué à donner vie à l'histoire de manière authentique.

  • Le film explore un mélange complexe de stéréotypes sur l'homme saoudien, certains étant renforcés tandis que d'autres sont déconstruits…
Depuis un certain temps, de nombreux films se sont enfermés dans une logique d'amplification des stéréotypes, souvent pour des raisons commerciales. Après tout, répondre aux attentes du public garantit généralement le succès commercial. Mais pour moi, l'objectif était différent. Je voulais répondre aux stéréotypes imposés sur nous par l'Occident en disant : « Vous croyez me connaître ? Attendez de voir la réalité ».

L'idée initiale était de révéler tous ces stéréotypes et de les présenter de manière burlesque, montrant ainsi leur absurdité. En créant cette caricature, nous avons voulu inciter les spectateurs à réfléchir sur leurs propres préjugés et à remettre en question les images préconçues qu'ils pourraient avoir sur la culture saoudienne.

  • Le film aborde avec audace de nombreux sujets souvent passés sous silence par les citoyens arabes. Après sa projection, quelle a été la réaction du public saoudien ?

Mon film visait particulièrement les personnes nées à la fin des années 80 et au début des années 90, aujourd'hui dans la trentaine, qui se sentent souvent déconnectées des films proposés dans les cinémas. Ils ont du mal à trouver des histoires qui leur correspondent dans ces salles obscures.
 
Quant à la réaction du public, j'ai été agréablement surpris par les bonnes vibrations qui ont envahi les salles après chaque projection. Étant donné que c'est le premier film saoudien pour les plus de 18 ans, je m'attendais au pire. Heureusement, cela ne s'est pas produit.
 
  • Comment l'expérience acquise dans votre premier long-métrage vous a-t-elle aidé à réaliser ce deuxième ?

L'expérience acquise lors de la réalisation de mon premier long-métrage restera gravée à jamais dans ma mémoire. J'ai commencé à écrire cette histoire à une époque où les salles de cinéma en Arabie Saoudite n’existaient encore pas en 2017, alors que le premier cinéma de mon pays n'a ouvert ses portes qu'en 2018. À cette époque, il n'y avait pas encore de Commission Saoudienne du Film, et la sortie de mon premier long-métrage s'est déroulée dans une seule salle à Riyad, la seule du pays.
 
C'était un projet indépendant, que j'ai produit et financé moi-même, sans autres intentions que le plaisir. Mais cette étape était nécessaire avant de me lancer dans la réalisation de « Alhamour H.A. »
 
  • Le film est une tentative audacieuse de briser de nombreux tabous. Était-ce un choix difficile ?

Je suis fermement opposé à l'idée de garder des secrets. Il est clair que dans les pays arabes, nous avons souvent peur de révéler nos véritables désirs, ce qui est un problème éducatif répandu dans toute la nation arabe. Cette tendance nous empêche de faire face à nos problèmes et de les résoudre.
 
Ce fut un choix risqué, mais je voulais vraiment voir la réaction du public, en particulier des Arabes, car le film raconte leur Histoire. Je voulais susciter des discussions et remettre en question les conventions sociales qui limitent souvent notre liberté d'expression.

  • Le film est un drame qui raconte la souffrance de plusieurs personnes, mais cette souffrance est traitée avec une couche de sarcasme qui atténue la sensation de détresse…

Une scène marquante du film est celle où Hamed se tient face à la mer et se demande : « Est-ce de l'avarice de demander le paradis ? ». Cette scène résume parfaitement le thème du film : le droit d'avoir des passions et des rêves, même lorsque l'opulence semble lointaine. Mais c'est aussi un rappel que parfois, en nous perdant dans nos pensées, nous oublions le bonheur qui nous entoure.
 
Le personnage de Hamed illustre parfaitement cette dualité. Au départ, il valorise les relations humaines, mais au fil du temps, il commence à voir les autres comme des outils nécessaires pour atteindre ses objectifs. Ce qui m'intéresse le plus chez lui, c'est son évolution psychologique et personnelle, passant d'un individu qui apprécie les liens humains à quelqu'un qui ne voit que la valeur matérielle des choses.


Recueillis par Yassine ELALAMI

« Alhamour H.A. » : L'épopée d'un escroc saoudien
 
Le réalisateur Abdulelah Alqurashi s'est inspiré d'une histoire vraie, celle d'un des plus grands escrocs de l'Arabie Saoudite, pour créer ce chef-d'œuvre cinématographique.

Dans un paysage cinématographique en plein essor, Abdulelah Alqurashi émerge comme une étoile montante, apportant avec lui un souffle de fraîcheur et d'audace. Son dernier film, « Alhamour H.A. », est bien plus qu'un simple divertissement ; il est une plongée captivante dans l'univers complexe d'un homme au cœur de l'une des plus grandes arnaques de tous les temps. Le film suit le gardien de sécurité Hamed et les choix qu'il fait pour se tourner vers le crime. En chemin, il escroque des gens en les convainquant d'investir dans un système de Ponzi et en tire des milliards pour lui-même.

« Alhamour H.A. » est un film qui transcende les frontières, faisant vibrer les écrans du monde entier, notamment après sa diffusion dans la plateforme de streaming Netflix. Avec son mélange unique d'humour et de drame, il nous emmène dans un voyage palpitant à travers les rues de l'Arabie Saoudite, où la promesse de richesse rapide se transforme en une descente vertigineuse dans le monde de la fraude et de la tromperie.

Ce film audacieux, classé R, est une déclaration artistique qui annonce l'arrivée d'un nouveau chapitre dans l'Histoire du cinéma saoudien.
 







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