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Innovation céréalière : De nouvelles variétés de graines pour contrer les chocs pluviométriques


Rédigé par Malak EL ALAMI Lundi 20 Mars 2023

Les épisodes de sécheresse que vivent les différentes régions du Royaume impactent lourdement la production agricole et notamment celle des céréales, alors que la demande va crescendo. Ainsi, le Maroc est en quête de nouvelles variétés de céréales, résilientes à la sécheresse.



Suite à la persistance des goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement, le Royaume multiplie les efforts pour accroître la production nationale en mettant à contribution les derniers travaux de recherche concernant des variétés adaptées. Quoi de mieux qu’une nouvelle découverte consistant en six nouvelles variétés de céréales, plus résistantes aux épisodes de sécheresse.
Une équipe internationale de scientifiques au Maroc a réussi à reproduire six nouvelles variétés de blé dur et d’orge qui sont toutes plus résistantes aux épisodes de sécheresse. Il s’agit, en effet, de trois nouvelles variétés de blé dur et de trois autres d’orge, qui sont actuellement inscrites au catalogue national des semences.

Elles seront donc bientôt disponibles pour la cultivation dans tout le pays. A juste raison, elles ont démontré leur efficacité du point de vue des agriculteurs et des scientifiques, du fait de leur résistance à la sécheresse et de leurs valeurs nutritionnelles. Il s’agit en l’occurrence de trois nouvelles variétés de blé dur intitulées « Nachit», « Jabal » et « Jawahir » et trois autres d’orge : « Chiffa », « Assiya » et « Khnata ».

Les dites découvertes ont été développées par le corps professionnel et scientifique du Centre International de Recherche Agricole dans les Zones Arides (ICARDA) et ses partenaires marocains, en l’occurrence l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et l’entreprise « Benchaib Semences ». Près de 10 ans de recherches ont abouti à ces résultats favorables et encourageants dans la filière céréalière au Maroc.

Ce projet s’inscrit dans la vision stratégique du plan Génération Green 2020-2030 du ministère de l’Agriculture, dont l’objectif est d’atteindre une souveraineté alimentaire à l’horizon 2030, notamment par le renforcement des semences certifiées afin de fournir aux agriculteurs de meilleures variétés.
 
Prévenir toute disette ?

Ces nouvelles variétés ont été créées grâce aux ressources génétiques des céréales ancestrales qui ont été rassemblées et stockées dans la banque de gènes ICARDA à Rabat. Malgré les conditions climatiques extrêmement rudes, ces grains ancêtres ont survécu pendant des millénaires sans aucune intervention humaine. Ainsi, les sélectionneurs de blé dur et d’orge de l’ICARDA et de l’INRA ont testé ces nouvelles variétés au Maroc pendant plusieurs années, en les soumettant à de rudes saisons de sécheresse, afin de garantir leur viabilité. Ces variétés prometteuses ont été ensuite plantées et récoltées par les agriculteurs eux-mêmes, pendant une période dépassant les quatre ans, au sein de plus de trente exploitations, impliquant ainsi plus de deux cents agriculteurs marocains.

L’approche de l’ICARDA, classée parmi les 27 grandes banques de gènes à l’échelle internationale, a consisté en la collecte et l’identification d’un échantillon des espèces sauvages et des variétés anciennes, pour la définition de leurs caractéristiques par la suite, et ce, à travers ses missions dans tous les coins du monde. « D’où l’importance de la banque de gènes à Rabat qui comporte actuellement des espèces spécifiées, en l’occurrence de pois chiches, d’orge, d’espèces sauvages, d’espèces primitives de blé, de fève, de lentilles et d’espèces fourragères des légumineuses », nous a expliqué Ahmed Amri, chef de la section « Ressources génétiques » à l’ICARDA.

L’institution dispose ainsi de près de 480 espèces conservées, et 152.000 échantillons de ces espèces, a-t-il détaillé. L’ICARDA et ses partenaires s’apprêtent ainsi à lancer cette année quatre autres variétés, dans l’attente de leur inscription dans le catalogue international, nous a confié Filippo Bassi, améliorateur de blé dur et scientifique senior à l’ICARDA.

 

Trois questions à Filippo Bassi « Si nous arrivons à utiliser ces variétés partout au Maroc, nous pourrions produire même dans les années de sécheresse »

Filippo Bassi, scientifique senior et améliorateur de blé dur au Centre International de Recherche Agricole en Zones Sèches (ICARDA),  a répondu à nos questions.
 

En quoi consistent ces nouvelles découvertes et comment en êtes-vous arrivé là ?  

Ce sont de nouvelles variétés de semences destinées aux agriculteurs pour la cultivation de leurs terres dans le but d’améliorer le rendement. Ces nouvelles espèces ont été développées grâce à la recherche, notamment à partir de la méthode de « croisement » des variétés, pour obtenir des espèces plus performantes. Nous avons opté pour les espèces sauvages, aptes à pousser dans des zones arides et très difficiles. Et vu que les plantes n’ont pas de genre, nous avons pris les pollens de ces espèces sauvages et nous les ont croisés avec d’autres variétés performantes, pour développer de nouvelles variétés meilleures en termes de performance, qui mélangent entre les côtés rustique et performant. 


Quel est l’apport de ces innovations en termes de lutte contre la sécheresse, mais aussi en matière de souveraineté alimentaire ? 

Du côté de la sécheresse, nous présentons aujourd’hui des variétés tolérantes à ce problème, que ce soit pour l’orge ou pour le blé dur. L’année dernière, vu les épisodes de sécheresse très sévères, beaucoup d’agriculteurs n’étaient pas capables de récolter. Or, grâce à des variétés que nous avons développées comme « Jabal » et « Jawahir », certains d’entre eux qui les ont testées ont pu produire même dans des conditions extrêmes. C’est-à-dire que si nous arrivons à utiliser ces variétés partout au Maroc, nous pourrions produire même dans les années de sécheresse. De plus, à part le fait qu’il est très important de survivre durant les années de sécheresse, pourquoi ne pas avoir des variétés plus performantes également dans les phases normales. De cette manière, nous pourrions atteindre une souveraineté alimentaire. 


Est-ce que ces recherches peuvent-elles mener le Maroc vers une autosuffisance, en matière de blé par exemple ? 

Le Maroc importe aujourd’hui beaucoup de blé tendre. Par contre, pour les autres espèces comme l’orge et le blé dur, la quantité d’importation est beaucoup moins importante. Donc, le Maroc n’est pas très loin de l’autosuffisance pour ces deux espèces, mais ce n’est pas du tout le cas pour le blé tendre. Le Maroc pourrait, grâce à ces types de variétés, arriver à une autosuffisance en termes d’orge et de blé dur. Cela doit être fait en misant sur la promotion du pain à base d’orge et de blé dur, parce que l’option de l’orge est plus « adaptée » au Maroc. En effet, les agriculteurs préfèrent surtout miser sur le blé tendre étant donné que son rendement est meilleur à celui du blé dur ou de l’orge, mais nous pourrions les attirer toujours plus vers cette culture, mieux adaptée aux conditions climatiques du Maroc.  
 
Recueillis par Malak ELALAMI








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