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Hausse du taux directeur : Début de « pause » avant la décrue ? [INTÉGRAL]


Rédigé par Soufiane CHAHID Mardi 18 Avril 2023

Plusieurs observateurs estiment que la vague inflationniste est derrière nous, et donc qu’une nouvelle hausse du taux directeur serait injustifiée.



Hausse du taux directeur : Début de « pause » avant la décrue ? [INTÉGRAL]
La prochaine réunion de Bank Al-Maghrib est très attendue par les acteurs économiques nationaux. Le 21 mars dernier, le Conseil de la Banque centrale a décidé d’augmenter le taux directeur de 50 points de base à 3%. Un choix qui a suscité un large débat au sein des cercles économiques, tant cette augmentation était jugée brutale et allant contre la politique gouvernementale.
 
Aujourd’hui, des observateurs de tous bords estiment que la vague inflationniste est derrière nous, et donc qu’une hausse supplémentaire du taux directeur pourrait s’avérer inutile, voire contre-productive. D’ailleurs, dans le monde entier, un nombre croissant de banques centrales mettent une pause au brutal resserrement monétaire, tandis que certaines, comme celle du Brésil, s’apprêtent même à inverser la cadence en démarrant une dynamique de baisse de leurs taux. Une tendance soutenue par le patron du groupe industriel Mutandis et président d’honneur de l’Alliance des Économistes Istiqlaliens (AEI), Adil Douiri, qui estime que le Maroc a tout intérêt à maintenir désormais le statu quo.

Nous, industriels, nous avons reçu des hausses très fortes de produits chimiques, des emballages, des prix des transports, des conteneurs, du métal, des huiles entre fin 2021 et première moitié de 2022. Nous avons répercuté ces hausses sur nos produits de vente tout au long de l’année 2022. A partir d’octobre, les prix des matières premières ont commencé à baisser. Et si la baisse continue, certains industriels vont baisser leurs prix de vente”, nous explique-t-il, notant qu’il n’y a aucune raison d’augmenter davantage le taux directeur.
 
Le constat de notre interlocuteur est conforté par les derniers chiffres du HCP, puisque, pour le mois de février 2023, l'indice des prix à la consommation (IPC) des produits non alimentaires n’a augmenté que de 3,6%, tandis que celui des produits alimentaires s’est envolé à 20%. Ces produits agricoles ont souffert d’effets conjoncturels liés notamment à la vague de froid dans la plaine du Souss, à la vague de sécheresse de l’année dernière et à la flambée des prix des intrants.
 
Sur ce volet, “les interventions du gouvernement devraient porter leurs fruits et les prix retrouver un niveau normal prochainement”, prédit Adil Douiri. Le gouvernement a multiplié les initiatives pour contenir l’envolée des prix des produits alimentaires, en restreignant l’export de la tomate, en resserrant le contrôle sur les prix et en exonérant de la TVA les intrants agricoles.
 
De plus, il faut s’attendre à un effet de base dans les prochains mois. La guerre en Ukraine et son immense impact sur les marchés a débuté le 24 février 2022. Le calcul de l’inflation se faisant toujours en comparaison de la même période une année auparavant, celle à partir du mois de mars se fera en comparaison à une période de l’année dernière où l’inflation sur les produits énergétiques et agricoles avait atteint des sommets.
 
L’économie nationale a ses spécificités !
 
Contrairement à d’autres pays, le Maroc ne s’est pas inscrit dans une spirale inflationniste où la perte du pouvoir d’achat est compensée par une revalorisation des salaires. Notre pays ne connaît pas non plus une surchauffe de son économie, comme c’est le cas aux Etats-Unis par exemple.
 
A la sortie du confinement, les Américains ont surconsommé en dépensant les chèques d’aide de l’Etat. Ils sont également sortis du marché de travail, ce qui a créé des tensions dans le marché du travail. Tout ceci a exacerbé l’inflation. Le Maroc n’est pas du tout dans le même cas”, explique le président d’honneur de l’AEI.
 
Tous ces éléments rendraient une nouvelle hausse du taux directeur injustifiée. “Avec le niveau actuel du taux directeur, on est revenu à la situation d’avant la crise Covid. C’est compréhensible que la politique monétaire revienne à la normale. Mais qu’elle devienne restrictive et que le taux directeur continue à monter, je trouve cela injustifiable”, indique-t-il. En effet, un taux directeur trop haut va non seulement brider la consommation des ménages, mais va également dissuader les entreprises d’investir, ce qui aura des effets sur la croissance de l’économie.
 
Même son de cloche du côté de Badr Lachgar, économiste et analyste financier, qui écarte la possibilité d’une éventuelle hausse. «Il est peu probable que BAM envisage une nouvelle hausse du taux directeur dans les prochains mois du fait que nous sommes à un niveau déjà assez élevé et dans un contexte monétaire international où les marchés craignent une éventuelle crise économique qui découlerait d’une faillite de banques internationales».
 
Si tout de même l’inflation reste très élevée et que BAM décide de décréter une nouvelle hausse, les impacts pourraient être très lourds sur la croissance économique. Le coût de l’emprunt sera très élevé pour les entreprises qui auront du mal à financier leurs investissements et par ricochet de recruter de nouveaux salariés, explique Lachgar, notant que les ménages auront également du mal à investir dans l’immobilier qui, faut-il le rappeler, demeure un des principaux secteurs pourvoyeurs d’emplois au Maroc.
 
 
Il est vrai que la hausse des taux directeurs est favorable au maintien du taux de change. Or, au Maroc, la réglementation des changes interdit la spéculation sur le dirham. “Même si le taux directeur de la BCE est à 6% et celui de BAM à 3%, je ne peux vendre à découvert des dirhams et acheter des euros et gagner ainsi la différence. Ce risque est donc écarté”, tranche Adil Douiri. L’heure est donc à la baisse des taux… ou du moins au statu quo !
 
Soufiane CHAHID

 

3 questions à Adil Douiri « L’inflation industrielle est à zéro, et elle va être négative prochainement »

L’ex-ministre du Tourisme, président du groupe industriel Mutandis et président d’honneur de l’Alliance des Économistes Istiqlaliens (AEI), Adil Douiri, a répondu à nos questions.
 
  • Pour les produits non-alimentaires, l’inflation est-elle derrière nous ?
 L’inflation non-alimentaire devrait baisser, selon moi, parce que l’inflation industrielle est terminée. Nous, industriels, nous avons subi des hausses des produits chimiques, des emballages, des transports, des conteneurs, du prix du métal pour les conserves, des huiles pour ceux qui l’utilisent dans leurs recettes alimentaires, entre fin 2021 et la moitié de 2022. 
Ces hausses ont été répercutées sur nos prix de vente tout au long de l’année 2022. A partir d’octobre, ces coûts-là ont commencé à baisser. Si les matières premières, qui ont déjà baissé depuis octobre, continuent sur cette voie, les industriels vont baisser leurs prix de vente pour regagner des parts de marché. Et même si on ne les baisse pas, ce qui est certain c’est que ces hausses de prix sont finies. Pour moi, l’inflation industrielle est à zéro, et elle va être négative prochainement.
 
  • Pensez-vous que les situations économiques des autres pays soient différentes de celle du Maroc ?
 Prenons l’exemple des Etats-Unis. Durant le Covid, tout le monde a reçu des chèques, et pas que les pauvres comme au Maroc. Donc, ils ont dépensé à outrance. De plus, le marché du travail s’est vidé. Après le confinement, les gens sont restés chez eux et ne sont pas retournés travailler. 

Le marché de l’emploi s’en est retrouvé très perturbé et il était impossible de recruter. J’ai été aux Etats-Unis en 2021, et il y avait partout des affiches pour des offres d’emploi. Depuis 2022, ils sont en train de revenir sur le marché de l’emploi parce qu’ils ont tout dépensé et qu’ils ont besoin d’argent.
La demande des ménages, hyper-forte, a encouragé les entreprises à dépenser et à investir. Quand on a ça, plus un choc inflationniste importé de l’énergie et des matières premières, si j’étais la banque centrale américaine, j’aurais utilisé tous les outils monétaires à ma disposition pour que ça s’arrête.
 
  • Et ce n’est pas le cas au Maroc ?
Ici, nous avons un marché de l’emploi qui n’est pas tendu. Nous n’avons pas non plus un excès de demande ni de la dépense des ménages ni de l’investissement des entreprises. Nous sommes sur un rythme de croissance modéré.Donc, qu’est-ce qu’il y a à casser comme demande ? Que le taux directeur revienne à un niveau neutre, après qu’il ait été extrêmement accommodant durant le Covid, c’est normal. Mais si la politique monétaire devient restrictive et continue à monter, ce n’est pas justifié.
 
Propos recueillis par S. CHAHID

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3 questions à Badr Lachgar «Le maintien d’un statu quo n’aura pas de nouveaux impacts sur l’économie »

L’analyste financier Badr Lachgar a répondu à nos questions concernant une éventuelle baisse du taux directeur et ses conséquences au Maroc.
 
  • Un nombre croissant de banques centrales mettent une pause à leur resserrement monétaire, certaines envisagent même de baisser les taux. Etant donné la situation de l’économie nationale, quel serait le choix optimal pour un pays comme le Maroc ?
 
Il y a effectivement des bruits de couloir au sein des Banques centrales américaine et européenne sur une éventuelle baisse des taux directeurs, mais rien n'est encore officiel. Le Maroc a donc tout intérêt à attendre la réaction de ses homologues occidentaux avant de décider de suivre ou pas la tendance baissière. D'autant plus que la dernière hausse actée par BAM date du mois de mars et ses effets se font encore attendre. Les chiffres du HCP relatifs au mois de mars 2023 montrent que l'inflation des prix à la consommation s'est établie à 10.1% sur le mois de février. C'est un niveau d'inflation jugé très élevé par BAM qui s'est fixé comme objectif d'endiguer l’inflation galopante. La banque centrale devrait donc attendre une inversion de courbe de l'inflation et une baisse des taux chez ses homologues pour commencer à réfléchir à un alignement sur la nouvelle tendance baissière des taux.
 
  • Maintenir le statu quo aurait-il des conséquences ?
 
A très court terme, le maintien d’un statu quo n’aura pas de nouveaux impacts sur l’économie si les conditions monétaires et économiques des pays partenaires n’évoluent pas. En effet, si nous maintenons un taux à 3% mais que les pays voisins baissent leurs taux directeurs, cela va générer un engouement sur le dirham et contribuera donc à son application. Cela permettra aux ménages de gagner en pouvoir d’achat sur les importations mais pénalisera les entreprises exportatrices car leurs produits coûteront plus cher. L’impact du statu quo est donc très conditionné par le paysage monétaire mondial, il ne dépend pas uniquement des décisions de BAM.
 
  • Quel serait l’effet d’une éventuelle baisse du taux directeur sur les marchés financiers internationaux ?  
 
Une baisse du taux directeur insufflerait une nouvelle dynamique économique au Maroc et pousserait sans doute les entreprises à vouloir investir pour relancer la croissance au sein du pays et recruter de nouvelles ressources humaines au sein de leurs structures. Mais cette dynamique n’est pas systématique. Il faut que cette baisse du taux directeur soit la première étape d’une longue série de baisse afin de réconforter les agents économiques sur un retour des taux à leur niveau normal (aux alentours de 1, voire 1,5%, contrairement aux 3% prévalant aujourd’hui). BAM devra véhiculer un message clair sur ses intentions de baisse à long terme.
 
Une telle baisse devrait également intervenir dans un contexte d’inflation maîtrisée car si l’évolution des indices des prix reste élevée (comme c’est le cas aujourd’hui), une baisse du taux directeur serait interprétée comme une impuissance de la banque centrale à endiguer l’inflation et une volonté de sa part de favoriser uniquement la croissance (ce qui ne relève pas des fonctions prioritaires de BAM). Cela pourrait porter atteinte à la crédibilité et à l’image de BAM à l’international.









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