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Gouvernances à l’épreuve du coronavirus

Covid-19


Rédigé par Ahmed NAJI Vendredi 3 Avril 2020

Quelles leçons tirer de l’actuelle crise causée par la pandémie du Sras-CoV-2, un test de résilience grandeur nature des systèmes de gouvernance. C’est le défi des politiques.



Gouvernances à l’épreuve du coronavirus
Plus rigoureusement pointilleux que tous les rapports et classements des systèmes de gouvernance publics opérés par des organisations internationales, plus rapide à en afficher les résultats et plus implacable dans sa notation, la pandémie du coronavirus a mis à nu les faiblesses et défaillances de certaines nations, alors qu’elle en a souligné les capacités de réaction d’autres, jusqu’il n’y a pas longtemps vilipendées par les médias occidentaux. À cet examen, le Maroc s’en sort bien mieux que ce que l’on aurait pu craindre.

Des classements à jeter aux orties

Selon l’Indice de sécurité sanitaire mondial 2019 (Global Health Security Index), basé sur une évaluation des capacités sanitaires de 195 pays, les Etats-Unis sont le pays le mieux préparé au monde à affronter une pandémie, suivi de la Grande Bretagne et des Pays-Bas. La Chine y occupe la 51ème place, le Maroc la 68ème.La Chine est pourtant l’unique pays, jusqu’à présent, à avoir réussi à juguler en grande partie l’expansion de la maladie (à moins de subir une 2ème vague de contagion), et ce après avoir été pris par surprise, puisque premier pays touché. Alors que les Etats-Unis, qui ont eu largement le temps de voir venir l’épidémie et avec une population moindre que celle de la Chine, affichent actuellement le nombre le plus élevé de personnes infectées, plus de 200.000, et comptent plus de 4.000 morts (plus de 3.000 en Chine). Cette réalité se moque éperdument des jugements de valeur idéologiques, ou plus exactement elle en révèle les aspects peu visibles en temps normal.

Urgence sanitaire vs « immunité du troupeau »

Pour rester dans le contexte marocain, il est heureux de constater que le darwinisme social ne fait pas partie de la culture politique nationale. Alors que le Maroc a fermé ses écoles dès le deuxième cas d’infection au coronavirus attesté, instaurant même l’état d’urgence sanitaire dès le 16 mars, des pays occidentaux, chantres des Droits humains et beaucoup mieux équipés pour affronter cette situation, ont préféré appliquer le principe d’« immunité du troupeau », qui revient à laisser mourir les personnes âgées et fragiles sur le plan sanitaire afin de développer une résistance de groupe à l’infection.

C’est cruellement immoral et promet de profondes remises en cause politiques au terme de cette pandémie. Déjà, les employés du géant américain du commerce électronique, Amazon, sont en grève en raison du peu de cas fait de leur sécurité, ainsi que ceux de deux autres grands groupes de distribution alimentaire, Instacart et Whole foods. Face à l’ampleur de la calamité, le président Trump a finalement cessé d’appeler à un retour rapide au travail.

L’Etat social marocain

Au Maroc, ou 113.000 entreprises sont en arrêt temporaire de travail, plus de 700.000 salariés du secteur privé devront bénéficier, de la part de la CNSS, d’une indemnité forfaitaire mensuelle de 2.000 Dhs, outre le maintien des allocations familiales et des prestations de l’assurance maladie, une mesure financée par le Fonds spécial pour la gestion de la pandémie du coronavirus.

D’autre part, les ménages inscrits au Ramed devront également percevoir, à partir du 6 de ce mois, une aide de subsistance proportionnelle à leur taille et des dispositions sont prises pour soutenir également les familles ne disposant pas de cartes Ramed. S’il est un simple fait divers à retenir, le retour improbable rapporté par le 360.ma d’une centaine d’immigrés clandestins marocains en Espagne, à bord de deux canots pneumatiques (!), après avoir payé chacun 60.000 Dhs à un passeur, n’en est pas moins symbolique des temps qui changent.

Après tout, le Maroc est le premier pays au monde a avoir généralisé l’usage de la chloroquine dans le traitement de ses malades infectés au coronavirus, un médicament fortement conseillé par le microbiologiste français, le Pr Raoult Didier, vertement moqué dans son pays et dont une vidéo avait été qualifiée de « fake news » par l’«honorable » quotidien français « Le Monde ».

Mesures exceptionnelles juridiquement encadrées

Légaliste jusqu’au bout des ongles, le Maroc s’est dépêché de faire adopter deux décrets-lois sur l’état d’urgence sanitaire, de manière à encadrer juridiquement les mesures exceptionnelles prises pour lutter contre la pandémie.

Les formations politiques marocaines qui ont voté ces textes à l’unanimité, en commission dans les deux chambres du parlement, savaient pertinemment qu’il vaut mieux décréter des circonstances exceptionnelles que de voir des mesures restreignant les libertés individuelles appliquées selon les normes du droit commun, ce qui reviendrait à les banaliser.

Et même avec un effectif réduit à une trentaine de députés, représentants les différents groupes parlementaires, la session parlementaire printanière va quand même se tenir à partir du 10 avril, comme prévu par le Constitution. Car si « la nécessité n’a pas de loi », il faut bien veiller à ce que le vital mais fragile équilibre entre liberté et sécurité, droits des citoyens et pouvoirs des autorités, soit toujours préservé.

Une vision politique de l’après-coronavirus

Pour les formations politiques marocaines, comme pour ces nombreuses officines étatiques chargées d’analyser le Maroc tel que le HCP, le CESE ou la CSMD, le confinement est l’occasion de méditer profondément sur les profonds bouleversements opérés par la crise du coronavirus, aussi bien au niveau national qu’international, et la manière de gérer les conséquences de l’après-coronavirus. Surtout que les échéances électorales ne sont plus éloignées.

Il y a le chômage, qui augure d’exploser, du fait de l’arrêt prolongé d’une large fraction des activités économiques, les balances commerciales et de paiement, dont les déficits ne vont pas manquer de s’aggraver, du fait de la baisse de la demande extérieure et des transferts de MRE. Outre les différents lobbys dont il faut gérer les revendications de soutien, qui ne sont pas toujours justifiées.

C’est également l’occasion de relancer le débat sur la pertinence d’investissements dans les secteurs sociaux beaucoup plus conséquents qu’actuellement, dont ceux à consacrer au système de santé public, ce genre même de dépenses qui donnent l’urticaire aux experts du FMI.

Si gouverner, c’est prévoir, l’imprévisible est le meilleur testeur, aveugle à toute couleur politique, sourd à toute communication, ultra sensible à la seule réalité. Et il « inflige » ses leçons à tous. Qu’en pensent nos membres de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) ?

Ahmed NAJI







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