Cinq mois après le lancement de "l'Offre Maroc" pour le développement de la filière de l’hydrogène vert, Leila Benali, ministre de la Transition énergétique, dresse un premier bilan. En réponse à une question orale à la Chambre des Conseillers, ce 16 juillet, la ministre a détaillé les premiers retours des potentiels investisseurs.
D’après elle, près de 100 investisseurs nationaux et internationaux ont exprimé leur intérêt pour ce domaine, compte tenu des incitations offertes par cette offre en matière d'investissement, de fiscalité, de douane et d'accompagnement des porteurs de projets pour assurer la réussite de la mise en œuvre.
Pour attirer les futurs investissements dans la production d'hydrogène vert, un million d'hectares de foncier ont été identifiés, et 300.000 hectares ont été mis à la disposition des investisseurs dès la première phase. Cette assiette foncière est répartie sur cinq régions du Royaume, qui regorgent de potentialités très importantes en la matière.
“Cette démarche contribuera au développement local à travers la création des postes d’emploi et la transition vers une économie durable au niveau territorial”, a expliqué Leila Benali devant les élus de la deuxième Chambre. En effet, le Royaume mise sur le développement de cette filiale pour créer tout un écosystème, allant de la fabrication des électrolyseurs jusqu’à l’export ou l'émergence d’utilisations innovantes.
D’après elle, près de 100 investisseurs nationaux et internationaux ont exprimé leur intérêt pour ce domaine, compte tenu des incitations offertes par cette offre en matière d'investissement, de fiscalité, de douane et d'accompagnement des porteurs de projets pour assurer la réussite de la mise en œuvre.
Pour attirer les futurs investissements dans la production d'hydrogène vert, un million d'hectares de foncier ont été identifiés, et 300.000 hectares ont été mis à la disposition des investisseurs dès la première phase. Cette assiette foncière est répartie sur cinq régions du Royaume, qui regorgent de potentialités très importantes en la matière.
“Cette démarche contribuera au développement local à travers la création des postes d’emploi et la transition vers une économie durable au niveau territorial”, a expliqué Leila Benali devant les élus de la deuxième Chambre. En effet, le Royaume mise sur le développement de cette filiale pour créer tout un écosystème, allant de la fabrication des électrolyseurs jusqu’à l’export ou l'émergence d’utilisations innovantes.
Priorité à l’OCP
Sur ce point, les perspectives deviennent plus claires. Certaines industries sont particulièrement bien placées pour adopter rapidement l'hydrogène vert, se positionnant ainsi comme les premiers demandeurs de ce gaz. C'est le cas notamment de l'industrie chimique, et plus précisément de la production d'ammoniac vert.
En tant qu'intrant essentiel pour la fabrication d'engrais azotés et d'autres produits, l'ammoniac vert est destiné à devenir le principal consommateur d'hydrogène vert, remplaçant ainsi le gaz naturel. D’après la ministre, cela s’inscrit pleinement dans le programme d'investissement vert du groupe OCP, qui vise à produire 1 million de tonnes d'ammoniac vert en 2027, avec pour objectif d'atteindre 3 millions de tonnes en 2032.
D’ailleurs, quelques semaines après l’entrée en vigueur de “l’Offre Maroc", l’OCP et l’entreprise australienne Fortescue ont annoncé une Joint-Venture visant à “fournir de l'hydrogène vert, de l'ammoniac vert et des engrais verts au Maroc, à l'Europe et aux marchés internationaux”.
Vers un acier vert
En dehors de l’OCP, qui constitue la brique de base dans l'édification d’un marché local, d’autres industries pourraient également se lancer dans cette aventure. Leila Benali a donné l’exemple des industries lourdes, comme la métallurgie et la sidérurgie, pour lesquelles “l'abandon du charbon constitue une étape importante dans la transition énergétique et la décarbonation de l'industrie”, a-t-elle poursuivi.
“Un certain nombre d'aciéries ont manifesté leur intérêt pour la décarbonation de leur production et l'utilisation d'énergies renouvelables et d'hydrogène vert et de ses dérivés dans leurs processus industriels”, a révélé Leila Benali.
Avec le prochain mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) imposé par l’Union Européenne, l’industrie marocaine devra décarboner ses produits, notamment l’acier et ses dérivés. Une nouvelle méthode de production d’acier vert consisterait à réduire le minerai de fer par l’hydrogène vert (H2), au lieu du coke, extrait du charbon.
Décarboner le fret
L’autre utilisation proposée par Leila Benali est le méthanol vert, destiné au secteur des transports routier, aérien et ferroviaire, ainsi qu'au transport maritime. Ce carburant alternatif est fabriqué en combinant de l'hydrogène vert avec du dioxyde de carbone capté soit directement de l'air, soit des émissions industrielles.
Le processus synthétise ces deux éléments dans un réacteur pour former du méthanol, une alternative écologique aux carburants fossiles. Même si cette utilisation est au stade expérimental, elle reste une des alternatives les plus prometteuses pour décarboner le fret maritime, un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre sur le planète.
3 questions à Anne-Sophie Corbeau : «Il n’y a pas beaucoup de marchés qui veulent importer de l’hydrogène vert»
Anne-Sophie Corbeau, chercheuse au Center on Global Energy Policy de l’Université Columbia, aux Etats-Unis, répond à nos questions concernant l’avenir de l’hydrogène et de l’ammoniac verts.
- L’hydrogène vert sera-t-il véritablement un levier pour la transition énergétique dans les décennies à venir ?
Ce n’est pas la solution à tout, il doit être utilisé avec raison. On ne va pas mettre de l’hydrogène partout. Mais il est utile dans certains secteurs qui vont être difficiles à décarboner, parce que difficiles à électrifier. Par exemple, des secteurs comme la production d’engrais, les raffineries, la chimie, la sidérurgie, le transport maritime et aérien. Et sous différentes formes, peut-être le transport routier lourd, et la flexibilité saisonnière dans le secteur électrique.
- Le Maroc vise l’exportation vers le marché européen. Ce marché sera-til capable d’absorber la production d’hydrogène vert en provenance de pays voisins ?
Il n’y a pas beaucoup de marchés qui veulent importer de toute façon : l’Europe - et encore pas tous les pays -, le Japon, la Corée, Singapour. En fait, tout dépend du pays importateur dont on parle. L’Allemagne a de grandes ambitions, d’ailleurs on n’entend parler presque que d’eux (avec H2Global). Les autres pays ont des ambitions d’importations bien moindres, quand elles sont quantifiées (la France a dit qu’elle regarderait, mais sans rien de plus). Mais il faut que ces importations soient compétitives. Et il y aura des échanges intra-européens en provenance de pays comme la Norvège, par exemple.
- Est-ce que l’ammoniac vert est actuellement considéré comme l’utilisation la plus prometteuse de l’hydrogène vert ?
C’est une utilisation qui remplace l’ammoniac fait à partir de gaz. Il pourrait aussi être utilisé dans le transport maritime, secteur qui fait l’objet d’un grand débat pour savoir si le méthanol est mieux que l’ammoniac. Mais l’ammoniac n’est pas une solution universelle en termes d’utilisation finale. Par contre, cela peut être un vecteur de transport intéressant (d’ailleurs c’est le plus souvent celui qui est envisagé), tant qu’on contrôle les problèmes de toxicité.
Recueillis par S. C.
3 questions à Philippe Copinschi : “Exporter de l’hydrogène, c’est aussi une question d’acceptabilité sociale”
Philippe Copinschi, chargé de cours auprès de Sciences Po Paris et expert des questions énergétiques internationales et africaines, a répondu à nos questions sur le marché de l’hydrogène dans l’avenir.
- Dans la décennie à venir, devrait-on s’attendre à un marché de l’hydrogène comparable à ceux du pétrole et du gaz ?
- Oui, dans le sens où on peut prévoir le développement d’un marché global de l’hydrogène, à l’horizon de vingt ans probablement. On aura une situation avec des pays importateurs, des pays exportateurs, et une certaine dépendance : les pays importateurs ayant besoin de s’assurer de la sécurité d’approvisionnement, les pays exportateurs devenant éventuellement dépendants des revenus générés par les exportations d’hydrogène. En cela, on retrouve des parallèles avec le marché du gaz. Les moyens techniques et les outils qu’on peut envisager de mettre en place du côté des pays importateurs seront à peu près les mêmes : c’est-à-dire essayer de diversifier l’offre, de mettre en place des réserves stratégiques pour faire face à des imprévus… etc. Cependant, il y a trois différences fondamentales. La première est que l’hydrogène, on pourra probablement s’en passer, mais pas le pétrole. Le pétrole aujourd’hui est en situation de monopole dans le secteur du transport. La deuxième, on se dirige vers un marché régional plutôt que global. Et, enfin, pour le gaz et le pétrole, on est dépendant de la géologie. Ce qui n’est pas le cas de l’hydrogène.
- Y aura-t-il aussi une géopolitique des routes d’approvisionnement ?
- Pour le moment, on est dans des spéculations. On parle d’un horizon à 2040, voire 2050, pour le développement d’un marché conséquent. Il y a des pays comme l’Australie ou le Chili qui le feront par bateau, parce qu’ils n’ont pas d’autres choix. Le Maroc peut miser sur les gazoducs et les bateaux. Mais aujourd’hui, personne n’est capable de dire quelle sera la meilleure solution.
- Quels sont les éléments déterminants pour la réussite d’une stratégie d’export d’hydrogène ?
- Il y a bien sûr le vent et le soleil, ainsi que la disponibilité de l’eau. Pour accueillir les investisseurs, il faut une stabilité politique, juridique et économique. Il y a un autre élément moins abordé, c’est l’acceptabilité sociale. Est-ce que la population va accepter d’orienter une partie de son énergie à l’export. Pour le Maroc par exemple, la priorité ne serait-elle pas de décarboner d’abord l’électricité ?