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Diplomatie : Comment la sécurité alimentaire peut-elle rapprocher le Kenya et le Maroc ?


Rédigé par Mohamed Elkorri Mercredi 10 Avril 2024

Le Kenya exprime, ces derniers temps, son désir de se rapprocher du Maroc. Tout comme plusieurs autres pays africains, le gouvernement de cet Etat lorgne les fertilisants du Royaume. Un enjeu qui pourrait faire du Maroc son sauveur. Détails.



Effectivement, le Kenya fait face à une crise de distribution de fertilisants sur son territoire, et qui suscite jusqu’aujourd’hui le désarroi des agriculteurs, suite à l’émergence de faux revendeurs d’engrais. Une situation qui a contraint le gouvernement à lancer une vaste campagne de répression. 

Pour contourner cette crise, le président William Ruto prévoit de se rendre au Maroc dans les prochaines semaines afin de discuter de la création d’une industrie des engrais dans son pays. Selon certaines informations provenant de cet Etat subsaharien, l’accord officiel pour la création d’une entreprise d’engrais au Kenya devrait être annoncé lors de la visite du Chef de l’Etat Ruto à Rabat. 

Les mêmes sources affirment, en outre, que le secrétaire du Cabinet de l’Agriculture, Mithika Linturi, s’attèle actuellement avec l’OCP pour décider de l’avenir de cette installation. Une conjoncture de rude épreuve qui fera le bonheur du Maroc, lequel devra venir en aide à ce pays en proie à une pénurie d’engrais, et qui met sa sécurité alimentaire en jeu. 

En témoigne le passage de la candidate au poste d’Ambassadrice kenyane à Rabat, Jessica Muthoni Gakinya, en début de la semaine au parlement de son pays, où elle a fait l’objet d’un contrôle des Représentants de la nation avant sa nomination de façon officielle. 

Mme Gakinya, responsable du développement commercial chez Safaricom, a déclaré à la Commission parlementaire qu’elle était prête à promouvoir le Kenya comme la meilleure destination pour les investissements marocains. La future diplomate kenyane à Rabat a déclaré, en outre, que la première étape consisterait à encourager les investisseurs du Royaume à établir une usine d’engrais au Kenya, afin de faciliter l’accès des agriculteurs de son pays aux produits agricoles essentiels.

Le Kenya fait les yeux doux au Maroc

L’ouverture d’une Ambassade au Maroc signifie que le Kenya fera passer sa présence diplomatique dans le pays d’un Consulat honoraire à Casablanca, dirigé par Ali Bajaber, un ressortissant kenyan, à une Ambassade avec un Ambassadeur résident. 

Gakinya, qui a auparavant travaillé au Kenya Fisheries Board, a retracé son enfance dans un village moins connu du Comté d’Embu, où elle a grandi dans une famille impliquée à la fois dans l’enseignement et l’agriculture. 

Elle identifie au mieux les besoins de son pays, et se rend compte de son devoir dans sa mission éventuelle diplomatique au Maroc. Interrogée par le législateur central de Baringo, Joshua Kandie, sur les stratégies visant à équilibrer les volumes des échanges, Gakinya a répondu : « Il existe un potentiel important pour le Kenya au Maroc ».

Coup d’œil sur le marché kenyan en 2019 

Le Kenya a importé des engrais minéraux ou chimiques tels que le chlorure de potassium d’un coût total de 3,9 milliards de dollars et la quantité était de 10,52 millions Kg. Ses fournisseurs étaient la Jordanie (2 millions de dollars pour 5 500 000 Kg), l’Allemagne (915.000 de dollars pour 2 223 400 Kg), la Fédération de Russie (362.000 de dollars pour 1 008 000 Kg), la Suisse (207.000 de dollars pour 550 000 Kg) et la Lituanie (185.000 de dollars pour 486 000 Kg). 

Dans le contexte actuel, l’OCP joue un rôle clé dans la crise mondiale des engrais qui sévit aujourd’hui avec ses conséquences sur la sécurité alimentaire. Déjà, depuis cinq ans, le nombre de personnes souffrant de la faim augmente, notamment en Afrique. Un contexte marqué par le dérèglement climatique, la guerre en Ukraine et les conflits locaux qui ont en effet mis à mal les progrès préalablement réalisés pour répondre au deuxième objectif de développement durable (ODD) des Nations Unies, à savoir : éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable. 

En parallèle, le continent africain connaît une croissance démographique importante. Garantir la sécurité alimentaire à sa population représente donc un défi dans lequel le secteur agricole a plus que jamais un rôle à jouer, notamment en augmentant durablement sa production. 

C’est dans ce contexte que le Maroc est devenu un acteur majeur de la sécurité alimentaire dans le monde entier. Un rôle indéniable majeur qui stimule sa présence sur la scène internationale, faisant de ses fertilisants une carte diplomatique sur laquelle le Royaume peut parier.

Diplomatie : Comment la sécurité alimentaire peut-elle rapprocher le Kenya et le Maroc ?
« Le Maroc doit consolider sa présence dans l’économie la plus importante de l’Afrique orientale » 

Mohamed Badine El Yattioui, Professeur d’Etudes Stratégiques au Collège de Défense (NDC) des Emirats Arabes Unis à Abou Dhabi, répond à nos questions.

- Dans quelles mesures l’économie des engrais contribue-t-elle à l’augmentation de l’influence du Maroc en Afrique ?


- L’économie des engrais est un instrument très important pour la diplomatie économique du Maroc, via le groupe OCP, qui est un acteur majeur à l’échelle internationale, faisant du Royaume le deuxième exportateur mondial derrière la Chine et en ayant le plus de réserves au monde. Ceci dit, l’Etat marocain peut utiliser cette ressource une fois qu’elle est transformée en outil d’influence dans plusieurs pays africains, mais aussi ailleurs dans le monde, comme c’est le cas du Pérou. Ce qui permet à la diplomatie marocaine d’en bénéficier pour augmenter sa zone d’influence afin de pouvoir avancer dans un certain nombre de dossiers, principalement celui de la marocanité du Sahara.

- Cette approche pourrait-elle être efficace avec un pays comme le Kenya ?

- Oui bien évidemment. On l’a constaté par le fait que le Kenya vient d’ouvrir une ambassade au Maroc, et il est sur le point de désigner un ambassadeur résident. Cela signifie qu’il y a une volonté de la part des autorités kenyanes de consolider leurs relations diplomatiques avec le Maroc.

Il faut dire que le Kenya détient l’économie la plus importante de l’Afrique de l’Est. Surtout que le gouvernement de ce pays a promis fin janvier de fournir le double des engrais subventionnés à ses agriculteurs et de passer à 600.000 tonnes. Un deuxième élément pourrait appuyer le rapprochement avec le Maroc : c’est que cet Etat veut accroître sa production de maïs pour atteindre l’objectif de 4 millions de tonnes par saison.

- Le Maroc peut-il imposer la condition de la reconnaissance de la marocanité du Sahara, dans le cas du Kenya, ou doit-il avancer par étapes ?

- Bien sûr. Le Kenya en 2013, sous l’ère de ses anciens dirigeants, a choisi de soutenir le front séparatiste. Pour sa part, le président actuel Ruto avait choisi de retirer cette reconnaissance fin 2022, mais il a cédé aux pressions politiques internes dont, entre autres, celle du président de la Chambre basse, Moses Wetangula, qui a tout fait pour freiner la décision de Ruto. Donc, le Maroc exigera la reconnaissance de la marocanité du Sahara.

Il est à noter que la diplomatie économique du Maroc a toujours existé au Kenya, surtout dans le secteur bancaire, avec Attijari Wafa Bank et Bank Of Africa (BOA), lesquelles sont fortement présentes et bien implantées dans ce pays.

A cela s’ajoutent les engrais, qui pourront consolider la bilatéralité, mais il va falloir également stimuler encore les échanges commerciaux, l’idée est d’être présent dans la vie économique du Kenya au quotidien surtout que l’économie kenyane est la plus forte de l’Afrique australe. Ce qui constitue une chance pour les entreprises marocaines en matière d’investissements, comme l’OCP et d’autres institutions financières.
 








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