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Crowdfunding au Maroc : dernière ligne droite pour le projet de loi


Rédigé par Oussama ABAOUSS Lundi 1 Février 2021

Pour sa deuxième lecture, le projet de loi N° 15.18, relatif au financement collaboratif, est actuellement sous la loupe de la Commission des finances et du développement économique.



Crowdfunding au Maroc : dernière ligne droite pour le projet de loi
Grâce à Internet et aux réseaux sociaux, il est plus que jamais possible pour un porteur de projet de faire connaître son idée et - pour peu que celle-ci soit intéressante et dispose d’un capital sympathie - de se trouver dans la possibilité de recevoir des dons de la part des internautes. Cette pratique appelée « crowdfunding » - financement par la foule - est une tendance majeure qui s’impose partout dans le monde comme un véritable moyen de financement alternatif.

Au Maroc, les autorités ont commencé dès 2012 à percevoir l’intérêt du crowdfunding en tant que levier pour créer de l’emploi et stimuler l’innovation grâce à la possibilité de financer les projets de particuliers, de startups ou d’associations. Ce n’est cependant qu’en 2018 que le ministère des Finances a déposé la première version du projet de loi N° 15.18 relatif au financement collaboratif. Après une première lecture, le projet a été adopté à l’unanimité le mardi 11 février 2020. Transféré en deuxième lecture, jeudi 28 janvier 2021, le projet de loi repassera sous la loupe de la Commission des finances et du développement économique dès ce lundi 1er février.

Crowdfunding et appel à la générosité
Tant que la loi qui encadre les activités de crowdfunding n’est pas encore officiellement entrée en vigueur à travers une version définitive et surtout à travers un décret d’application, les principaux textes qui encadrent le don, le prêt et l’appel public à l’épargne, sont la loi de 1971 relative aux appels à la générosité publique, la loi relative aux établissements de crédit et aux organismes assimilés et celle relative à l’appel public à l’épargne.

À l’instar de toutes les activités rendues possibles par l’évolution technologique, mais qui tardent encore à être encadrées au niveau légal, quelques campagnes de crowdfunding ont été expérimentées au Maroc, notamment à travers des plateformes étrangères ou, encore, à travers des plateformes marocaines domiciliées à l’étranger. Le potentiel du crowdfunding réside pourtant bien au-delà des simples financements par dons puisque le concept peut également impliquer un financement participatif par prêt ou par investissement en capital.

Une loi adaptée au contexte local
En parcourant les diverses modifications apportées au projet de loi N° 15.18 relatif au financement collaboratif lors de sa première lecture à la Chambre des Représentants, il est évident que des efforts ont été consentis afin de simplifier les procédures prévues pour encadrer les pratiques de crowdfunding au Maroc. Le projet de loi relatif au financement collaboratif a ainsi pour objet de «définir le cadre juridique de l’exercice - par les sociétés de financement collaboratif (SFC) - des différentes formes de financement collaboratif».

Le texte établit à cet effet un dispositif complet de régulation des activités avec notamment les modalités de création et de fonctionnement des plateformes de financement collaboratif, ainsi que la définition du dispositif d’agrément par l’Administration des SFC et de supervision des activités de financement collaboratif, assuré par Bank Al-Maghrib pour les activités de prêt et de don et par l’Autorité Marocaine du Marche des Capitaux pour les activités d’investissement en capital.

Les startups et ONG dans l’expectative
Le projet de loi définit par ailleurs les règles spécifiques à chacune des trois formes de financement collaboratif, les engagements et des obligations de la SFC, notamment en matière de vérification préalable des projets à financer, de sécurisation des transferts, de protection des contributeurs et d’information du public. Le projet de loi ne manque pas d’établir les plafonds en termes de montants à lever par projet et par contributeurs pour les différentes formes de financement. Dans les milieux associatifs et ceux des startups, la mise en œuvre de cette nouvelle loi est très attendue, d’autant plus que le contexte actuel marqué par la crise économique exacerbe le besoin de ces parties prenantes à recourir à des solutions de financement alternatif comme le crowdfunding.

À ce jour, le Royaume est considéré parmi les premiers pays d’Afrique et de la zone MENA à avoir mis en place un cadre juridique pour réglementer les activités de crowdfunding. Sachant que plusieurs pays de la même région sont en cours d’élaboration de lois locales dédiées à ce nouveau moyen de financement alternatif, le leadership marocain dans ce domaine ne sera réellement acté que lorsque sera publié dans le Bulletin Officiel le décret d’application de la loi N°15.18.

3 questions à Driss Lebbat, web-entrepreneur

Driss Lebbat
Driss Lebbat
« La loi devrait garantir des recours judiciaires efficaces en cas de dérive »
 
CEO de ADK Média et web-entrepreneur, Driss Lebbat a répondu à nos questions sur le potentiel et les défis relatifs aux activités de crowdfunding au Maroc.

- Quels sont le potentiel et l’état des lieux des activités de crowdfunding au Maroc ?
- À ce jour, il n’y a pas eu beaucoup de campagnes de crowdfunding dédiées à des projets au Maroc en raison de l’absence d’un cadre juridique et de plateformes marocaines dédiées. Pour le potentiel, le crowdfunding constitue une véritable opportunité, surtout pour les porteurs de projets intéressants qui n’arrivent pas à se financer dans les circuits classiques. C’est aussi un bon moyen d’impulser les projets de la société civile, surtout concernant les domaines caritatifs, communautaires et sociaux, grâce notamment à la participation de la diaspora marocaine à l’étranger.

- Pensez-vous que le financement participatif basé sur le don se développera plus que les autres formes de crowdfunding ?
- Oui, effectivement, je crois que les activités crowdfunding basées sur les dons seront beaucoup plus importantes que celles basées sur le prêt ou sur des rétributions sous forme d’actions. Pour réussir, le crowdfunding devra cependant s’adapter au contexte local. À cet effet, contrairement aux sites internationaux de crowdfunding, la solution la plus adaptée pour le Maroc serait de voir émerger des plateformes locales très spécialisées.

- Quelles sont, selon vous, les autres mesures à envisager pour une meilleure mise en œuvre du crowdfunding au Maroc ?
- Pour tirer le meilleur profit du crowdfunding, il est nécessaire d’établir un cadre de confiance où les contributeurs ont toutes les garanties que l’argent donné ne sera pas détourné d’une manière ou d’une autre. Pour y arriver, la loi devrait mettre un point d’honneur à responsabiliser les gestionnaires de plateformes et garantir des recours judiciaires efficaces en cas de dérive.

Recueillis par O. A.

Encadré

International : La croissance du crowdfunding influencée par le marché chinois

Alors que les statistiques de l’année dernière sur le crowdfunding mondial montraient un marché en croissance rapide dans toutes les régions du monde, un rapport récemment publié fait état d’une situation plus variée. Les trois pays qui dominent le marché mondial du crowdfunding sont toujours la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni, mais là où ces deux derniers affichent respectivement les taux de croissance impressionnants de 42,4 % et 30,7 %, le volume de financement chinois a pour sa part chuté de -39,9 %.

Cette régression du marché chinois s’explique par une fermeture en cascade des plateformes de prêts de particuliers à particuliers après un durcissement des règles faisant suite à une série de scandales, ce qui a influencé la courbe de l’évolution du marché mondial de crowdfunding qui semble décroître. Il suffit cependant d’observer la courbe du marché mondial hors Chine pour constater que la croissance est toujours au rendez-vous. Malgré ses péripéties, la Chine reste, à ce jour, leader mondial du marché avec une part de 70,7 %, suivie des États-Unis avec 20,0 % et du Royaume-Uni avec 3,4 %. Viennent ensuite des pays comme les Pays-Bas, l’Indonésie, l’Allemagne, l’Australie, le Japon, la France et le Canada, qui ont tous une part de marché nettement inférieure. À noter qu’une étude publiée en juin dernier par des universitaires anglais et norvégiens, démontre que le niveau de développement économique, la pertinence de la réglementation, ainsi que l’avancement de l’infrastructure informatique sont des facteurs déterminants pour le développement des marchés du crowdfunding.

Repères

Quelques chiffres de la finance alternative
Le volume des transactions opérées par la finance alternative dans le monde a atteint 419 milliards de dollars en 2017 avec 359 milliards générés en Chine. Le volume mondial a cependant chuté à 304 milliards de dollars en 2018. Cette baisse s’explique par la forte chute des volumes opérés en Chine (voir article cicontre). Le marché mondial hors Chine a néanmoins continué de croître avec un volume généré par la finance alternative qui a atteint 89 milliards de dollars en 2018, soit une augmentation de 48% par rapport à 2017.
Les dérives du crowdfunding
Dans un ouvrage dédié au sujet, l’auteur Vincent Ricordeau met en garde contre les dérives de certaines plateformes de crowdfunding citant l’exemple du manque de transparence dans les comptes fournis aux internautes, les tendances à confisquer une partie de la propriété intellectuelle chez les labels participatifs ou encorel’usage du crowdfunding par des instituts de micro finance de pays pauvres qui « se refinancent eux-mêmes grâce à l’argent crowdfundé dans les pays riches », tout en facturant des taux d’intérêt très élevés aux emprunteurs locaux.








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