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BEPS: Un Véritable frein au développement en Afrique


Rédigé par Mohamed Elkorri Mercredi 30 Août 2023

The Policy Center for the New South (PCNS) a rendu publique, ce mardi, une étude intitulée "Espace budgétaire dans les économies africaines et érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices (BEPS)". L'étude met l'accent sur les défis liés à l’espace budgétaire en Afrique et examine l’impact du BEPS sur les économies africaines.



Le PCNS examine dans cette étude les facteurs qui exacerbent le BEPS dans la région, notamment l’absence de lois fiscales internationales pertinentes, la dynamique des négociations des conventions fiscales et la capacité limitée de l’administration fiscale. 

"Nous évaluerons également l’impact négatif du BEPS en Afrique et discuterons des initiatives actuelles pour lutter contre le BEPS en Afrique, telles que celles proposées par l’OCDE",  indiquent les auteurs de ladite étude, tout en recommandant des politiques pour accroître l’espace budgétaire et réduire le BEPS en Afrique.

Espace budgétaire

L'étude est axée sur l'espace budgétaire, en le décrivant comme une marge budgétaire qui permet à un gouvernement de fournir des ressources à un objectif souhaité sans aucun préjudice pour la viabilité de la situation financière d'un gouvernement, est une question clé pour les pays africains. "Ce volet revêt une importance particulière pour les pays africains qui s’efforcent de répondre aux besoins urgents de développement, notamment la fourniture d’infrastructures, de services sociaux et de protection de l’environnement.

Malgré ces ambitions, les pays africains sont confrontés à un ensemble unique de défis, en l'occurrence les recettes fiscales limitées, une dépendance à l’égard de l’aide extérieure et la volatilité des prix des matières premières. 

En outre, l’espace budgétaire en Afrique est, alerte le PCNS,  affecté par un autre défi crucial : l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). "Ce phénomène complexe consiste en des pratiques fiscales agressives utilisées par les sociétés multinationales pour réduire artificiellement leurs assiettes fiscales et transférer leurs bénéfices vers des juridictions à faible fiscalité, entraînant une perte de recettes fiscales pour les pays africains et une distorsion de la concurrence économique", lit-on dans l'étude.

L'espace budgétaire, tel que défini par le Fonds monétaire international (FMI), fait référence à "la marge de manœuvre pour entreprendre une politique budgétaire discrétionnaire par rapport aux plans existants sans mettre en danger l'accès au marché et la viabilité de la dette" (FMI, 2018a). A titre d'exemple, l'objectif souhaité peut être d'augmenter les dépenses publiques dans les secteurs sociaux ou productifs, ou de réduire les impôts pour stimuler la demande ou l'offre.

Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices (BEPS)

Le BEPS est le phénomène par lequel les sociétés multinationales utilisent des stratégies fiscales agressives pour réduire artificiellement leurs assiettes fiscales et transférer leurs bénéfices vers des juridictions à faible fiscalité. Le BEPS entraîne une perte de recettes fiscales pour les pays où les multinationales opèrent et une distorsion de la concurrence entre les entreprises nationales et étrangères.

Pour rappel, le concept de BEPS a été popularisé par l'OCDE, qui a lancé en 2013, en coopération avec le G20, un projet de lutte contre le BEPS. L’OCDE a identifié 15 actions pour lutter contre le BEPS, couvrant les aspects juridiques, économiques et administratifs de la politique fiscale internationale (OCDE, 2015).

"Ces actions visent à établir un ensemble unique de règles fiscales internationales pour mettre fin à l’érosion des assiettes fiscales et au transfert artificiel des bénéfices vers certaines juridictions à des fins d’évasion fiscale", synthétisent les auteurs de l'étude.

Le concept de BEPS a également été repris par d'autres organisations internationales, notamment les Nations Unies, le FMI, le Groupe de la Banque Mondiale et le Forum sur l'administration fiscale africaine (ATAF), qui ont développé leurs propres analyses et recommandations sur le BEPS, en tenant compte des spécificités des pays en développement et des pays africains en particulier.

BEPS en Afrique.

Selon l’OCDE, les pratiques BEPS coûtent aux gouvernements entre 100 et 240 milliards de dollars par an en perte de revenus, soit entre 4 et 10 % des recettes mondiales de l’impôt sur les sociétés. Parce que les pays en développement sont plus dépendants de l’impôt sur les sociétés, ils souffrent de manière disproportionnée du BEPS. En fait, tous les pays ne sont pas également affectés par les pratiques BEPS.

La part de l’impôt sur les sociétés dans les recettes fiscales totales est bien plus élevée dans les pays en développement que dans les pays de l’OCDE : par exemple, 58 % en Inde, 66 % en Malaisie, 52 % en Indonésie et 34 % au Maroc, contre 9 % en France et Royaume-Uni.

Les pays en développement étant de plus en plus dépendants de l’impôt sur le revenu des sociétés, leurs recettes fiscales ont continué d’augmenter de manière disproportionnée des pratiques BEPS, entravant le développement durable.

Effets négatifs du BEPS en Afrique.

En Afrique, cette pratique est devenue une préoccupation majeure car elle entraîne la perte de recettes fiscales essentielles au financement des infrastructures publiques et du développement économique. Il n’existe pas de données précises sur l’étendue du BEPS en Afrique en raison du manque d’informations disponibles et comparables sur les activités et les bénéfices des entreprises multinationales.

Cependant, certaines études et rapports ont tenté d’estimer les pertes liées au BEPS pour l’Afrique. Par exemple, selon le rapport 2020 des Nations Unies sur le développement économique en Afrique, les pays africains perdent chaque année environ 88,6 milliards de dollars, soit l'équivalent de 3,7 % de la production économique du continent, à cause de la fuite illicite des capitaux, et environ 2,7 % de leur PIB à cause du BEPS.

"En fait, les pays africains sont victimes du phénomène BEPS depuis des décennies, leurs résidents transférant des fonds vers les pays développés et les paradis fiscaux. Cette perte de recettes fiscales entraîne un sous-financement critique des investissements publics nécessaires à la croissance économique, affectant le financement des infrastructures, notamment les routes, les hôpitaux et les écoles", précise le PCNS dans son étude, ajoutant que  le BEPS porte atteinte à l'intégrité du système fiscal en créant un sentiment d'injustice fiscale, en décourageant le respect des obligations fiscales et en réduisant le respect volontaire des obligations fiscales par tous les contribuables. 

Trois recommandations du PCNS anti-BEPS

1 : il est essentiel que les gouvernements africains favorisent une fiscalité juste et progressive. Cela signifie adopter des politiques fiscales garantissant une répartition équitable de la charge fiscale entre les entreprises et les particuliers à revenus élevés et à faibles revenus, en adoptant des taux d’imposition progressifs. 2 : la promotion de la transparence fiscale est un élément clé de la lutte contre le BEPS. Les pays africains devraient exiger une plus grande divulgation des informations financières des entreprises, notamment en ce qui concerne les bénéfices réalisés, les impôts payés et les activités exercées dans chaque juridiction. 3 : il est crucial de renforcer la coopération régionale et internationale entre les pays africains dans la lutte contre l’évasion fiscale et le BEPS. 

Comment mesurer le BEPS ?

L'OCDE a proposé en 2015 un ensemble d'indicateurs pour mesurer le BEPS, basés sur des données agrégées sur les revenus et les activités des entreprises multinationales. Elle définit six indicateurs BEPS, qui sont des mesures statistiques conçues pour montrer l’existence et l’étendue du BEPS sur la base de différentes sources de données. Ces indicateurs sont regroupés en cinq catégories selon le type de stratégie BEPS qu’ils sont censés refléter :

- La déconnexion entre activité financière et activité réelle : ceci évalue dans quelle mesure les investissements directs étrangers (IDE) diffèrent de la taille de l'économie d'un pays telle que mesurée par le produit intérieur brut (PIB). Cet écart peut indiquer que l’IDE est utilisé pour transférer les bénéfices vers des pays à faible fiscalité plutôt que pour financer des activités productives. En d’autres termes, cet indicateur permet de déterminer si les entreprises utilisent les IDE pour transférer leurs bénéfices vers des pays où les impôts sont très bas, plutôt que d’investir réellement dans des activités qui stimuleraient l’économie locale.

- Différences de taux de profit au sein des grandes entreprises multinationales (EMN) : il s'agit de comparer les taux de profit des entreprises multinationales (EMN) avec leurs taux d'imposition effectifs ou avec les taux de profit moyens de toutes les EMN, ce qui peut révéler des écarts anormaux liés au BEPS.

- Différences de taux d’imposition effectifs entre les multinationales et les non-EMN comparables ; transfert de bénéfices via les actifs incorporels ; transfert de bénéfices par le biais d'intérêts.

 








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