
En décembre 2021, plusieurs supports médiatiques nationaux et internationaux ont annoncé que le Maroc aurait exprimé son intérêt pour les avions de chasse américains F-35, tout en sollicitant la médiation d’Israël auprès de l’Administration Biden pour autoriser la vente de ces avions de chasse furtifs aux Forces Armées Royales. Parmi les entraves d’acquisition du chasseur américain par le Maroc figuraient, selon les mêmes sources, les tensions diplomatiques entre Rabat et certains pays européens, faisant référence à Madrid et Berlin. Sauf que l’équipe du programme F-35 relevant de la société étasunienne Lockheed Martin, contactée par «L’Opinion», nous affirme qu’elle n’a reçu aucune commande de la part du Royaume.
Ceci dit, aujourd’hui, le litige du Maroc avec l’Espagne et l’Allemagne est aplani, rendant l’acquisition des fameux F-35 plausible, d’autant que Rabat progresse vers un partenariat plus avancé avec l’OTAN, surtout après la réussite du dernier exercice «African Lion». Néanmoins, si les contraintes politiques ont été amoindries, d’autres obstacles d’ordre économique s’opposent à l’acquisition de ces avions, dont le coût exorbitant d’exploitation et la cherté de l’entretien. Jugé comme «Le programme d’armement le plus cher de l’Histoire», les F-35 requièrent une enveloppe d’approximativement 42.000 dollars par heure de vol, nous indique un haut responsable du ministère français de la Défense, qui préfère garder l’anonymat.
Ceci alors que le prix unitaire moyen d’un F-35 est estimé à 160 millions d’euros, nous apprend Alain De Neve, analyste de défense au sein du Centre d’études de sécurité et défense (CESD) de l’Institut Royal Supérieur de Défense (IRSD)-Belgique. «Sauf qu’il ne faut pas raisonner en termes de coût unitaire. Ce qui compte c’est l’enveloppe globale dans laquelle s’insère l’appareil», note notre interlocuteur, ajoutant que cette enveloppe comporte le coût d’achat des appareils et l’ensemble des services associés et des coûts de maintenance (hors opérations) de la flotte. Cette enveloppe varie selon les relations commerciales entre le pays acheteur et les Etats Unis, explique Alain De Neve.
Ceci dit, aujourd’hui, le litige du Maroc avec l’Espagne et l’Allemagne est aplani, rendant l’acquisition des fameux F-35 plausible, d’autant que Rabat progresse vers un partenariat plus avancé avec l’OTAN, surtout après la réussite du dernier exercice «African Lion». Néanmoins, si les contraintes politiques ont été amoindries, d’autres obstacles d’ordre économique s’opposent à l’acquisition de ces avions, dont le coût exorbitant d’exploitation et la cherté de l’entretien. Jugé comme «Le programme d’armement le plus cher de l’Histoire», les F-35 requièrent une enveloppe d’approximativement 42.000 dollars par heure de vol, nous indique un haut responsable du ministère français de la Défense, qui préfère garder l’anonymat.
Ceci alors que le prix unitaire moyen d’un F-35 est estimé à 160 millions d’euros, nous apprend Alain De Neve, analyste de défense au sein du Centre d’études de sécurité et défense (CESD) de l’Institut Royal Supérieur de Défense (IRSD)-Belgique. «Sauf qu’il ne faut pas raisonner en termes de coût unitaire. Ce qui compte c’est l’enveloppe globale dans laquelle s’insère l’appareil», note notre interlocuteur, ajoutant que cette enveloppe comporte le coût d’achat des appareils et l’ensemble des services associés et des coûts de maintenance (hors opérations) de la flotte. Cette enveloppe varie selon les relations commerciales entre le pays acheteur et les Etats Unis, explique Alain De Neve.
Le F-35 vaut-il son prix ?
En réponse à cette question, notre source au sein du ministère français de la Défense estime que «non» ! «Cet appareil est assurément un avion capable, mais pas aussi capable que promis au départ. Et surtout, son programme est largement défaillant, et mal conçu dès le départ», indique-t-il, notant que les coûts opérationnels sont très élevés, notamment du fait de la complexité de la chaîne de maintenance, et les coûts supplémentaires pour assurer la mise à niveau technologique sur la vie de l’avion sont encore plus élevés.
En clair, notre expert laisse entendre que l’acquisition de ces chasseurs pourrait avoir des répercussions négatives sur la politique de défense d’un pays, surtout en ces temps de crise, du fait qu’il faudrait trancher des budgets colossaux pour maintenir des avions qui ne seront utilisés que rarement.
Par ailleurs, l’exploitation des F-35 implique un petit investissement infrastructurel pour accueillir et maintenir les avions et durant «toute la durée de vie de l’avion, il faut aussi ajouter le coût de mise à niveau, car après un certain nombre d’années, les systèmes électroniques (détection, protection, communication, etc.) de Prenant l’exemple de la formation des pilotes, notre source au sein du ministère de la Défense française nous explique que ces derniers doivent voler un nombre conséquent d’heures pour gagner en performance, chose qui ne peut être supportée pour les F-35 vu leurs coûts exorbitants de mise en marche.
D’ailleurs, il souligne que face à la difficulté de faire voler le F-35, l’entreprise mère, Lockheed-Martin, préfère promouvoir auprès de ses clients des heures en simulateurs. «C’est cet argument qui a permis à la Suisse d’évaluer le F-35 comme étant moins cher à l’exploitation que le Rafale.
C’est dire qu’un avion est moins cher à posséder qu’un autre du moment qu’on n’aura pas besoin de le faire voler», argumente-t-il. «C’est comme prétendre qu’une Ferrari est moins chère qu’une Peugeot car on la laisse au garage et on ne la sort qu’une fois par an. Mais qui voudrait acheter une voiture pour la laisser au garage ?», dit-il, en mettant en exergue l’importance de tester les avions sur le terrain pour voir réellement leur efficacité.
Quelles que soient les qualités d’un simulateur, aucun pilote n’acceptera l’idée qu’on peut devenir aussi bon en volant moins.
En clair, notre expert laisse entendre que l’acquisition de ces chasseurs pourrait avoir des répercussions négatives sur la politique de défense d’un pays, surtout en ces temps de crise, du fait qu’il faudrait trancher des budgets colossaux pour maintenir des avions qui ne seront utilisés que rarement.
Par ailleurs, l’exploitation des F-35 implique un petit investissement infrastructurel pour accueillir et maintenir les avions et durant «toute la durée de vie de l’avion, il faut aussi ajouter le coût de mise à niveau, car après un certain nombre d’années, les systèmes électroniques (détection, protection, communication, etc.) de Prenant l’exemple de la formation des pilotes, notre source au sein du ministère de la Défense française nous explique que ces derniers doivent voler un nombre conséquent d’heures pour gagner en performance, chose qui ne peut être supportée pour les F-35 vu leurs coûts exorbitants de mise en marche.
D’ailleurs, il souligne que face à la difficulté de faire voler le F-35, l’entreprise mère, Lockheed-Martin, préfère promouvoir auprès de ses clients des heures en simulateurs. «C’est cet argument qui a permis à la Suisse d’évaluer le F-35 comme étant moins cher à l’exploitation que le Rafale.
C’est dire qu’un avion est moins cher à posséder qu’un autre du moment qu’on n’aura pas besoin de le faire voler», argumente-t-il. «C’est comme prétendre qu’une Ferrari est moins chère qu’une Peugeot car on la laisse au garage et on ne la sort qu’une fois par an. Mais qui voudrait acheter une voiture pour la laisser au garage ?», dit-il, en mettant en exergue l’importance de tester les avions sur le terrain pour voir réellement leur efficacité.
Quelles que soient les qualités d’un simulateur, aucun pilote n’acceptera l’idée qu’on peut devenir aussi bon en volant moins.
Mohamed ELKORRI
Trois questions à Alain De Neve
Les enjeux d’un avion de chasse qui déstabilise les budgets des Etats
Analyste de défense au sein du Centre d’études de sécurité et défense (CESD) à l’Institut Royal Supérieur de Défense (IRSD) en Belgique, Alain De Neve répond à nos questions.
Les enjeux d’un avion de chasse qui déstabilise les budgets des Etats
Analyste de défense au sein du Centre d’études de sécurité et défense (CESD) à l’Institut Royal Supérieur de Défense (IRSD) en Belgique, Alain De Neve répond à nos questions.
- Peut-on se faire une idée sur les différents coûts d’exploitation étudiés par l’Etat belge sur ces engins ?
- La décision prise en 2018 par le gouvernement belge d’acquérir 34 exemplaires de l’avion de combat de 5ème génération F-35 Lightning II de l’industriel Lockheed Martin est le résultat de plusieurs années de débats et de tractations.
Comme tout achat d’équipement de défense, celui qui consiste à remplacer une flotte aérienne de combat constitue un exercice délicat basé sur des prévisions de coûts établis avant exploitation. Tout achat d’un équipement technologiquement plus poussé et qualitatif suppose une certaine navigation à vue, même si sur le plan prévisionnel budgétaire, le dossier a été défini au plus près des réalités.
Concrètement, l’achat opéré par la Belgique consiste en la dotation de 34 appareils pour un montant contractuel de 3,8 milliards d’euros. Il faudra ajouter les coûts de l’entretien, des missions opérationnelles et de l’assistance logicielle. Et il est très difficile, voire impossible d’anticiper avec exactitude le montant total de ces coûts que l’on regroupe, parfois abusivement, sous le terme de «coûts opérationnels». Ceux-ci sont estimés à hauteur d’au moins 30.000 euros par heure de vol.
- Combien coûte un F-35, prix unitaire ?
- On peut considérer le prix unitaire moyen d’un F-35 à 160 millions d’euros. Ici aussi, raisonner en termes de coût unitaire ne fait pas réellement sens. Ce qui compte c’est l’enveloppe globale dans laquelle s’insère l’appareil. Cette enveloppe comporte le coût d’achat des appareils et l’ensemble des services associés et des coûts de maintenance (hors opérations) de la flotte. Il est également important de souligner que, dès le lancement du programme aux Etats-Unis, la volonté du Department of Defense (DoD) et de l’industriel fut de verrouiller au maximum les conditions auxquelles les Etats partenaires pourraient contribuer au programme et acquérir celui-ci.
Ceci permet, en partie, d’expliquer pourquoi les différents pays acquéreurs du F-35 ne présenteront jamais des chiffres semblables à propos du montant de leur participation/achat ou des coûts d’exploitation estimés.
- Les F-35 sont présentés avec des systèmes et des logiciels ainsi que des drones qui vont avec. Une idée sur ces accompagnements ?
- S’agissant tout d’abord de la possibilité de combiner F-35 et drones en opérations, il est vrai que des concepts sont à l’étude pour permettre à une unité F-35 d’être en mesure de téléopérer des drones en essaim. Dans le cadre du « Project Carrera », un programme d’exploration technologique de 100 millions de dollars, l’industriel Lockheed Martin étudie la possibilité pour un F-35 de recourir à un groupe de drones dont la mission consisterait à « ouvrir la voie » aux avions de combat, notamment afin de détecter les systèmes de défense antiaérienne de l’ennemi et ainsi permettre aux F-35 de détecter à l’avance les zones à risque.
S’agissant des logiciels, le F-35 Lightning II intègre pas moins de 8 millions de lignes de code source dans son système. Au rythme de progression observé durant ces soixante dernières années, les projections actuelles soutiennent que la prochaine génération d’avion de combat aux Etats-Unis pourrait comprendre entre 50 et 100 millions de lignes de code source.
- La décision prise en 2018 par le gouvernement belge d’acquérir 34 exemplaires de l’avion de combat de 5ème génération F-35 Lightning II de l’industriel Lockheed Martin est le résultat de plusieurs années de débats et de tractations.
Comme tout achat d’équipement de défense, celui qui consiste à remplacer une flotte aérienne de combat constitue un exercice délicat basé sur des prévisions de coûts établis avant exploitation. Tout achat d’un équipement technologiquement plus poussé et qualitatif suppose une certaine navigation à vue, même si sur le plan prévisionnel budgétaire, le dossier a été défini au plus près des réalités.
Concrètement, l’achat opéré par la Belgique consiste en la dotation de 34 appareils pour un montant contractuel de 3,8 milliards d’euros. Il faudra ajouter les coûts de l’entretien, des missions opérationnelles et de l’assistance logicielle. Et il est très difficile, voire impossible d’anticiper avec exactitude le montant total de ces coûts que l’on regroupe, parfois abusivement, sous le terme de «coûts opérationnels». Ceux-ci sont estimés à hauteur d’au moins 30.000 euros par heure de vol.
- Combien coûte un F-35, prix unitaire ?
- On peut considérer le prix unitaire moyen d’un F-35 à 160 millions d’euros. Ici aussi, raisonner en termes de coût unitaire ne fait pas réellement sens. Ce qui compte c’est l’enveloppe globale dans laquelle s’insère l’appareil. Cette enveloppe comporte le coût d’achat des appareils et l’ensemble des services associés et des coûts de maintenance (hors opérations) de la flotte. Il est également important de souligner que, dès le lancement du programme aux Etats-Unis, la volonté du Department of Defense (DoD) et de l’industriel fut de verrouiller au maximum les conditions auxquelles les Etats partenaires pourraient contribuer au programme et acquérir celui-ci.
Ceci permet, en partie, d’expliquer pourquoi les différents pays acquéreurs du F-35 ne présenteront jamais des chiffres semblables à propos du montant de leur participation/achat ou des coûts d’exploitation estimés.
- Les F-35 sont présentés avec des systèmes et des logiciels ainsi que des drones qui vont avec. Une idée sur ces accompagnements ?
- S’agissant tout d’abord de la possibilité de combiner F-35 et drones en opérations, il est vrai que des concepts sont à l’étude pour permettre à une unité F-35 d’être en mesure de téléopérer des drones en essaim. Dans le cadre du « Project Carrera », un programme d’exploration technologique de 100 millions de dollars, l’industriel Lockheed Martin étudie la possibilité pour un F-35 de recourir à un groupe de drones dont la mission consisterait à « ouvrir la voie » aux avions de combat, notamment afin de détecter les systèmes de défense antiaérienne de l’ennemi et ainsi permettre aux F-35 de détecter à l’avance les zones à risque.
S’agissant des logiciels, le F-35 Lightning II intègre pas moins de 8 millions de lignes de code source dans son système. Au rythme de progression observé durant ces soixante dernières années, les projections actuelles soutiennent que la prochaine génération d’avion de combat aux Etats-Unis pourrait comprendre entre 50 et 100 millions de lignes de code source.
Rareté des pièces de rechange
Les moteurs sont notamment connus pour avoir un coût de maintenance très élevé, une disponibilité assez mauvaise, et une durée de vie bien inférieure aux prévisions. Le moteur F-35 de Pratt&Wittney est un moteur exceptionnel : c’est le plus puissant au monde. Mais il est peu able et consomme énormément de carburant, et il est tellement compliqué à entretenir que les chaînes industrielles ont du mal à produire toutes les pièces nécessaires.
C’est la raison pour laquelle la Force aérienne des États-Unis (USAF) a déjà engagé un processus d’acquisition d’un nouveau type de moteur pour le F-35, avec plus d’une décennie d’avance sur les plans originels. Le problème du moteur est qu’il s’use plus vite que prévu et de plusieurs manières, ce qui veut dire que des pièces doivent être changées bien plus tôt qu’on ne l’avait calculé. Or, les chaînes industrielles ne produisant pas ces pièces assez vite, et elles sont donc rares. Ce qui se traduit par le fait que les avions passent beaucoup de temps au sol faute de pièces détachées disponibles.
Expertise d’un académicien
Possession d’un F-35 par un pays émergent
Possession d’un F-35 par un pays émergent
Toute acquisition d’un nouveau matériel de défense, surtout lorsque cela concerne une capacité aussi sophistiquée que celle d’un avion de combat de 5ème génération, suppose une prise de risque nancière et un saut relatif dans l’inconnu, selon notre interlocuteur Alain De Neve, Defence Analyst - Defence Technologies & Military Aerospace chez le ministère de la Défense de la Belgique. «Je dirais qu’il est surtout essentiel pour l’Etat acquéreur de
définir sa vision stratégique, de tenter d’anticiper au mieux possible mais les événements nous montrent souvent que les prédictions s’effondrent face à la réalité, les menaces futures et les réponses qu’il s’agit de formuler», a-t-il souligné.
Il est très rare que ce processus d’introspection et de réflexion ne soit pas parasité par des considérations d’ordre politique – souvent de politique intérieure – ou influencé par des obligations découlant des alliances dans lesquelles un Etat potentiellement acquéreur est inséré, voire intégré.
S’agit-il d’acquérir un avion de combat de dernière génération sur la seule base d’une vision stratégique dé - nie en propre ? Ou de faire un tel choix en raison des choix préalables réalisés par des pays partenaires ? Ou est-il encore question d’acquérir un type spécifique d’armement en fonction des possibilités de financement auxquelles il peut donner lieu ? Tout cela constitue une équation des plus complexes surtout quand on sait que de tels systèmes, moyennant des mises à jour incrémentales en cours de vie, engagent pour une durée minimale de 30 ans.
Faire le choix d’un armement c’est se projeter dans un horizon de long terme qui ne s’avère pas toujours compatible avec les exigences de court terme auxquelles est soumis aujourd’hui le politique.
définir sa vision stratégique, de tenter d’anticiper au mieux possible mais les événements nous montrent souvent que les prédictions s’effondrent face à la réalité, les menaces futures et les réponses qu’il s’agit de formuler», a-t-il souligné.
Il est très rare que ce processus d’introspection et de réflexion ne soit pas parasité par des considérations d’ordre politique – souvent de politique intérieure – ou influencé par des obligations découlant des alliances dans lesquelles un Etat potentiellement acquéreur est inséré, voire intégré.
S’agit-il d’acquérir un avion de combat de dernière génération sur la seule base d’une vision stratégique dé - nie en propre ? Ou de faire un tel choix en raison des choix préalables réalisés par des pays partenaires ? Ou est-il encore question d’acquérir un type spécifique d’armement en fonction des possibilités de financement auxquelles il peut donner lieu ? Tout cela constitue une équation des plus complexes surtout quand on sait que de tels systèmes, moyennant des mises à jour incrémentales en cours de vie, engagent pour une durée minimale de 30 ans.
Faire le choix d’un armement c’est se projeter dans un horizon de long terme qui ne s’avère pas toujours compatible avec les exigences de court terme auxquelles est soumis aujourd’hui le politique.