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Culture

Virginie Efira : « Le cinéma permet de voir le monde à travers quelqu’un d’autre, c’est le miroir des vies »


Rédigé par Yassine Elalami le Lundi 1 Décembre 2025

Invitée du programme « Conversation » du Festival international du film de Marrakech, Virginie Efira revient sur l’attachement durable qui la relie au Royaume, sur son rapport aux cinéastes d’aujourd’hui et sur les nouvelles voies artistiques qu’elle explore. Entre projets internationaux, réflexion sur la place des réalisatrices et quête d’authenticité, l’actrice belge dévoile une pensée claire, exigeante et résolument tournée vers l’avenir du cinéma.



À l’issue de sa participation au programme « Conversation » du Festival international du film de Marrakech, Virginie Efira s’est prêtée à un échange aussi généreux que spontané. Fidèle du rendez-vous marrakchi – « J’ai pris un abonnement, je le renouvelle ! », glisse-t-elle dans un sourire – l’actrice belge revient sur le lien intime qui l’unit au Maroc, son regard sur les cinéastes d’aujourd’hui et les horizons artistiques qu’elle s’apprête à explorer.
 
Si Virginie Efira revient chaque année, ce n’est pas seulement pour l’effervescence du festival : « Je connais le Maroc très, très bien », confie-t-elle. Son enfance bruxelloise l’a plongée au contact de familles originaires de Tanger ou du Rif, nourrissant dès l’adolescence un sentiment de proximité culturelle. Fès, Tanger, le Nord, Marrakech – « où je suis venue 25 fois » – composent une cartographie affective qui accompagne son histoire personnelle.
 
La seule difficulté, plaisante-t-elle, reste « les 12 kilos par jour » que lui impose la cuisine marocaine. « Ce matin, j’ai mangé cinq msemen… Il faut se calmer ! »
 
Pour l’actrice, Marrakech demeure un territoire de découvertes cinématographiques uniques : « Quand on tourne beaucoup, on ne voit pas tout. Ici, tu rencontres des réalisateurs majeurs, tu découvres des films qu’on ne croise pas ailleurs, notamment du continent africain. » Une immersion qui la nourrit artistiquement, même lorsque la timidité la retient d’aborder certains cinéastes qu’elle admire.
 
Une nouvelle phase de jeu : personnages ambigus et comédie retrouvée
 
À l’écran, Virginie Efira s’apprête à ouvrir une nouvelle page. Après une série de rôles empreints de dignité, de force ou de vertu, elle savoure l’idée de revenir à la comédie pour incarner « des filles un peu fourbes, prétentieuses, pas très gentilles ». Un plaisir assumé : se moquer, se décaler, s’éloigner des personnages lisses et explorer d’autres nuances de jeu.
 
Cette transition s’accompagne de projets ambitieux. Elle tourne actuellement avec Asghar Farhadi, « un très grand réalisateur iranien », et revient d’un film dirigé par le Japonais Ryusuke Hamaguchi, oscarisé pour Drive My Car. Une aventure qui lui a même permis d’apprendre le japonais. « Peut-être que j’apprendrai l’arabe aussi », ajoute-t-elle, en reconnaissant que sa fille franco-tunisienne de 12 ans « parle mieux l’arabe qu’elle ».

Virginie Efira et Jodie Foster dans le film "vie privée"
Virginie Efira et Jodie Foster dans le film "vie privée"
Ce que change le regard des réalisatrices
 
Interrogée sur la différence entre travailler avec des réalisateurs ou des réalisatrices, Efira décrit une forme d’identification instinctive lorsque l’origine du récit s’enracine dans une expérience féminine. Elle cite Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski, mais aussi ses collaborations avec Justine Triet, Catherine Corsini ou Alice Winocour.
 
« Avec certaines réalisatrices, on fusionne. J’attrape leur regard, leur façon de penser. Ce sont parfois des récits proches de leur vécu, sans être autobiographiques. » La rencontre avec Justine Triet demeure déterminante : « Elle a changé ma façon de voir ce métier, ma relation aux metteurs en scène. C’est quelque chose que je recherche désormais chaque fois. »
 
L’art comme espace de rapprochement
 
Sur la capacité de l’art à instaurer la paix, l’actrice tempère, mais souligne un pouvoir essentiel : « L’art est un endroit de regard. Le cinéma permet de voir le monde à travers quelqu’un d’autre, de se sentir proche d’une vie qui n’a rien à voir avec la nôtre. » Elle mentionne la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania, dont elle attend le prochain film avec impatience.
 
Évoquant les collaborations entre industries africaines et européennes, l’actrice revient sur les disparités de moyens : « Les possibilités ne sont pas les mêmes partout. Ce que fait la France, en soutenant des films venus d’ailleurs, est précieux. Mais la question est : comment favoriser la création dans les pays où les structures manquent ? »
 
Elle salue enfin la vigueur des cinémas qui émergent malgré les contraintes, comme ceux d’Iran : « Un pays bouleversé peut produire des œuvres immenses, parfois plus denses que dans des contextes démocratiques. C’est une force d’opposition très belle. »
 
L’échange se clôt sur une réflexion sur certains rôles inattendus, notamment celui offert par Rebecca Zlotowski où elle incarne une suicidée : « Je me suis demandé pourquoi elle me voyait comme ça. Moi qui me crois pleine d’allégresse… Mais Rebecca peut me demander tout ce qu’elle veut, je dirai oui. »