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Viandes rouges : Délai triennal pour le redressement du cheptel national


Rédigé par Omar ASSIF Mercredi 15 Février 2023

Après plusieurs crises, la structure nationale de l’élevage a été déséquilibrée entraînant une importante hausse des prix des viandes rouges. Trois années seront nécessaires pour remédier à la situation.



La filière des viandes rouges passe actuellement par une véritable crise dont les conséquences se sont répercutées sur les prix qui ont ainsi enregistré des hausses significatives. Une situation qui avait été prédite par M. M’hammed Karimine, président de la Fédération Interprofessionnelle des Viandes Rouges (FIVIAR) qui, en février 2022, nous expliquait sur ces mêmes colonnes : « Nous avons remarqué qu’une partie très conséquente des animaux réceptionnés par les abattoirs sont des femelles. Cela explique la tendance à la baisse des prix de la viande (à l'époque NDLR), mais ça ne sera pas sans conséquences… À ce jour, nous avons un cheptel de reproduction stable avec lequel nous arrivons à satisfaire la demande nationale. Cependant, si on baisse de 20% le cheptel de femelles, cela ne manquera pas de se répercuter sur l’offre l’année prochaine et encore plus sur celle de l’année d’après ». Ce déséquilibre du cheptel de reproduction s’est finalement concrétisé sous forme d’une baisse de 25% des femelles entre 2019 et fin 2022.
 
Déséquilibre de la chaîne

La hausse des prix et la baisse des nombres de femelles du cheptel ne sont cependant que les symptômes d’un mal plus profond : une véritable déstructuration de la chaîne de valeur de l’élevage et des viandes rouges. « La filière et les éleveurs auraient pu résister à une crise. C’est déjà arrivé et les choses avaient fini par revenir à la normale. Le problème est que les éleveurs ont dû subir 4 événements majeurs dont la succession a fini par altérer la structure de l’élevage. En 2019, nous avions eu le boycott, notamment de produits laitiers, ce qui avait poussé beaucoup d’éleveurs à vendre leurs vaches aux abattoirs. En 2020, c’était la pandémie qui avait causé une baisse drastique de la demande, notamment celle issue du secteur du tourisme, de la restauration ou de l’événementiel. 2021 a été marquée par une sécheresse qui a été extrêmement exacerbée en 2022. À cela s’ajoute le contexte géopolitique, notamment la guerre en Ukraine, où l’on a vu exploser les prix des aliments et des hydrocarbures », explique la même source.

 
Outil productif, mais fragile
 
La filière des viandes rouges avait pourtant enregistré des records depuis le lancement du Plan Maroc Vert en 2008. « Avec la même structure d'élevage, nous avons pu passer d’une production de 450.000 tonnes de viandes rouges par an en 2008 à 606.000 tonnes en 2018. Cela a pu se faire grâce notamment à l’amélioration génétique et à la formation des éleveurs afin qu’ils puissent avoir une meilleure efficience productive. Nous sommes ainsi passé d’un poids moyen par carcasse de 180 kg à un poids moyen de 285 kg en 10 ans, ce qui n’a pas été fait en 40 ans avant 2008 », explique le président de la FIVIAR, qui estime que les efforts actuellement déployés par les autorités concernées permettront un retour à la normale. Le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohammed Sadiki, a en effet affirmé, vendredi dernier à Rabat, que la hausse des prix des viandes rouges, enregistrée récemment, est « passagère » et que les prix commenceront à baisser progressivement avant le mois de Ramadan.

 
3 ans pour rééquilibrer le cheptel
 
Parmi les mesures mises en place par le gouvernement, la suppression des taxes de douanes ainsi que l’encouragement de la procédure d’importation des bovins destinés à l’abattage d’Europe et d’Amérique latine. Ainsi, près de 200.000 têtes de bovins domestiques destinées à l’abattage seront importées jusqu’au 31 décembre 2023. À ces mesures, s’est ajoutée l’annonce de suppression de la TVA sur ces importations, ce qui a permis d’impulser les commandes depuis quelques jours et de voir un début de baisse des prix. « Avec les mesures mises en place, je pense que les prix vont bientôt progressivement baisser puis revenir et se maintenir à leur niveau normal. Dans une dizaine de jours, je pense que les prix reviendront à 80 dirhams pour les viandes de bovins et 85 pour les ovins. Cela dit, pour rééquilibrer le cheptel national, il faudra trois ans environ. Cela est dû au fait que cette dynamique devra également être accompagnée par un programme d’insémination artificielle, dont le fruit en termes de vaches adultes de reproduction ne pourra voir le jour que dans ce délai-là », conclut M. Karimine.

 
Omar ASSIF

 

3 questions à M’hammed Karimine, président de la FIVIAR

« Quand le lait n’est plus vendu, ou que les prix des aliments pour le bétail explosent, l’éleveur se retrouve dans une situation où il est doublement perdant »

Président de la Fédération Interprofessionnelle des Viandes Rouges (FIVIAR), M. M’hammed Karimine répond à nos questions sur la situation actuelle de la filière.


Vous aviez prédit les augmentations des prix qui ont été depuis enregistrées. Aviez-vous alerté les autorités concernées à cette époque ?
Effectivement, j’avais alerté le ministère, il y a un peu plus de 9 mois par rapport à cette problématique et des conséquences possibles sur les prix. J’avais alors demandé deux actions : d’abord faire en sorte de protéger la structure d’élevage en interdisant l’abattage des femelles tout en aidant les éleveurs pour qu’ils ne soient pas contraints de vendre leurs vaches. Il faut savoir que les vaches laitières ont toujours été commercialisées dans les souks, mais elles ne faisaient que changer de main. Là, les crises successives ont poussé les éleveurs à les vendre aux abattoirs… La deuxième action, est d’importer l’équivalent de 25% de l’abattage au niveau national (200.000 têtes environ), ce qui sera le cas cette année.

Comment se fait-il qu’un éleveur soit obligé de vendre une vache laitière productive aux abattoirs ?
Disons qu’en temps normal, les bénéfices tirés de la vente du lait sont à 50% réinvestis dans les charges liées à l’élevage et 50% sont des bénéfices propres pour l’éleveur. Quand le lait n’est plus vendu, ou que les prix des aliments pour le bétail explosent, l’éleveur se retrouve dans une situation où il est doublement perdant. Les éleveurs adorent leurs vaches, mais dans ce cas de figure, ils n’ont pas d’autres choix que de les vendre pour abattage.

L’importation de 200.000 têtes ne risque-t-elle pas de concurrencer la production nationale ?
Cela aura trois impacts dont un est négatif et deux sont positifs. Il est vrai que cette importation exceptionnelle va créer une concurrence avec la production nationale. Cela dit, elle permettra également de diminuer la pression sur le cheptel femelle, comme ça permettra également de maintenir des prix raisonnables pour les consommateurs. Je pense que le ministère de l’Agriculture mettra en place une initiative pour aider les éleveurs marocains à travers des aliments concentrés usinés pour le bétail afin de les aider à faire de la rétention (ne pas vendre leurs bêtes femelles, NDLR).

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Procédure : Un cahier des charges dédié à l’opération d’importation des bovins

L’importation des 200.000 têtes de bovins domestiques destinés à l’abattage sera réalisée en plusieurs tranches et sera soumise à une demande de franchise douanière. Seuls les importateurs qui exercent l’activité d’importation des bovins et les abattoirs privés agréés pourront procéder à ces importations qui se feront sur plusieurs tranches dont chacune fera l’objet d’un avis définissant les effectifs à importer. Le cahier des charges, élaboré par le ministère de l’Agriculture qui fixe les modalités de cette opération exceptionnelle, souligne que toutes les races bovines domestiques, mâles et femelles, seront concernées et devront être marquées par des boucles portant leur numéro d’identification établi selon le système et le code officiel en vigueur dans le pays d’origine. De plus, chaque numéro d’identification doit figurer sur le document d’accompagnement de l’animal. La même source précise par ailleurs que les bovins domestiques importés doivent répondre aux conditions sanitaires définies par l’Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), conformément au code de procédure sanitaire pour l’importation des bovins domestiques destinés à l’abattage. Les bovins domestiques importés seront soumis au contrôle de conformité zootechnique au niveau des lazarets sanitaires agréés par l’ONSSA. À chaque arrivage de lots de bovins importés, la Commission de contrôle de conformité zootechnique programmera leur passage de réception et de contrôle de conformité, dans un délai maximum de 24 heures.

Consommation : Evolution des moyennes et modes de consommation des viandes rouges

Contribuant à la garantie de la sécurité alimentaire du pays en assurant la satisfaction de près de 98%, la filière viandes rouges joue un rôle très important aux plans économique, social et nutritionnel. Le développement de la filière a permis la création de 44 millions de journées de travail à tous les niveaux de la chaîne de valeur de la filière. Le secteur des viandes rouges joue également un rôle principal dans l’approvisionnement du secteur de l’industrie et de l’artisanat en matière première (laine et cuir). Ainsi, entre 2008 et 2019, l’augmentation de la production nationale en viandes rouges a donné lieu à une évolution de la consommation moyenne des viandes rouges qui a atteint près de 17,2 kg/habitant/an. « La filière a noué une relation particulière avec le consommateur grâce à l’amélioration de la qualité et en favorisant l’émergence de marques de boucherie modernes. On peut dire aujourd’hui que, grâce à cela, on mange la viande différemment », estime M’hammed Karimine, président de la FIVIAR.








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