Face à une précarité croissante, la question des retraités au Maroc s’impose comme un véritable défi social. C’est dans ce contexte qu’une rencontre nationale s’est tenue le 23 juin 2025 à Rabat, réunissant syndicalistes, juristes et représentants de la société civile pour examiner les leviers possibles en faveur des droits fondamentaux des retraités. Initiée par l’Union Générale des Travailleurs du Maroc, en collaboration avec le Forum marocain des retraités, cette journée d’échange s’est articulée autour du thème : « Quel renforcement pour les droits légitimes des retraités ? ».
Les travaux ont été ouverts par le Secrétaire Général de l’UGTM, Enaam Mayara, qui a exprimé son inquiétude face à la situation critique des retraités dans le pays. Il a déclaré que “ la question des retraités au Maroc constitue l’un des grands dossiers sociaux en suspens qui mérite une attention particulière. Aujourd'hui, cette frange importante de la population continue de faire face à des indicateurs préoccupants, notamment la faiblesse du pouvoir d’achat et l’insuffisance flagrante des indemnités versées après le départ à la retraite”.
Il a estimé que ce dossier doit être abordé non seulement sous un angle social, mais aussi dans une perspective plus large en tenant compte du fait qu'environ 600.000 citoyens et citoyennes ont été admis à la retraite ces dernières années. Or, avec la hausse continue des prix, beaucoup d’entre eux ont perdu la capacité de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Il a affirmé que l’UGTM s’engage fermement à défendre ce dossier avec détermination, que ce soit dans le cadre législatif ou à travers le dialogue social avec le gouvernement. Il a insisté sur le fait qu’il s’agit d’un dossier prioritaire, à forte portée humaine et sociale.
Les constats dressés durant cette journée d’étude sont sans appel. Les retraités souffrent d’un pouvoir d’achat dégradé, de pensions qui ne suivent pas l’inflation, et d’une absence de mécanismes automatiques de revalorisation. Le Forum marocain des retraités considère que l’absence d’augmentation des pensions pendant plusieurs années est une forme de maltraitance sociale. Il dénonce aussi le manque de lois claires pour protéger les personnes âgées dans les politiques publiques.
Parmi les recommandations émises figure la création d’un Conseil national des personnes âgées, tel que préconisé par des instances internationales comme le Conseil des droits de l’Homme et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. D’autres revendications portent sur la nécessité d’assurer une représentation équitable des retraités au sein des instances de gouvernance des caisses de retraite. Leur exclusion actuelle est perçue comme un frein à la défense de leurs intérêts.
Sur le plan fiscal, les retraités ont salué l’exonération des pensions de l’impôt sur le revenu, prévue par la loi de finances 2025. Toutefois, cette mesure reste insuffisante dans la mesure où plus de 90% des pensions étaient déjà en deçà du seuil imposable. Cette situation met en lumière une réalité préoccupante, à savoir que cette exonération n’est pas un privilège mais le reflet d’un pouvoir d’achat extrêmement bas. Les retraités se retrouvent ainsi exclus des retombées du développement économique national.
La stagnation des pensions face à l’envolée des prix relance une interrogation fondamentale. L’augmentation des retraites est-elle réellement impossible ? Le Forum marocain des retraités rappelle que les textes législatifs et réglementaires prévoient bel et bien cette possibilité. Ce qui fait défaut, c’est la volonté politique de les mettre en œuvre. Le colloque a ainsi permis de formuler plusieurs pistes de réflexion en vue d’une réforme structurelle et durable, afin que la question du pouvoir d’achat ne reste pas une impasse entre dispositions juridiques existantes et blocages pratiques.
Les syndicats exigent désormais que le gouvernement dévoile clairement son projet de réforme des retraites. Jusqu’à présent, les contours de cette réforme restent flous, suscitant la crainte qu’elle se limite à une standardisation de certains régimes au détriment des travailleurs et des usagers des services publics. L’approche actuelle, jugée unilatérale, marginalise les centrales syndicales qui se disent écartées du processus de concertation. Dans ce contexte, la mobilisation autour de la défense des droits des retraités prend une importance stratégique et s’impose comme l’un des grands chantiers sociaux à venir.