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International

Soudan: La guérilla des généraux


Rédigé par L'Opinion Dimanche 16 Avril 2023

Les deux généraux aux commandes depuis le putsch de 2021, hier alliés, s'affrontent à présent dans les rues de Khartoum. Au moins trois civils ont été tués.



La capitale soudanaise est secouée par des tirs et explosions samedi soir à l'issue d'une journée de combats meurtriers de rue, de raids aériens et de menaces par médias et réseaux sociaux interposés des deux généraux aux commandes du Soudan depuis le putsch de 2021.

A Khartoum, où plus personne ne s'aventure hors de chez-elle, des colonnes de fumées s'élèvent au-dessus des sièges des paramilitaires, comme de l'aéroport international, alors que se multiplient les appels en ligne aux volontaires évoquant "un grand nombre de blessés dont certains grièvement", en plus des trois morts d'un premier bilan annoncé par le syndicat des médecins.

Les appels au cessez-le-feu - lancés par l'ONU, Washington, Moscou, Paris, Rome, Ryad, l'Union africaine, la Ligue arabe, l'Union européenne et même par l'ancien Premier ministre civil Abdallah Hamdok - n'y font rien.

Les paramilitaires "ne s'arrêteront pas avant d'avoir pris le contrôle de l'ensemble des bases militaires", a menacé, parlant vite et fort au téléphone sur la chaîne al-Jazeera, leur commandant, le général Mohamed Hamdane Daglo, dit "Hemedti".

En soirée, sur la chaîne émiratie Sky News Arabia, il a redit avoir été "forcé" de réagir. "Ce n'est pas nous qui avons commencé", a-t-il martelé. "Il faut que Burhane le criminel se rende", a-t-il dit alors que des tirs résonnaient autour de lui. "On devrait l'avoir dans les heures qui viennent".
Ses Forces de soutien rapide (FSR) - des milliers d'ex-miliciens de la guerre du Darfour devenus supplétifs de l'armée - ont dit avoir pris l'aéroport international et le palais présidentiel.
 
L’impossible retour aux négociations

Le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, lui, n'est pas apparu depuis le matin, mais assure par communiqué avoir été "surpris à neuf heures du matin" par une attaque de son QG par les FSR, son ancien meilleur allié que l'armée qualifie désormais de "milice soutenue par l'étranger" pour mener sa "trahison".

L'armée, elle, a publié sur sa page Facebook un "avis de recherche" contre Hemedti. "Ce criminel en fuite est recherché par la justice", lit-on sur le montage photo, alors qu'un autre communiqué annonce la dissolution des FSR, appelant tous ces hommes à se rendre.
Des deux côtés, finies les négociations feutrées sous l'égide de diplomates et autres discussions policées, l'armée a mobilisé ses avions pour frapper - et "détruire", dit-elle - des bases des FSR à Khartoum.

Quant aux appels à revenir à la table des négociations, l'armée a répondu que c'était "impossible avant la dissolution des FSR".
Ces dernières appellent depuis le matin les 45 millions de Soudanais et même les militaires à "se rallier à elles" et à se retourner contre l'armée.

Les habitants, eux, sont cloîtrés chez eux. "J'allais au travail ce matin mais dès que j'ai entendu les coups de feu, je suis rentré chez moi", raconte à l'AFP Bakry, 24 ans.
"Tout le monde avait peur et courrait vers sa maison. Les rues se sont vidées d'un coup" a ajouté cet employé du secteur privé. "On n'avait jamais vu ça".
Egalement à l'abri à Khartoum, l'ambassadeur américain John Godfrey a tweeté un "appel aux hauts commandants militaires à cesser immédiatement de se battre".
 
Bataille pour le contrôle des médias étatiques

Selon un premier bilan du syndicat officiel des médecins, trois civils ont été tués - deux à Khartoum et un à El-Obeid (sud).
Les deux camps s'affrontent toujours pour le contrôle du siège des médias d'Etat, selon des témoins.

Lors du putsch, Hemedti et Burhane avaient fait front commun pour évincer les civils du pouvoir. Mais au fil du temps, Hemedti n'a cessé de dénoncer le coup d'Etat.
Récemment même, il s'est rangé du côté des civils - donc contre l'armée dans les négociations politiques - bloquant les discussions et donc toute solution de sortie de crise au Soudan.

Depuis des jours, la rue bruissait de rumeurs sur une guérilla imminente entre les deux camps, alors que des convois de blindés des FSR convergeaient vers Khartoum chaque jour.
L'armée dément la prise de l'aéroport mais assure que les FSR s'y sont "infiltrées et ont incendié des avions civils, dont un de la Saudi Airlines". La compagnie à Ryad a précisé qu'un de ses appareils avait été endommagé par des tirs à l'aéroport de Khartoum.
Une vidéo publiée samedi par les FSR sur Twitter montre des hommes en uniformes présentés comme "des soldats égyptiens qui se sont rendus avec des militaires soudanais" aux FSR dans la base militaire de Méroé (nord).

Le porte-parole de l'armée égyptienne a dit "suivre la situation" confirmant dans un communiqué "la présence de forces égyptiennes" au Soudan.
"Ils sont en sécurité et seront remis à l'Egypte", a assuré Hemedti à Sky News Arabia.
Pour les experts, les deux commandants n'ont cessé ces derniers jours de faire monter les enchères alors que les civils et la communauté internationale tentent de leur faire signer un accord politique censé relancer la transition démocratique.

 

56 civils tués et 595 blessés

Le Comité central des médecins soudanais (non gouvernemental) a annoncé, dimanche, que les affrontements entre l'armée et les Forces de soutien rapide ont fait 56 morts parmi les civils et 595 blessés, dont des soldats, selon  un communiqué publié par le Comité.
D'après le communiqué, des civils ont succombé à leur blessure car ils n'ont pas pu être transférés aux hôpitaux et établissements de santé, en raison de la difficulté de déplacement. Les ambulances, selon la même source, ont été empêchées de secourir les blessés jusqu'à leur décès.

Dimanche à l'aube, le Comité du Syndicat des médecins soudanais a annoncé, dans un précédent bilan, que le nombre des victimes est passé à 27 morts, alors qu'un rapport interne des Nations Unies publié samedi soir, a signalé au moins 30 morts et près de 400 blessé.

Les parties prenantes au processus politique au Soudan ont annoncé que la signature d'un accord final serait reportée sine die, en raison de la poursuite des tractations entre les militaires.
Déjà repoussée une première fois le 1er avril, la signature de l’accord de transition au Soudan, prévue le 6 avril, a été reportée une deuxième fois en raison de la reprise des pourparlers entre militaires.