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Sahara marocain: Histoire d’une pondération de la droite française [INTÉGRAL]


Rédigé par Anass MACHLOUKH Lundi 8 Mai 2023

La droite dite « républicaine » en France a proclamé officiellement son soutien à la marocanité du Sahara. Résultat d’une évolution historique de la position de la droite française concernant l’intégrité territoriale du Maroc. Flashback.



Ph: Nidal
Ph: Nidal
Au moment où le Maroc et la France sont dans une crise silencieuse qui dure depuis des années, la droite française est insatisfaite de l’état actuel de « l’axe Paris-Rabat » qu’on croyait inébranlable, malgré les tempêtes. Le président des « Républicains », Éric Ciotti, a éprouvé le besoin de venir visiter le Maroc afin d’apaiser la tension en s’adressant à la classe politique marocaine, très déçue de la politique d’Emmanuel Macron qui, en l’espace d’un quinquennat, a plongé l’amitié franco-marocaine dans l’incertitude. Ciotti, qui dirige la droite dite républicaine, n’est pas venu seul et a ramené avec lui des poids lourds de sa formation politique, dont l’ex-ministre de la Justice, Rachida Dati, connue pour son amour inconditionnel du Maroc, en dépit de ses origines algériennes.

Le député des Alpes maritimes a choisi de s’adresser directement aux piliers de la majorité gouvernementale marocaine dont il partage le positionnement politique. Après avoir rencontré le patron du Rassemblement National des Indépendants (RNI), Aziz Akhannouch, il a rendu visite au Secrétaire Général du Parti de l’Istiqlal, Nizar Baraka, avec lequel il a eu des discussions approfondies sur les relations franco-marocaines. Ciotti est venu parler avec ses homologues marocains sans trop user de langue de bois. Il a reconnu que les relations sont actuellement au plus bas et dans un état déplorable.  « Aujourd’hui, ne le cachons pas, les relations sont mises quelque peu en difficulté et nous devons travailler ensemble pour qu’elles soient restaurées et retrouvent la qualité qu’elles n’auraient jamais dû perdre », a-t-il plaidé dans une déclaration à la presse.
 
Sahara marocain : plus l’ombre d’un doute !

Evidemment, Éric Ciotti et ses camarades républicains ne pouvaient venir bredouilles et semblent avoir été conscients de la nécessité de faire une déclaration retentissante sur l’un des sujets qui intéressent le plus les Marocains et qui, en vérité, constitue l’une des causes majeures de la brouille diplomatique entre Rabat et Paris.  Dès le premier jour de sa visite au Maroc, le leader de la droite française a exprimé son plein soutien à la marocanité du Sahara. De son point de vue, la souveraineté du Royaume sur ses provinces du Sud est « indiscutable ». Éric Ciotti voit dans l’essor économique que connaissent les provinces du Sud une preuve supplémentaire de l’intérêt qu’y porte le Royaume et de la légitimité de sa cause nationale. Pour cela, il juge logique que la France soutienne exclusivement le Plan d’autonomie à l’instar des Etats-Unis, de l’Espagne, des Pays-Bas, et d’autres pays européens.
 
Une évolution historique !

En effet, les déclarations de Ciotti sur le Sahara sont inédites de la part d’un responsable français et couronnent une évolution historique de la position des héritiers du gaullisme sur ce sujet. La droite française, qui a donné cinq présidents à l’Hexagone, dans la cinquième république, est connue historiquement pour avoir eu des relations étroites avec le Maroc. Or, les choses n’ont pas été toujours faciles. En 1963, nous sommes à l’apogée du gaullisme. Le Maroc et l’Algérie sont en pleine guerre des Sables. En dépit de son amitié avec feu Mohammed V, son compagnon de libération, et feu Hassan II, Charles De Gaulle avait préféré jouer le double jeu. Dans son livre «C’était De Gaulle », son compagnon de route, Alain Peyrefitte, a clairement montré une posture négative du Général. « Ce sont des histoires d'Arabes ! Le Maroc voudrait Tindouf pour faire tomber la Mauritanie. Notre intérêt est au contraire dans le statu quo des frontières, de manière que la Mauritanie tienne le plus longtemps possible », a-t-dit à l’époque, confiant qu’il faut laisser les deux pays « s’entretuer ». Ensuite, les relations se sont tellement détériorées qu’elles ont été au bord de la rupture sur fond de l’affaire Ben Barka. Avec le successeur de De Gaulle, Georges Pompidou, les choses se sont améliorées, et les relations ont repris leur cours normal dès 1969.

Giscard, une posture bienveillante et des armes conte le polisario

Pendant le mandat de Valéry Giscard d’Estaing, l’entente et l’amitié personnelle entre le Roi Hassan II et le locataire de l’Elysée ont poussé les relations à leur zénith. C’est à cette époque que s’est déclenché le conflit artificiel du Sahara. VGE, comme on le surnomme, ne manifestait aucune sympathie pour le polisario. En plus d’avoir soutenu les accords de Madrid, Paris n’a pas hésité à déclencher l’opération « Lamantin », de 1977 à 1978, où les forces françaises ont repoussé les milices polisariennes loin de la Mauritanie. En plus du soutien informel au Maroc lors de la Marche Verte, la France fournissait un soutien militaire précieux au Royaume lors des premières années de la guerre du Sahara. Hassan II avait reconnu, dans l’émission "Face au public", le 1er mars 1980, que les mirages F1 étaient d’une grande utilité sur le terrain.
 
Chirac : première voix de soutien à l’autonomie

Avec Jacques Chirac, il y avait aussi une lune de miel et les relations franco-marocaines n’avaient jamais été aussi cordiales. Dès 2001, Chirac avait utilisé l’expression « provinces du Sud marocain », même si la France restait alignée sur le processus politique des Nations Unies. Tout en continuant à plaider pour une solution politique mutuellement acceptable, la France, pendant le mandat de Chirac, soutenait la position du Maroc. « Vous connaissez la position de la France dans cette affaire (…) qui consiste à soutenir la position du Maroc. Pour toute une série de raisons sur lesquelles je ne reviens pas », avait indiqué le président, lors d’une conférence de presse tenue le 11 octobre 2003 à Rabat.
 
Sarkozy : un soutien et une amitié conditionnés !

C’est Chirac lui-même qui a été le premier à soutenir le plan d’autonomie présenté par le Maroc, en avril 2007. Il l’a qualifié de « constructif » avant même qu’il ne soit révélé lors d’une rencontre informelle avec une délégation marocaine, présidée par le ministre de l’Intérieur, Chakib Benmoussa. Le successeur de Chirac, Nicolas Sarkozy, a maintenu cette ligne de conduite en continuant de soutenir ce plan au Conseil de Sécurité. Or, ce soutien n’était pas sans contrepartie, puisque Paris exigeait souvent des positions privilégiées dans des marchés publics au Maroc, dont on citera et non des moindres celui du TGV et du tramway.
 
Anass MACHLOUKH 

 

Trois questions à Anas Abdoun « La France voit le dossier du Sahara avec les lunettes du passé »

Sahara marocain: Histoire d’une pondération de la droite française [INTÉGRAL]
Anas Abdoun, analyste géopolitique spécialiste du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, a répondu à nos questions.
 

Pourquoi, à votre avis, la France ne prend-elle pas une position plus audacieuse sur la question du Sahara, comme souhaité par le Maroc ?
Dans le cas français, il apparaît que le prisme par lequel l'Élysée analyse les relations internationales est toujours figé dans l’Histoire. Paradoxalement, ce sont parfois les pays qui nous connaissent le mieux, qui voient le moins le changement que l’on a opéré dans le dossier du Sahara. Les Américains, les Allemands, les Espagnols et bien d‘autres encore voient le Maroc à travers ses réformes, son ambition, son potentiel mais aussi ses lacunes et ses faiblesses bien sûr, là où la France ne nous voit uniquement qu’à travers ses lunettes du passé.

Peut-on s’attendre à une reprise du dialogue à ce sujet, vu les nombreuses voix françaises qui appellent à tourner la page de la crise ?
Le Maroc est tout à fait prêt à entamer un dialogue sincère sur le fond des problèmes qui rongent nos relations bilatérales. Le Royaume a démontré à plusieurs reprises qu'il privilégie toujours le dialogue, à l’image de ce qui s’est passé quant aux différends qui nous ont opposé à Madrid et à Berlin par le passé.

Qu’est-ce qui manque actuellement pour que le dialogue reprenne avec la France ?
Aujourd’hui, après la dernière tournée africaine du président Macron qui, objectivement, a été un fiasco, la diplomatie française ne semble pas savoir comment réagir face à l’afflux des puissances en Afrique qu’elle considère comme allant de pair avec sa perte d’influence.

Personnellement, je trouve que seule une prise de conscience des nouveaux équilibres de puissances et un changement de paradigme dans les relations avec le Maroc permettront d’initier un dialogue et sortir peut-être de ce froid diplomatique.
 
Propos recueillis par A.M.

L’info...Graphie


Gauche française Des voix pro-marocaines à contre-courant

Il va sans dire que le Maroc a toujours eu des rapports plus ou moins compliqués avec la gauche française. Les rapports compliqués que le Maroc avait eus avec les présidents François Mitterrand et François Hollande en sont la preuve. Ce à quoi s’ajoute l’hostilité profonde de quelques partis, tels que le Parti Communiste et les Verts, vis-à-vis des intérêts du Royaume, surtout en ce qui concerne la question du Sahara. Or, il y a des voix au sein de la famille de la Gauche qui éprouvent plus de sympathie à l’égard du Royaume. L’exemple du Chef de file de la « France Insoumise », Jean Luc Mélenchon, est intéressant. Bien qu’il soit gauchiste invétéré, l’ex-candidat aux élections présidentielles n’a pas manqué de manifester sa sympathie pour le Maroc pendant la campagne présidentielle de 2022.

Sur le plateau de France 2, lors de l'émission politique "Elysée 2022", le natif de Tanger a surpris tout le monde en faisant part de sa volonté que le Maroc soit le pays de sa première visite à l’étranger s’il venait à être élu. Mélenchon a multiplié les gestes amicaux à l’endroit du Maroc en le défendant contre les accusations d’espionnage (Pegasus). 

En effet, au sein de la « France insoumise », Mélenchon n’est pas seul à éprouver de la sympathie pour le Maroc. N’oublions pas que le siège de la 9ème circonscription des Français établis hors de France est occupé par Karim Bencheikh qui a publiquement soutenu le Plan d’autonomie pour le Sahara. 
 

Sahara: Peut-on compter sur la droite française ?

Historiquement, dans la famille de Droite, plusieurs figures emblématiques ont cru à l’idée de la marocanité du Sahara. Tout le monde se souvient de la visite privée de l’ex-ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, à Laâyoune, en 1994, qui avait irrité le polisario. Un geste qui illustrait à quel point les grands ténors de la Droite gaulliste étaient proches du Maroc. Pour défendre sa cause nationale, le Royaume pouvait compter sur l’appui de plusieurs personnalités, telles que l’ex-président de l’Assemblée nationale, Philippe Séguin, Michel Jobert, et d’autres. Même, il y a quelques années, le Maroc pouvait compter sur l’appui de voix audibles à l’Assemblée nationale, comme Luc Chatel, Pierre Lellouche et Jean Louis Borloo. Maintenant, les « Républicains » sont tout ce qui reste du gaullisme. Mais, ils sont en déclin sur la scène politique après les nombreuses débâcles électorales. Force est de rappeler que la candidate des LR, Valéry Pécresse, a réalisé le piètre score de 4,78% lors des élections présidentielles de 2022.  Idem pour les élections législatives où les camarades de Ciotti ont obtenu moins de sièges que le Rassemblement National. Le RN ne cesse de prendre de l’avance à droite de l’échiquier politique. Un parti qui se montre conciliant à l’égard du Maroc, vu l’attitude positive des eurodéputés, dont Thierry Mariani, qui ont voté contre la dernière Résolution hostile du Parlement européen.