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Sahara : Vers l’ancrage de la position américaine ?


Rédigé par Amine ATER Mercredi 20 Janvier 2021

L’administration Trump aura passé ses derniers jours de mandat à défendre la marocanité du Sahara. Un mouvement diplomatique intense qui a culminé avec la lettre de Kelly Craft, représentante des États-Unis à l’ONU au Conseil de Sécurité. Une position qui devrait être reprise par la prochaine équipe au pouvoir.



Sahara : Vers l’ancrage de la position américaine ?
A quelques heures de la fin de mandat de l’administration Trump, la diplomatie américaine a distribué le texte de Proclamation du président sortant reconnaissant la souveraineté marocaine sur son Sahara aux 193 États membres de l’ONU. Un geste symbolique fort qui a été accompagné par une lettre de l’ambassadrice et représentante permanente des ÉtatsUnis auprès des Nations Unies, Kelly Craft. Une correspondance adressée au président du Conseil de Sécurité et au Secrétaire général de l’ONU, où la diplomate américaine a souligné que la proposition marocaine d’autonomie reste « le seul fondement d’une solution juste et durable au différend portant sur le territoire du Sahara».  

La publication de cette lettre s’inscrit dans l’intense activité diplomatique déployée conjointement entre Rabat et Washington, depuis la proclamation historique du 10 décembre dernier. Preuve en est, en quelques semaines un consulat à Dakhla a été inauguré, l’évolution de la position américaine a été exprimée et défendue à Alger par David Schencker sous-secrétaire d’État américain en charge du Proche Orient et d’Afrique du Nord et une conférence internationale de soutien à l’initiative d’autonomie a été co-organisée par les diplomaties marocaines et américaines. 

Une véritable course contre la montre engagée par les deux partenaires pour susciter un maximum d’adhésion internationale autour de la question, à l’approche de la fin de mandat de Donald Trump et l’entrée en fonction de Joe Biden. A l’heure où nous écrivons ses lignes, les équipes du président sortant avaient déjà vidé leurs bureaux à la Maison Blanche, laissant quelques postits au staff de la nouvelle administration. Les États-Unis vivent en effet une passation de pouvoir inédite, marquée par les émeutes devant le Capitole et le déploiement de la Garde nationale dans les principales artères de la capitale fédérale. 

Un climat intérieur délétère qui fait craindre pour certains, un revirement total de la nouvelle administration sur l’ensemble des engagements pris par Donald Trump. Un scénario que certaines sources à l’intérieur de la nouvelle équipe ont déjà écarté, à l’image des déclarations de responsables du parti démocrate à la presse israélienne confiant que « le président élu, Joe Biden avait accueilli chaleureusement la décision du Maroc de renouer ses relations avec Israël et la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara ». 

La nouvelle équipe à la tête de la diplomatie américaine, dont Antony Blinken sera à la tête a par ailleurs exclu la question marocaine, des changements qu’il compte opérer au niveau de l’orientation internationale de son pays. Washington compte en effet, reprendre les négociations avec Téhéran, limiter son soutien à Riyad dans sa guerre au Yémen et remettre sur les rails les négociations sur le climat. Le Maroc représente par ailleurs, un partenaire de taille pour les États-Unis au niveau panafricain comme proche oriental.

3 questions à Tajeddine Elhoussaini

Tajeddine Elhoussaini
Tajeddine Elhoussaini
« Les relations entre le Maroc et les USA dépassent les luttes et considérations partisanes américaines »

Le professeur Tajeddine Elhoussaini, expert émérite de relations internationales, a bien voulu répondre aux questions de « L’opinion » concernant la déclaration américaine du 10 décembre 2020, sa valeur juridique et ses implications sur la première cause de la nation.

-« L’Opinion » : Quelle est la valeur juridique de la déclaration du 10 décembre de Donald Trump ?
- La déclaration de Trump sur la marocanité du Sahara a une valeur juridique incontestable. Cette proclamation, qui est un décret présidentiel avec toute la force que lui confère la constitution américaine, a déjà été inscrite et publiée au Registre fédéral, l’équivalent de notre Bulletin officiel. La décision d’ouvrir un consulat à Dakhla représente un exemple de la force légale de cette déclaration. La décision de Washington d’informer les 193 membres de l’ONU et notamment le Conseil de Sécurité sur sa position est un autre exemple de l’importance de cette proclamation, sachant que ce sont les USA qui préparent et rédigent traditionnellement les résolutions. Ce qui devrait compter au moment de nouvelles délibérations sur la question du Sahara au niveau du Conseil de Sécurité.

-Pensez-vous qu’un revirement de la nouvelle administration américaine sur la question est envisageable ?
-Cela reste un point d’interrogation important. Jusqu’à maintenant le nouveau ministre des Affaires étrangères américain n’a pas inclus la question du Sahara parmi les priorités de la nouvelle administration évoquant plutôt, les questions de l’Iran, de la Corée du Nord, de la guerre économique avec la Chine ou encore le dossier des Dreamers. Joe Biden a par ailleurs déclaré vouloir revoir certaines des décisions prises par Donald Trump pour les corriger, reste à savoir, quelles décisions seront l’objet de ses corrections. Il n’empêche que le Maroc reste un partenaire privilégié des Etats-Unis, le Royaume dispose du statut d’allié privilégié de l’OTAN, tout en étant partie prenante du dispositif Africom. Des éléments qui viennent rappeler que les relations entre le Maroc et les USA dépassent les luttes et considérations partisanes américaines, je ne pense pas donc que l’on puisse assister à un revirement total de la nouvelle administration. 

-Quel effet aurait un maintien de position de l’administration Biden sur la communauté internationale ?
-Le timing de cette proclamation a atténué l’effet qu’elle aurait pu avoir au niveau international. Des pays européens auraient en effet pu suivre le pas et proclamer la marocanité de nos provinces du Sud, notamment le Portugal, l’Italie, l’Allemagne, la France et le Royaume Uni. Si Biden conforte la position adoptée par l’administration Trump, je pense qu’un nombre conséquent de pays africains devraient à leur tour ouvrir des représentations diplomatiques dans les provinces du Sud. Cela pourrait également permettre au Royaume d’atteindre le quorum de 2 tiers des pays africains en sa faveur, de manière à geler le statut du Polisario à l’Union africaine. Au niveau de l’ONU, cela pourrait entraîner des avancées au Conseil de Sécurité, notamment sur le positionnement de la Chine dont les opinions sur les questions d’intégrité territoriale rejoignent celle du Royaume.

Recueillis par A. A.

Repères

Fischer exprime sa confiance
Lors de sa dernière sortie médiatique en tant que d’ambassadeur des États-Unis au Maroc, David Fischer a affiché sa confiance quant à l’alignement de la prochaine administration sur la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara. L’ambassadeur a, par ailleurs, souligné que le traité de libre-échange liant le Maroc et les États-Unis a permis d’accroître les échanges commerciaux de 500%, depuis son entrée en vigueur il y a 15 ans.
Le partenariat militaire se renforce
Après la livraison des F-16 pour 2,8 milliards de dollars, l’acquisition des hélicoptères d’attaque Apache pour 1,6 milliard de dollars et l’achat du système de défense aérienne Patriot toujours pour 1,6 milliard de dollars, l’année 2020 aura vu une montée en régime notable des capacités militaires marocaines. Des mouvements qui font également du Royaume, le plus important acquéreur de matériel militaire américain du continent de la décennie, si l’on croit le Département d’État du Commerce.