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Rétro-verso: La pétillante épopée des boissons d’antan


Rédigé par Houda BELABD Mercredi 3 Mai 2023

L’été pointe son pif et comme à l’accoutumée, et dès que la température fait flamber le mercure, nous autres Marocains, nous nous ruons vers les rayons de sodas pour nous rafraîchir le gosier grâce à cette folle invention. Retour sur l’histoire, un tant soit peu dada, des anciennes «monadas ».



Nous sommes en 1929. La Brasserie Glacière Internationale (BGI), seule entreprise de ce genre au Maroc, met sur le marché des boissons froides sans alcool, ainsi que des boissons faiblement ou fortement alcoolisées, visant principalement les Français et les étrangers vivant au Maroc. La brasserie a pour objectif d'élargir sa cible aux Marocains qui, sauf exception, ne sont pas tous censés consommer de l'alcool. La société a ainsi breveté sa première marque de boisson non alcoolisée.

Baptisée La Cigogne, elle a longuement été la reine des tables marocaines, jusqu'à ce que la libéralisation du secteur n'ouvre la voie à une myriade d'entreprises, d'abord concurrentes, avant de fusionner.

L'élément déclencheur de ce boom industriel a été le développement par les responsables de Brasseries du Maroc d'une boisson non alcoolisée à base d'extraits d'agrumes pour faire de la limonade. Ils ont donc créé une usine à Kénitra pour entreposer les oranges du Gharb et en extraire des jus. Le concept a tout de suite séduit le fabricant de la marque Judor.

De ce fait, au cœur des années 80 et ce, jusqu’à la fin des années 90 du siècle dernier, lorsque l’on désirait acheter une boisson rafraîchissante à l'épicerie du coin, on avait l'embarras du choix, pour ne pas dire le choix de l'embarras. La raison en est qu'entre Crush, Youki, Judor, Sim Orange et Gil, nos cœurs oscillaient. Quand bien même nous les savions industrialisés, ces nectars éveillaient en nous de fortes sensations mâtinant la délectation à l’allégresse, grâce à leur goût beaucoup moins édulcoré que les boissons commercialisées aujourd’hui. Les teintes et arômes mêmes de ces breuvages ne pouvaient que flatter notre mémoire visuelle au grand bonheur de notre sens gustatif, tout en éveillant en nous une quasi-dépendance à ces délices qui se confondent avec les célébrations de fêtes.

En effet, ces soft drinks, sodas, boissons rafraîchissantes ou «monadas» qui ont bercé l’enfance des natifs des années 80 et ont été les sponsors officieux de leurs jours heureux, sont tel un marque-page de ce que d’aucuns s’accordent à appeler le bel âge. Une époque où, avec un billet de 10 dirhams, l’on pouvait encore gâter nos palais en investissant dans deux grandes ou quatre petites bouteilles de sodas. Une épopée commerciale que les nostalgiques regrettent de tout leur être.

«Il fut un temps où les boissons rafraîchissantes aromatisées à l’orange avaient réellement le goût d’orange. Ce fut le cas, par exemple, pour Sim Orange, dont le nectar d’orange provenait de la région du Gharb, connue pour ses fameuses oranges pouvant atteindre des tailles impressionnantes. C’est toujours le cas pour la boisson Hawaii qui demeure de loin le soda le moins industrialisé du Maroc contemporain», nous apprend en off un ancien responsable de marketing au sein de l’une de ces sociétés.
Introduite dans le marché en 1984, c'est Sim Orange qui a évité la banqueroute à la société de boissons non alcoolisées SIM, fondée en 1914 au temps du protectorat pour subvenir aux besoins en eau de table de la population européenne. Avec son goût inédit d'orange, la boisson a su agréablement accompagner toute une génération avec sa pub pleine de peps et de fraîcheur.
De la « monada » à la mondialisation

Parce qu'elles étaient joliment exposées dans les supermarchés, sur les étagères des boissons fraîches, elles étaient, pêle-mêle, sur toutes les tables lors des circoncisions, fiançailles, mariages, anniversaires, afterworks. Seulement voilà, cette diversité s’est dissipée comme par enchantement en 1997, date à laquelle Judor, La Cigogne et ses compères ont tiré leur révérence au grand bonheur des rois internationaux du marché des sodas, l’allusion est bien évidemment faite à Coca Cola Company et son concurrent de toujours Pepsi, qui ont raflé la mise des années 90, composée de Fanta, Hawaii, Sprite, pour la part de Coca, mais aussi Seven Up, Mirinda, pour ce qui est de Pepsi.
 
«Dans le début des années 2000, nous pouvions encore trouver du Crush, de la Cigogne et du Judor chez certains épiciers, collecteurs à leurs heures perdues, comme quoi ces boissons étaient tout sauf périssables », déplore, non sans vague à l’âme, un jeune trentenaire, témoin gustatif d’une époque épique et tonique à souhait.
 
Houda BELABD

Zoom: Hawaii, histoire d’une création symptomatique du génie marocain

Hawaii est l'une de ces boissons Made in Morocco qui témoigne encore de l'âge d'or des boissons des années 90 du siècle dernier. Créée en 1991 par la société marocaine Sim (Société industrielle marocaine), elle est principalement commercialisée au Maroc. Aussi se taille-t-elle, ces dernières années, un succès grandissant au-delà de nos frontières, notamment en Europe (France, Belgique, Espagne, etc.)  et auprès des populations d'origine maghrébine vivant à l'étranger. Très peu répandue à l'origine sur le marché international, elle monte progressivement en puissance depuis 2018. En effet, dorénavant, l’on peut facilement la trouver dans les épiceries orientales et les boucheries halal dans plusieurs grandes villes européennes.

D’ailleurs, ayant grandement misé sur son succès, le géant mondial du cola a acquis en septembre 1997 cette marque marocaine, en devenant ainsi propriétaire des diverses marques que SIM, sa société émettrice, détenait.
 
Au départ, la boisson n’existait qu’en petite, moyenne et grande taille, mais pour répondre aux différentes demandes des consommateurs, l'entreprise marocaine va développer différents formats. A l’écriture de ces lignes, Hawaii est disponible en formats de 25 cL, 33 cL, 1L, 1,5L et 2L.

Hawaii demeure, donc, cette boisson fraîche et rafraîchissante au goût tropical et exotique, mais pourtant, bien de chez nous. Doux, acidulé mais surtout adulé par les grands et les petits, son arôme si festif l’a, depuis assez longtemps, inscrit dans la nomenclature des produits alimentaires marocains à succès digne d’admiration.

 

Flashback: Des cocktails qui en cachaient d’autres

Rétro-verso: La pétillante épopée des boissons d’antan
Judor. Tel est le nom de la première boisson marocaine au goût fruité aux extraits d’agrumes mais aussi la première boisson marocaine à avoir concurrencé la Cigogne. Elle est, en quelque sorte, l’ancêtre d’Orangina, car, à en croire son spot publicitaire qui citait les mille et une vertus de sa pulpe de « jus d’or », il fallait absolument l’agiter avant de l’ouvrir afin de s’abreuver avec délectation de son nectar «naturel».

Et puis vint Youki. C’est ainsi que s’appelait la boisson adulée des jeunes des années 70. Née en 1973, soit deux ans avant la marche verte, cette marque de boisson a, à l’instar de l’événement politique qui a révolutionné l’histoire de l’irrédentisme et le droit à la récupération des terres marocaines de l’avant-protectorat, a fait l’objet d’une sacrée révolution dans l’univers des boissons rafraîchissantes. En effet, cette boisson aussi acidulée que Fanta Orange, a osé, pour la première fois dans l’histoire marocaine de ces breuvages, la carte de l’originalité en déclinant la boisson en plusieurs variétés, dont le Youki Tropical et le Youki Cola. Les Brasseries du Maroc ont continué dans la même lancée et en 1983, elles ont mis au point Gil, soit l’ancêtre de Schweppes, connue à son tour pour ses versions «citron» et «tonic».

Puis le Maroc a fait la connaissance, petit à petit, de Crush, Fanta, Cadbury-Schweppes, Sprite, et les autres boissons que nous connaissons aujourd’hui.
 

Les modes «light» et «zéro»

Il y a un peu plus de dix ans, le Maroc a à son tour embrassé à bras le corps la mode du «light» et du «zéro». Les boissons rafraîchissantes n’en ont pas fait exception. Ainsi, la Coca-Cola Company qui dit vouloir aider les consommateurs à réduire leur consommation de sucre, a élargi la gamme de sodas existante sur le marché local.

Ainsi, la gamme «sans sucre », comprend deux «sous-sucres » ou «sucres légers», de l’acabit de l’ «aspartame» et l’ «acésulfame K», qui permettent de donner un goût nouveau et différent à la boisson internationale du cola.

«Mais attention à ne pas le confondre  le Coca-Cola Light avec le Coca-Cola Zéro», nous mettait en garde un ancien communiqué de presse de l’entreprise. C’est que «le Coca-Cola Light est très peu calorique alors que le Coca-Cola Zéro ne l’est pas du tout», nous renseigne-t-il.

 

« Mirinda ? L’ancienne ou la nouvelle ? »

Au début des années 90, Mirinda divisait les amateurs en deux catégories. D'une part, nous avions ceux qui préféraient son ancienne version au goût moins « chimique », à en croire les personnes ayant une mémoire gustative impeccable, et d'autre part, ceux qui vouaient un penchant pour sa version internationale, plébiscitée par la publicité espagnole et française.

Mirinda est, surtout, cette boisson aromatisée aux fruits exportés des Etats-Unis par la société PepsiCo. Enregistrée pour la première fois en 1957 par la société en Espagne, elle est connue pour ses arômes de fruits, à l’instar du citron, de l'orange, du pamplemousse, de la pomme, du guarana et du raisin. Par la suite, Mirinda a commencé à être commercialisée dans d'autres pays en tant que boisson de marque, par exemple en Allemagne depuis les années 1970, puis vendue en tant que boisson de marque PepsiCo dans de nombreux pays d'Amérique latine, du Moyen-Orient, d'Europe de l'Est et d'Asie du Sud-Est. Elle a toutefois cessé d'exister en Espagne dans les années 1990, à la suite de l'acquisition par l'entreprise espagnole Kas de ses concurrents les mieux établis dans le pays ibérique.

Ce retrait du marché espagnol en a laissé plus d'un nostalgique, surtout si l'on sait que Pepsico, ou Pepsi-Cola, a demandé à enregistrer sa propre marque en Espagne en 1956 dans le bulletin de l'Office espagnol des brevets et des marques. Un an plus tard, la société a déposé sa première demande d'enregistrement de la marque et du logo Mirinda : un grand M majuscule vert avec le mot "Mirinda" en surimpression en blanc.
 

Il était une fois Fayrouz

Comme les autres pays du monde arabe, le Maroc a connu l’implantation de la boisson Fayrouz par un groupe brassicole néerlandais. «Fayrouz», signifiant­ turquoise en arabe et rappelant par la même occasion la chanteuse libanaise à la voix suave et entraînante, ne contenait pas d'alcool non plus et avait un goût proche de celui de la limonade.

Cette boisson composée d'orge non fermentée, adoucie avec du sucre et du jus de fruits, a fait fureur il y a un peu plus d’une décennie. A la framboise, à l’ananas ou au citron, ses arômes ont, à leur tour, enrichi la palette gustative de l’histoire des boissons gazeuses aromatisées qu’a connues le Maroc.








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