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Rétro-Verso : L’Histoire palpitante de l’Allée des artisans


Rédigé par Houda BELABD Mercredi 22 Novembre 2023

L'Allée des artisans de la Médina de Rabat est bien plus qu’un bazar traditionnel bigarré et chamarré. C'est aussi une institution dont l'empreinte historique est gravée au marteau sur l'édifice patrimonial immatériel de la Capitale du Royaume. Un voyage dans le passé s'impose pour mieux appréhender les gageures de la Ville Lumière.



Depuis la nuit des temps, l'artisanat est intrinsèquement lié à l'Histoire de la Médina de Rabat, au point d’en constituer le poumon économique. Bien plus, au fil des siècles et des dynasties, ce secteur a largement contribué à faire de la ville limitrophe du Bouregreg un haut-lieu de rayonnement artistique et civilisationnel.

Au cœur de l’Allée des artisans, car c’est de cette fourmilière qu’il est question, chaque corporation de manœuvriers est régie, depuis le XVème siècle, par une hiérarchie comprenant l'apprenti, l'artisan, le maître-artisan et le chef de corporation. Ce dernier est, comme le veulent la logique et la tradition, le mandataire des artisans, chargé de régler les litiges entre ses adjoints et suppléants, et assiste le comptable dans le contrôle de la qualité et des prix.

Au gré des générations, ces artisans habiles et inventifs ont ébloui plus d’un par leur ingéniosité, imitée mais pas pour autant égalée, fruit d’un brassage culturel pluriséculaire
« L’Allée des artisans est bien plus qu’un endroit ou une adresse. Il s’agit d’une institution pluriséculaire où de nombreuses générations ont appris et enseigné l’art et la manière de l’artisanat marocain. Les exodes et les migrations de plusieurs nations et peuples, toutes phases historiques confondues, ont fait que les civilisations puissantes ont dicté leurs codes et majestueusement marqué notre quotidien de leur empreinte car c’est la loi du plus fort », témoigne Mohamed Es-Semmar, historien et archéologue.
 
« Cette Allée des artisans, mieux connue en tant que la Rue des Consuls a toujours été emblématique par la diversité de ses ateliers d’artisanat. De la céramique arabo-andalouse à la calligraphie islamique et le bois sculpté, en passant par les azulejos, c’est-à-dire le zellij et la pierre taillée, ses manœuvriers se sont toujours affairés, en plus, dans la dinanderie, la vannerie, l’argenterie, l’orfèvrerie et on en passe », relate notre intervenant, avant d’ajouter que cette rue s’appelle ainsi du fait d'avoir été le lieu résidentiel des ambassadeurs et des consuls jusqu'en 1912.

Autre activité pluriséculaire de la Médina et de son Allée des artisans : la tapisserie. « Le tapis rbati est un autre porte-drapeau de l’Allée des artisans, de la Médina de Rabat et de toute la région, suivi de la couture et de la broderie », continue l’historien Mohamed Es-Semmar.

Construite au sud du Bouregreg au XVIIe siècle, la Médina de Rabat a tenu, à travers le temps, un rôle primordial dans la préservation du patrimoine artisanal marocain. Dès les débuts du Protectorat français, Hubert Lyautey, premier Résident général, a voulu assurer la sauvegarde des villes arabo-musulmanes présentant un caractère historique et esthétique. La mise en œuvre de cette politique a donc été aussitôt confiée au Service des Antiquités, Beaux-Arts et Monuments historiques, avec pour mission de classifier et de préserver les monuments historiques, mais aussi de superviser l'aménagement de la Médina afin d'en préserver la splendeur.
 
Une Allée, des histoires…

Du temps du Protectorat, le corps des règles urbanistiques édicté par la France fut relativement restrictif pour les commerces qui ne répondaient pas à la lettre aux exigences du modernisme. Au carrefour des habitants, des commerçants, des marchands ambulants et autres sources d'agitation, de jour comme de nuit, l'Allée des artisans a toujours été un lieu de passage incontournable. Dès 1935, cette particularité a été revue par l'administration française, notamment en raison de la croissance de la population vivant dans la Médina.

Jusqu'à la fin du Protectorat en 1956, la France s'est efforcée de trouver des solutions aux problèmes démographiques, économiques, sociaux et urbanistiques de la ville historique.

Mais l'administration française a voulu mettre un terme à ce tumulte, pour laisser les commerces français fleurir loin du martelage des artisans. Ainsi, la Médina ne joua plus son rôle d'antan, avec un nombre croissant de magasins tenus par des résidents français, et ces ateliers furent contraints de baisser leurs rideaux en début d'après-midi et voir leur chiffre d'affaires diminuer.

Dès l'indépendance du Maroc, les ateliers ont timidement repris leurs activités, suite à de nombreux dons et aides sociales. Puis en 2014, de nombreux organismes gouvernementaux, dont le ministère des Habous et des Affaires islamiques, le ministère de la Culture, le ministère du Tourisme et le ministère de l'Économie, ont travaillé pour la mise en œuvre de l'accord collectif pour le réaménagement de la ville de Rabat.
 

Trois questions à Mohamed Es-Semmar : « L’Allée des artisans est devenue un lieu de référence pour l’artisanat traditionnel de renom »

Archéologue et historien, Mohamed Es-Semmar a répondu à cœur joie à nos questions sur l’Histoire de l’Allée des artisans, également connue en tant que  Rue des Consuls. Explications.
 
Pourquoi y a-t-il tant de métissage culturel dans les œuvres artisanales marocaines ?
 
Depuis l’antiquité phénico-romaine, les artisans des deux côtés de la rive méditerranéenne se sont grandement inspirés les uns des autres, compte tenu de leurs divers brassages culturels et ethniques, les migrations et exodes aidant. L’Allée des artisans de la Médina est à l’image de ce melting-pot pluriséculaire et fièrement transmis de génération en génération. Lequel brassage, pourtant authentique et bien marocain, ne peut que participer au rayonnement culturel de notre pays. D’ailleurs, au cœur des ateliers de cette même Allée, les azulejos (zellij) arabo-andalous côtoient dans la plus belle harmonie la calligraphie islamique et les motifs amazighs sculptés sur du bois formant un bon tandem avec les gravures que l’on trouve sur les œuvres des dinandiers.

Combien de fois ces lieux ont été rénovés ?

L’Allée des artisans est un patrimoine à part entière. D’ailleurs, dès l’indépendance du Royaume, plusieurs gouvernements et plusieurs entités de la société civile se sont efforcés à rénover ces ateliers et à transformer certains vieux hôtels (laissés à l’abandon pendant plusieurs dizaines d’années car leurs anciens locataires n’ont pas pensé les rénover) en nouvelles constructions dédiées à l’artisanat. De plus, il y a environ dix ans, ces lieux pétris de mémoire ont bénéficié d’un coup de bistouri de la tutelle.

Pourquoi l’Allée des artisans est-elle, aussi, appelée  Rue des Consuls ?

La rue des Consuls, telle que son nom l'indique, a abrité jusqu'en 1912 des ambassadeurs et des consuls, notamment européens. Les premiers sont venus négocier la mise en liberté de prisonniers lors de la république corsaire de Salé. À l'entrée se dressait le consulat de France, où l'ambassadeur français, le père Chenier, résida de 1768 à 1782. À côté, se situaient les maisons des consuls suédois, danois et hollandais. Le site est aujourd'hui devenu un lieu de référence pour l'artisanat traditionnel de renom.
Recueillis par Houda BELABD
 
 

Conjoncture: L’artisanat vaut son pesant d’or

Les artisans du Centre Touristique de l'Ancienne Médina façonnent les tissus, le cuir, l'or et l'argent avec une mention spéciale pour le célèbre tapis local, reconnaissable par ses canevas aux couleurs harmonieusement agencées. La proximité de Salé, avec ses poteries, ses ferronneries et ses vanneries, est un autre aspect positif de cet établissement.

Côté recettes touristiques, le nouveau Centre d'Artisanat de la Médina vaut son pesant d'or. Les ventes à l'export de biens artisanaux ont, en effet, progressé de manière significative en 2022, affichant une valeur de plus de 890 millions de dirhams (MDH), soit un taux de croissance de 50 % par rapport à 2021.

« Après une année 2020 marquée par une inflexion (-25%), puis un coup d’arrêt lié à la crise sanitaire et économique du Covid-19, le chiffre d’affaires à l’export des produits de l’artisanat est reparti à la hausse en 2021, enregistrant une valeur dépassant les 893 MDH, soit un taux d’accroissement de 50% par rapport à l’année d’avant ». C'est ce qui ressort du communiqué du ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie Sociale et Solidaire.

Même en comparaison avec la période prépandémique, par exemple jusqu'en 2019, les exportations d'artisanat montrent des progrès non négligeables, avec une amélioration de 13%, lit-on dans le même document.
 
Ceci étant, la majorité des produits affichent des exploits dignes de ce nom à l’export. Les produits de dinanderie, par exemple, sont très demandés à l’échelle internationale. Aussi, son chiffre d’affaires a-t-il été multiplié par 5 par rapport à l’année 2020, classant ce type de produits au premier rang en termes de progression.

Des améliorations visibles ont également été soulevées dans le communiqué et ce, pour les produits en fer forgé, de vannerie, de poterie et pierre, qui ont vu leurs exportations augmenter respectivement de 95%, 91% et 74%, relève le ministère.

De plus, le tapis a connu un véritable regain de croissance, enregistrant un rebond de 67% en glissement annuel, après deux années de régression à cause de la pandémie du Covid-19. Les articles chaussants suivent le pas, avec un taux en hausse de 62%, suivis des articles en bois, avec une montée en flèche de 51% par rapport à l'année précédente.

D’autres types de produits ont aussi relativement progressé. L'allusion est faite ici à la maroquinerie (17%), la bijouterie (6%) ou encore les couvertures (1%).

Ce qui veut dire, en définitive, qu'à l’export, trois familles de produits pèsent pour plus de la moitié des exportations totales (56%). C'est notamment le cas de la poterie, du tapis et de la vannerie (respectivement 29%, 14% et 12%), fait savoir la même source.

Actualité : L’artisanat marocain à l’honneur à Lisbonne

Une large opération de promotion et de commercialisation des produits artisanaux marocains a été lancée, du 2 novembre 2023, aux magasins « El Corte Inglés » à Lisbonne.

Cette initiative, qui se poursuit jusqu'au 26 novembre, s’inscrit dans le cadre du partenariat stratégique conclu entre le ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie Sociale et Solidaire, l’Ambassade du Royaume du Maroc à Lisbonne et la Maison de l’Artisan, dans le but de mettre en avant le savoir-faire de l’artisanat marocain, ciblant particulièrement le marché portugais.
Intervenant à cette occasion, l’Ambassadeur du Maroc au Portugal, Othmane Bahnini, a affirmé que cette opération rend hommage à l’artisanat du Royaume et à la coopération fructueuse entre le Maroc et la plateforme commerciale de renom « El Corte Inglés », qui célèbre le talent exceptionnel et authentique du maâlem marocain.
« L’artisanat est une richesse nationale, qui illustre la diversité du patrimoine culturel marocain », a indiqué le diplomate, notant que le secteur artisanal a connu une grande mutation au fil des années, reflétant le génie, la créativité et la passion du maâlem marocain, aussi authentique que moderne.

Selon lui, le choix de Lisbonne, une capitale historique et culturelle visitée par des touristes venant du monde entier, pour lancer cette opération promotionnelle témoigne des relations d’amitié et de coopération distinguée reliant les deux pays.

De son côté, le directeur général de la Maison de l’Artisan, Tarik Sadik, a affirmé que cette initiative témoigne de la renommée de l’artisanat marocain à l’échelle internationale, indiquant que son établissement mène de telles opérations pour faire connaître le produit marocain et promouvoir le savoir-faire ancestral du Royaume.

Mettant en lumière l’intérêt particulier du public portugais, M. Sadik a estimé que les produits artisanaux ne cessent de se moderniser, tout en préservant le cachet marocain, pour répondre aux besoins de la clientèle.








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