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Culture

Rabat : Un vibrant hommage rendu à la mémoire d’Ahmed Piro, le roi du gharnati


Rédigé par Houda BELABD le Mercredi 11 Juin 2025

Un vibrant hommage a été rendu à l'œuvre d'Ahmed Piro, maître du gharnati, à l’occasion du premier anniversaire de sa disparition, lors d’une soirée de commémoration. Détails.



 
Sous l’égide du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, en partenariat avec le ministère des Habous et des Affaires Islamiques, l’Association Ahmed Piro pour le Gharnati a organisé, le 4 juin, une première commémoration annuelle à la mémoire du défunt. L’événement s'est déroulé à l’annexe de l’Institut Mohammed VI pour la formation des imams, morchidines et morchidates, en présence de passionnés, disciples et amis de Feu Piro. Lors de la déclaration inaugurale, un membre de l'association a déclaré que cette célébration « n’était pas une simple commémoration, mais un acte de fidélité envers un maître dont l’empreinte musicale est indélébile ».

Maître Piro, décédé à 92 ans, laisse derrière lui une empreinte vivace dans le monde du gharnati. Figure emblématique de Rabat, il naquit en 1932 et grandit dans le quartier des Orangers. Très jeune, il mémorisait déjà le Coran, puis fréquenta l’école Guessous, avant de s’installer comme commerçant au marché central. Mais une autre vocation l’habitait : celle du gharnati, une musique andalouse raffinée qui l’absorbait tout entier.

Depuis son échoppe, il entendait plus que les voix des passants. Il écoutait Mohamed Abdelwahab, Oum Kalthoum, le malhoun… et se mit à rêver d’un ailleurs musical. Il s'est, donc, éloigné de la marchandise pour se rapprocher de la note juste. Autodidacte passionné, il apprit auprès de figures marquantes comme Ahmed Bennani, Ben Aïssa El Oufir, Habibi Mbirkou ou encore le violoniste d’exception Houssein Belmeki El Hajjam.

Ahmed Piro monta sa propre formation, invitant certains de ses maîtres à le rejoindre. Ce petit noyau devint un véritable laboratoire musical où s’expérimentaient nuances et transmission. Son fils Taha, violoniste nourri dès l’enfance à cette passion paternelle, intégra l’ensemble et porta à son tour la flamme gharnatie, entre concerts au Maroc et tournées à l’étranger.

Ce 4 juin, le public a pu apprécier deux prestations : celle du groupe de la Zaouia et du Madih, dirigé par le professeur Ali El Alami, et celle du groupe de l’association, sous la baguette d’Adil Piro. Ces moments musicaux, soutenus par l’Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM), prolongèrent l’esprit du maître dans l’écho des noubas transmises.

Mais Ahmed Piro ne s'est pas contenté de transmettre oralement. Il inscrivit dans le marbre de l’écriture son savoir. Son ouvrage "Al Ihata Fi Angham Gharnata" compila et classa minutieusement les poèmes et modes du gharnati, selon l’école rbatie. Le musicologue Ahmed Aydoun reconnut en lui un travail de fond comparable à celui de Mohamed Ibn Al Hossain Al Hayek au XVIIIème siècle. Ce travail de mémoire, poursuivi avec "Al Idafa", combla une lacune patrimoniale, donnant aux générations futures un socle de référence.

Ainsi, celui qui maniait l’oud, la mandoline, le banjo et le chant comme autant de prolongements de son âme, ne connaissait d’autre frontière que celle du silence entre deux émotions. Sa vie fut une offrande musicale, un jardin partagé sur les rives du Bouregreg, où l’on jouait, chantait et dégustait la tradition comme un "chabel" frétillant.

Aujourd’hui, l’artiste n’est plus, mais son souffle reste, tel un mode suspendu, une cadence qui se prolonge. On disait de lui qu’il éternuait en gharnati. C’est dire combien cet art l’habitait. Il demeure un passeur essentiel, une étoile andalouse qui ne s’éteindra pas de sitôt.







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