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Régions

Rabat : Sauver Derb Bounhouj !


Rédigé par Mohammed Lotfi le Lundi 19 Juin 2023

Je regarde ces ruines ! Je suis sur les lieux d’un vieil amour !




Au fin fond de cette ruelle, le cœur d’un jeune musulman succomba, un jour, devant les yeux d’une jeune juive. Moha venait d’être engagé au four traditionnel comme assistant et Clara avait pour habitude quotidienne d’y apporter le pain qu'elle faisait elle-même. Elle habitait avec sa grande famille dans la maison située juste en face. Elle avait à peine 15 ans. Lui, Moha, n’était pas loin d’avoir 17.

Sans introduction aucune, Moha lui lança un jour « Toi là, si je pouvais, je t’épouserais demain ». Surprise, Clara sourit et recula de quatre pas qui séparent le four de la porte de sa maison. Puis elle retourna aussitôt pour donner à Moha la réplique qu’il n’attendait pas « Et qu’est-ce qui t’en empêche ? » !

Nous sommes dans le Rabat du début des années 20. Le Mellah était encore exclusivement habité par des juifs. Juste avant la prière d’Al Aâsr, Moha devait quitter le Mellah avant la fermeture de la grande porte (aujourd’hui appelée Diwana). Clara y était, toujours avec une gâterie pour son amour de jeunesse. C’est ainsi qu’elle l’appelait « Moha, mon amour de jeunesse ».

De cet amour, il ne reste aujourd’hui que des ruines ! Et un mur qui menace de tomber.
Derb Bounhouj est une ruelle qui se meurt à petits morceaux ! J’en suis sorti avec l’envie de crier « Au secours ! ». Malika y habite et c’est chaque jour qu’elle crie, en vain !

D'après elle, les autorités ne sont nullement mobilisées pour sauver Derb Bonhouj ! Et pourtant de grands travaux ont été entrepris pour réhabiliter le Mellah, ce grand patrimoine de l’histoire de Rabat. Ailleurs, dans la médina, plusieurs artères ont fait peau neuve. Mais derrière Souika, Bab Rahba, Souk Sebbat et Souk Tahti (Rue des consuls), il y a encore plusieurs rues et ruelles, moins exposées aux regards des touristes, qui attendent d’être réhabilitées, et certaines, comme Derb Bounhouj, sauvées.

Alors, pourquoi cette ruelle ne fait pas l’objet d’une priorité, d’un sauvetage urgent ? Pourquoi les autorités municipales de Rabat ne lui accordent-elles pas une attention particulière ? Les planches de bois installées pour retenir les murs ne réduisent pas le sentiment de peur qui domine chez les habitants. Il faut être vraiment aveugle pour ne pas voir que cette maison tombe en ruine. Qu’elle représente un danger public. Aucune date n’est encore annoncée pour le début des travaux. En attendant, les habitants sont tiraillés entre l’indignation et la résignation. Malika, elle, c’est avec colère qu’elle me raconte sa honte d’habiter une ruelle aussi laide et abandonnée. « Chaque jour, j'ouvre ma fenêtre sur une scène de guerre. J’ai déjà vécu des jours meilleurs dans la ruelle de mon enfance ».

Pour consoler un peu Malika, je lui raconte un petit souvenir de ces jours meilleurs, "Il était une fois, dans cette même ruelle, un jeune musulman et une jeune juive qui sont tombés en amour..." !
100 ans plus tard, Clara est enterrée quelque part en Israël et Moha dans le grand cimetière de Salé.







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