La 3ème Conférence des Nations Unies sur l’Océan s’est ouverte lundi 10 juin et se poursuivra jusqu’à vendredi, réunissant au passage plus de 50 chefs d’État et de gouvernement et plus de 1.500 délégués issus de près de 200 pays. Son Altesse Royale la Princesse Lalla Hasnaa, Représentante de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a par ailleurs participé aux segments haut niveau de cette édition placée sous le thème «Accélérer l’action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan». Au programme plusieurs thématiques cruciales pour la sauvegarde des écosystèmes marins : pêche durable, interactions entre climat et biodiversité, ou encore pollution marine, dont la plus vicieuse des formes est la pollution plastique. Si le Royaume a dès 2016 mis en œuvre le programme Zéro Mika pour lutter contre la pollution plastique à travers l’interdiction des sacs en plastiques dans les commerces, force est de constater que les résultats restent mitigés.
Échec partiel
Un constat nuancé a d’ailleurs été exprimé en décembre dernier par la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, qui évoquait un «échec partiel» du programme Zéro Mika. Malgré l’interdiction en vigueur depuis bientôt une décennie, des millions de sacs plastiques continuent de circuler, en particulier dans les circuits informels difficiles à contrôler. La ministre a souligné les défis persistants liés à l’absence de tri à la source, à la prédominance de l’enfouissement dans la gestion des déchets, ainsi qu’à la difficulté de tracer les filières de valorisation. Autant de freins qui compliquent la mise en œuvre d’une politique plastique pleinement efficace, malgré la volonté affichée du Royaume de renforcer ses engagements en matière de durabilité. «Nous avons préparé la loi qui modifie la loi 28-00 avec un ensemble de mesures très importantes dans ce cadre pour réduire la production de déchets, le tri sélectif, et la responsabilité élargie du producteur», a cependant annoncé la ministre.
Traité contraignant
Alors que la pollution plastique ne cesse de gagner du terrain, ses effets se manifestent dans tous les milieux : sur les plages, dans les écosystèmes agricoles, et jusque dans les sédiments marins. Au Maroc comme ailleurs, des microplastiques ont été identifiés dans la faune aquatique, soulevant des inquiétudes pour la biodiversité et la santé humaine. Lors de la quatrième table ronde de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan, les experts ont dressé un constat sévère : la communauté internationale n’a pas atteint son objectif 2025 de réduction significative de la pollution marine. Les plastiques à usage unique, les déchets d’origine terrestre et les équipements abandonnés en mer forment un mélange persistant, avec des répercussions économiques et écologiques majeures. Pour y faire face, un consensus émerge sur la nécessité d’un traité mondial juridiquement contraignant. La notion de responsabilité élargie du producteur, évoquée à la fois dans les débats internationaux et dans les projets législatifs marocains, semble désormais incontournable.
Opportunité et action
D’autant plus que la perspective d’organisation de la Coupe du Monde 2030 impose au Maroc d’accélérer ses chantiers en matière de gestion des déchets, en particulier dans les villes et sites hôtes. Le cahier des charges de la FIFA prévoit des standards environnementaux exigeants, incluant le tri à la source, des filières de valorisation opérationnelles et une traçabilité des déchets à chaque étape. Cette obligation de résultat ne concerne pas seulement les stades, mais l’ensemble des infrastructures et services mobilisés pour l’événement. À cinq ans de l’échéance, le Royaume dispose d’une opportunité unique pour structurer une réponse crédible à la crise du plastique, alignée à la fois sur les attentes internationales et les impératifs nationaux. La dynamique enclenchée autour de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan et les négociations d’un traité mondial contraignant sur les plastiques pourrait ainsi converger avec les exigences de la FIFA pour faire de 2030 un tournant. Celui d’un passage de l’intention à l’action.
Omar ASSIF
3 questions à Mustapha Aksissou, biologiste marin : « Nous soulignons l’importance d’une gouvernance multi-acteurs afin de structurer une réponse coordonnée à l’échelle nationale »

Professeur de biologie marine à l’Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan, Pr Mustapha Aksissou répond à nos questions concernant la pollution plastique marine au Maroc.
- Vous avez co-dirigé une étude de terrain sur 29 plages marocaines. Que révèle-t-elle sur l’ampleur de la pollution plastique sur nos côtes ?
Nous avons recensé 72.105 objets en plastique sur 29 plages réparties sur les façades atlantique et méditerranéenne du Maroc. La densité moyenne observée est de 0,31 déchet plastique par mètre carré, avec un pic saisonnier de 0,35 fragment/m² au printemps. Les plages urbaines présentent les niveaux de pollution les plus élevés. Les types d’objets les plus fréquents sont les fragments rigides, les bouchons, les films plastiques souples et les cordages. D’après l’indice Clean Coast Index, 75% des plages étudiées se situent dans la catégorie de pollution dite abondante à modérée. Les principales sources identifiées sont les activités récréatives, les rejets directs et les débris issus de la pêche.
- Vos travaux incluent aussi une analyse de la contamination de trois espèces marines comestibles. Que montrent les résultats ?
Nous avons analysé la présence de microplastiques chez trois espèces couramment consommées : la palourde (Callista chione), le mulet (Chelon auratus) et la sardine (Sardina pilchardus). Tous les mulets et toutes les palourdes contenaient des microplastiques, ainsi que 72% des sardines étudiées. Le nombre moyen de particules était de 19,19 chez la palourde, 16,82 chez le mulet et 9,64 chez la sardine. Les polymères identifiés incluent le polyéthylène (PE), le polypropylène (PP), le polychlorure de vinyle (PVC), le polyéthylène téréphtalate (PET) et le polycarbonate (PC). Selon le Polymer Hazard Index, ces matériaux présentent un niveau de risque élevé (niveau IV) pour les écosystèmes.
- Quelles recommandations formulez-vous pour limiter la pollution plastique sur le littoral marocain ?
Nous recommandons d’abord la mise en place d’un système de surveillance régulier et standardisé des déchets plastiques sur les plages, en utilisant des protocoles harmonisés. Il est également essentiel de développer des campagnes de sensibilisation ciblées à destination des usagers, pêcheurs, collectivités locales et jeunes. Nous soulignons enfin l’importance d’une gouvernance multi-acteurs, associant la recherche, les autorités publiques, la société civile et le secteur privé, afin de structurer une réponse coordonnée à l’échelle nationale. A noter qu’il convient d’équiper les plages de points désignés et bien gérés pour collecter les déchets des visiteurs. Enfin, ma conviction est que la solution à la pollution plastique passe par la promotion des 3R : réduire (la production), réutiliser (les objets en plastique), et recycler (les matériaux plastiques).
Initiative : La FM6E mobilise l’innovation africaine au service de l’Océan
Le 10 juin 2025, dans la Blue Zone du Port de Lympia à Nice, la Fondation Mohammed VI pour la Protection de l’Environnement a organisé un événement parallèle : «Innovation en Afrique pour accélérer l’Objectif du Développement Durable N°14». Cet événement s’inscrit dans la continuité d’initiatives phares, telles que les Consultations préparatoires africaines pour la conférence UNOC-3 et l’atelier de haut niveau préparatoire à cette conférence coorganisé avec l’Ambassade de France au Maroc le 9 mai 2025. Dans son rôle de membre Fondateur de l’Alliance pour la décennie des sciences océaniques au service du développement durable 2021-2030, la Fondation s’est particulièrement impliquée dans cette décennie pour laquelle Son Altesse Royale la Princesse Lalla Hasnaa est marraine de l’Alliance, un regroupement de haut niveau qui fait avancer la décennie dans le monde. Au cœur de la discussion : le renforcement de la science marine pour éclairer les décisions politiques, le déploiement de gouvernances inclusives et le développement de solutions innovantes adaptées aux réalités africaines.
Vision Royale : SM le Roi Mohammed VI appelle à une nouvelle souveraineté maritime
Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’Assiste, a adressé un Message aux participants au Sommet «L’Afrique pour l’Océan», co-présidé, lundi à Nice en France, par Son Altesse Royale la Princesse Lalla Hasnaa, Représentante de SM le Roi, et en présence du Président français, M. Emmanuel Macron. Ce sommet inédit, en marge de la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan, a mis en avant la nécessité d’une gouvernance maritime africaine plus unie, plus efficace et plus ambitieuse. Le Souverain a souligné que les océans africains sont «riches, mais vulnérables, stratégiques, mais sous-optimisés, prometteurs, mais encore peu protégés». D’où l’appel à «passer d’une logique de potentialité à une logique d’appropriation». Le Maroc plaide ainsi pour une triple orientation : d’abord une croissance bleue structurée, incluant l’aquaculture durable, les énergies offshore ou le tourisme littoral. SM le Roi a cité les ports de Tanger Med, Nador West-Med et Dakhla Atlantique comme symboles d’une stratégie maritime volontariste. Ensuite, une coopération sud-sud renforcée autour d’une vision africaine partagée. Enfin, des synergies atlantiques concrétisées par l’Initiative des États Africains Atlantiques et le Gazoduc Africain Atlantique. «L’océan, c’est notre souveraineté alimentaire, notre résilience climatique, notre sécurité énergétique et notre cohésion territoriale», a affirmé le Souverain, rappelant que l’Afrique ne sera forte sur les mers que si elle parle d’une seule voix.