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Actu Maroc

Pouvoir d’achat : Le gouvernement doit-il supprimer la TVA sur les produits de première nécessité ?


Rédigé par Soufiane CHAHID Mardi 10 Janvier 2023

Pour protéger les couches les plus vulnérables de l’inflation, le gouvernement espagnol a décrété la suspension pour six mois de la TVA sur les produits de première nécessité. Le Maroc peut-il faire pareil ?



Face à une inflation devenue immaîtrisable, le gouvernement espagnol a sorti les grands moyens. Le 27 décembre dernier, le gouvernement de Pedro Sánchez a annoncé un paquet de mesures visant à protéger les couches les plus vulnérables de la population contre la hausse des prix. Parmi les mesures phares figure la suppression totale de la TVA sur les denrées alimentaires de première nécessité, et ce, sur une durée de six mois. 

Ainsi, des produits comme le pain, le lait, le fromage, les fruits et légumes et les céréales verront leur TVA passer de 4% à 0%, et pour les pâtes et l’huile de 10% à 5%. Cela s’ajoute à la prorogation pour six mois supplémentaires du taux réduit de TVA à 5% sur l’électricité et le gaz. Ce paquet de mesures se chiffre à 10 milliards d’euros. Si on ajoute d’autres mesures déjà prises par le gouvernement espagnol, comme la ristourne de 20 centimes par litre de carburant ou le plafonnement du loyer à 2% de hausse, le budget engagé atteint 45 milliards d’euros, soit 3% du PIB espagnol.

Envolée des prix des produits alimentaires
 
Une telle mesure serait-elle envisageable au Maroc ? Selon le dernier rapport sur la politique monétaire de Bank Al-Maghrib, en date du 28 septembre dernier, l’inflation des produits alimentaires à prix volatils a atteint fin août 16,9% sur une année glissante.

Le gouvernement a prévu certaines mesures pour atténuer l’impact de la hausse des prix sur le pouvoir d’achat des citoyens, notamment l’octroi de subventions exceptionnelles aux professionnels du secteur du transport routier, d’un montant atteignant 5 milliards de dirhams à fin 2022. Cette mesure a pour objectif d’atténuer la hausse du prix des carburants, et donc de maîtriser la diffusion de l’inflation aux produits de grande consommation.

Mais le gouvernement n’est pas allé plus loin dans le soutien au pouvoir d’achat des citoyens. L’option d’une éventuelle suppression pure et simple de la TVA sur les médicaments avait été annoncée par le ministre de l’Équipement et de l’Eau Nizar Baraka, en octobre dernier.

Le gouvernement a-t-il les moyens d’aller plus loin, en étendant cette suppression à d’autres produits, notamment alimentaires ? “Le gouvernement marocain n’est pas en mesure de prendre une telle décision relative à la suppression ou la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, sachant que la plupart de ces derniers sont exonérés (Article 91 du CGI, 2022)”, estime Rida Belahouaoui, consultant fiscaliste et chercheur en fiscalité.

Selon l’article 91 du Code général des impôts, est exonérée de la TVA une liste de produits dont le pain, le couscous, les semoules et les farines servant à l’alimentation humaine ainsi que les céréales servant à la fabrication de ces farines et les levures utilisées dans la panification, le lait, le sucre brut, les dattes, les produits de la pêche, la viande ou encore l’huile d’olive artisanale. A cela s’ajoutent les produits compensés, dont la facture a atteint 38 milliards de dirhams en 2022.

39% des recettes fiscales 
 
Étendre l’exonération à d’autres produits serait compliqué puisque “la TVA représente pour le Maroc environ 39% de ses recettes fiscales en 2022, ces dernières constituent la principale source de financement du budget général de l’Etat, soit plus de 64% de ses recettes”, explique Rida Belahouaoui. Cela représenterait un grand sacrifice pour le budget de l’Etat, dans un contexte marqué par le ralentissement de l’économie et par des investissements importants orientés vers des secteurs sociaux comme la santé ou l’éducation.

Pour protéger les plus vulnérables, “le gouvernement doit accélérer le déploiement et la généralisation progressive du Registre National de la Population (RNP) qui vise notamment à attribuer des aides directes aux familles vulnérables afin de supprimer les défaillances du régime RAMED et les défaillances relatives à la gouvernance de la Caisse de Compensation”, conclut le consultant fiscaliste.
Soufiane CHAHID

3 questions à Rida Belahouaoui 

« Le système fiscal marocain reste inefficace et inéquitable » 

Rida Belahouaoui, consultant fiscaliste et chercheur en fiscalité, a répondu à nos questions sur l’inflation et la possible exonération de la TVA pour les produits de première nécessité.

 
- Les mesures prises par le gouvernement et BAM sont-elles suffisantes pour juguler l’inflation ?

- Ces mesures prises par le gouvernement restent insuffisantes par rapport à la conjoncture nationale et internationale actuelll’inflation demeure globalement très élevée, ce qui amène Bank Al-Maghrib et le gouvernement à poursuivre leurs politiques économiques. En parallèle, les perspectives de l’économie mondiale continuent de se détériorer avec une forte décélération de la croissance attendue en 2023. 

- Le débat doit-il dépasser la seule TVA et concerner le système fiscal dans sa globalité ?

- Le système fiscal marocain reste inefficace et inéquitable, et il est caractérisé par une autosuffisance fiscale, puisque les recettes fiscales ne couvrent que 55% des dépenses du budget général. Le Maroc n’exploite pas entièrement son potentiel fiscal et perd en moyenne presque plus de 9% du PIB. 

- Quelle réforme adopter dans ce sens ?

- Il faut une vraie réforme fiscale, notamment en en matière de mobilisation de plus de recettes fiscales et la consécration du principe de l’équité fiscale entre les différentes catégories de contribuables, surtout en faveur de la classe moyenne. Avec le renforcement des efforts de l’administration fiscale en ce qui concerne la sensibilisation à une culture fiscale et l’amélioration d’un climat de confiance avec les contribuables.