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International

Niger: La Cedeao envisage une intervention militaire au succès incertain


Rédigé par L'Opinion Mardi 15 Août 2023

La situation reste confuse au Niger. D’un côté, les putschistes disent être ouverts à la négociation, de l’autre, la Cedeao penche aussi pour la voie du dialogue mais donne son feu vert pour une action armée.



La Cedeao a activé le 10 août sa « force en attente », avec le soutien de la communauté internationale, mais aucun calendrier ni modalité d’intervention n’ont été dévoilés. Et face aux voix discordantes au sein même de l’organisation, certains experts mettent en doute la faisabilité d’une telle intervention.

La « force en attente » de la Cedeao est déployée dans le cadre de missions liées au maintien de la paix. Elle a par exemple été déployée au Liberia en guerre civile en 1990, en Sierra Leone en 1997, également en guerre civile depuis 1991, en Gambie en 2017 lorsque le président sortant refuse de quitter le pouvoir après sa défaite à la présidentielle, et à plusieurs reprises en Guinée-Bissau.

Mais la Cedeao « ne s’est jamais entendue sur le type de missions spécifiques que doivent faire ces forces-là », explique Marc-André Boisvert, chercheur et consultant sur le Sahel affilié au Centre FrancoPaix à Montréal, interrogé par l’AFP.

« Fondamentalement, la force africaine en attente n’a pas été pensée pour rétablir l’ordre constitutionnel dans un pays où il y a eu un putsch (...) les États africains sont très jaloux en général de leur souveraineté et notamment dans les affaires de sécurité et de défense », estime de son côté Elie Tenenbaum, de l’Institut français des Relations Internationales (IFRI), toujours auprès de l’AFP.

Comme le rappelle Le Monde, la Cedeao n’a d’ailleurs déployé sa force « lors d’aucun des récents coups d’État, ni en Guinée et au Mali en 2021, ni au Burkina Faso en 2022 ».
 
Des désaccords entre pays ouest-africains
 
Le déploiement de cet engagement militaire « dépend de la volonté des contributeurs », ce qui « nécessite beaucoup de négociations entre les pays », note Marc-André Boisvert. Or il note « énormément de méfiance entre les pays » de la Cedeao.

Plus largement, de nombreux pays ouest-africains ont fait part de leurs réserves. Si le Bénin ou la Côte d’Ivoire se disent prêts à envoyer des troupes, le Mali et le Burkina Faso estiment qu’une telle intervention serait « une déclaration de guerre » faite au Niger. L’Algérie voisine a également estimé qu’une action militaire serait « une menace directe » pour sa propre sécurité.

Des critiques internes se font également entendre. Au Nigeria, parlementaires et responsables politiques, jusqu’au Sénat, demandent au président de reconsidérer sa position favorable à une intervention. Au Sénégal, plusieurs tribunes s’opposent à une action militaire, à laquelle le chef de l’État est lui aussi favorable. L’un de ces textes a été signé par plus de 170 personnalités politiques et issues de la société civile, rappelle RFI.

Une réunion des chefs d’état-major de la Cedeao devait se tenir samedi à Accra, au Ghana, pour discuter « des meilleures options » après l’activation de la « force en attente ». Mais le rendez-vous a été repoussé sine die pour « des raisons techniques », selon des sources militaires régionales. Une nouvelle réunion, cette fois du Conseil de paix et sécurité, en charge des conflits au sein de l’Union Africaine (UA), se tenait ce lundi à Addis-Abeba en Éthiopie.
 
Militairement, le Niger reste en position de force
 
D’après le général sénégalais Mansour Seck, cité par l’AFP, « une opération pareille doit mobiliser 3000 à 4000 soldats ». Or, « il est difficile de dégager des effectifs dans ces armées qui sont fragiles et manquent de moyens », estime Elie Tenenbaum.

En face, l’armée nigérienne serait forte d’environ 30.000 hommes, dont 11.000 déployés sur le théâtre d’opérations, selon les estimations du président Bazoum en 2022 rapportées par l’AFP.

D’après Amadou Bounty Diallo, analyste et ancien militaire nigérien contacté par l’AFP, les chefs d’état-major de la Cedeao « veulent prendre l’aéroport de Niamey », notamment pour y déployer des troupes aéroportées.

Mais pour le général Seck, « la piste d’atterrissage est facile à occuper par les putschistes, il suffit qu’ils y mettent des milliers de jeunes », sur lesquels les pilotes ne pourront pas tirer. « Ce ne sera pas une opération militaire simple (…) L’enlisement est l’un des risques encourus, cela dépend aussi de la détermination des gens sur place », analyse-t-il auprès de l’AFP.

Les putschistes bénéficient par ailleurs d’un fort soutien de partisans manifestant régulièrement dans la capitale, et se disant prêts à venir au secours de l’armée.

Brouille entre Paris et Washington autour du Niger

 
La diplomatie française n’apprécierait pas du tout que Washington soit ouvert à la négociation avec les nouvelles autorités nigériennes, rapporte Le Figaro. Paris semble lâché par tous ses alliés sur le dossier.

"Avec des alliés comme ça, on n’a pas besoin d’ennemis". La boutade semble avoir été remise au goût du jour au Quai d’Orsay, alors que la France se fait doubler sur la question nigérienne par son allié américain, rapporte Le Figaro.

Paris serait en effet furieux de voir Washington négocier avec les nouveaux maîtres du pays, après que le Président Mohamed Bazoum a été mis hors-jeu. La visite au Niger de Victoria Nuland, numéro trois de la diplomatie américaine, exaspère notamment côté français. Les Américains "ont fait tout le contraire de ce qu’on pensait qu’ils feraient", explique-t-on ainsi au Quai d’Orsay.

Autre pomme de discorde entre la France et les États-Unis: une potentielle intervention militaire, sous l’égide de la Cedeao. Alors que Paris pousse très fort en ce sens, Washington a initialement fermé la porte à un recours à la force, voulant préserver avant tout ses intérêts dans la région. "Il n’y a pas de solution militaire acceptable", déclarait ainsi début août le secrétaire d’État américain, Antony Blinken. Un coup dur pour Paris.

"C’était le coup de trop. Pour Emmanuel Macron, la crédibilité de la France, notamment en termes de discours sur la démocratie, était en jeu. Pour les Américains, même s’ils sont aussi préoccupés par un retour rapide à l’ordre constitutionnel, la priorité, c’est la stabilité de la région", explique ainsi un diplomate français au Figaro.

Pour les Américains, le principal enjeu au Niger réside dans la préservation de leurs bases militaires, à Niamey et Agadez, souligne encore le quotidien français. Au total, quelque 1.300 soldats américains sont répartis dans le pays.








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