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Maroc-Russie : Dividendes d’un éventuel Accord de libre-échange [INTÉGRAL]


Rédigé par Mohamed ELKORRI Mardi 8 Août 2023

Le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a exprimé sa volonté la semaine dernière de nouer un Accord de libre échange (ALE) avec le Maroc et d’autres pays nord-africains. Un rapprochement qui, en cas de concrétisation, serait enclin à changer la donne géostratégique et géopolitique pour le Maroc et toute la région.



La Russie est en train de s'atteler sur des Accords de libre-échange (ALE) avec le Maroc et d'autres pays d'Afrique du Nord, a annoncé le président Vladimir Poutine au cours de la semaine dernière, lors du Conseil de gouvernement.

Le dirigeant russe a souligné que son pays travaille sur une zone de libre-échange avec le Maroc, l'Egypte, la Tunisie et l'Algérie. « C'est toute l'Afrique du Nord. Il y a beaucoup plus de soi-disant points de développement sur le continent et il y a des pays très intéressants. Par conséquent, en aucun cas nous ne devons manquer d'autres régions», a-t-il annoncé quelques jours après la tenue du Sommet Afrique-Russie, à Saint-Pétersbourg, où Vladimir Poutine a pu rencontrer le Chef du gouvernement Aziz Akhannouch.

« Un ALE constituerait un virage stratégique dans les relations maroco-russes. Car le Royaume place la reconnaissance de sa souveraineté sur son Sahara au summum de ses intérêts», nous indique Mohamed Badine El Yattioui, professeur de géopolitique à l’Université américaine des Émirats Arabes Unis à Dubaï. Mais loin des questions politiques, les relations bilatérales entre le Maroc et la Russie sont au beau fixe, comme en témoignent les mégaprojets qui lient les deux parties ces dernières années. Dernier en date, et non des moindres, le partenariat signé entre le groupe russe Rosatom et l’entreprise marocaine Water And Energy Solutions, visant le dessalement d'eau de mer au Maroc. Par ailleurs, la bonne dynamique entre les deux pays se traduit également par le volume des échanges commerciaux qui a connu une augmentation de 42% en 2021, atteignant 1,6 milliard de dollars. Le Maroc est également parmi les premiers pays importateurs de gasoil russe dans le monde aux côtés de la Tunisie et de l’Algérie, et ce, malgré l’embargo des pays occidentaux sur Moscou. Des données communiquées par Reuters ont montré que les approvisionnements en diesel de la Russie vers le Maroc sont passés à 735.000 tonnes en 2022, après seulement 66.000 tonnes réalisés en 2021. Le Royaume représente ainsi plus de 12% du total des expéditions de gasoil russe.

Si aujourd’hui le business pétrolier va bon train entre Rabat et Moscou, un éventuel ALE peut donner au Maroc « un accès renforcé aux produits pétroliers russes, notamment des raffineries russes qui sont capables de produire des produits pétroliers à faible teneur en soufre conformément aux spécifications marocaines, et qui sont moins chers », nous indique Anas Abdoun, Relation Senior Analyst Africa & Middle-East chez Stratas Advisors, ajoutant que les dividendes sur le secteur agricole sont innombrables (voir 3 questions à…).
 
Reconfiguration géopolitique !

Ceci dit, un éventuel ALE avec la Russie reste tributaire d’un positionnement clair et net sur l’intégrité territoriale du Maroc, comme en témoignent les dernières positions du Royaume à l’encontre des pays qui font preuve d’ambiguïté. Toutefois, cette décision toucherait de plein fouet la relation russo-algérienne, sachant qu’Alger est le premier partenaire de la Russie dans le continent.
 
Sur un autre registre, et vu les moult enjeux géopolitiques d’une telle initiative, tout porte à croire que l’UE et les Etats-Unis s’opposeraient à une zone de libre-échange entre les pays nord-africains et la Russie en raison du manque à gagner qu’un tel accord pourrait générer pour les Occidentaux. « Une telle zone devrait changer la donne géopolitique de la région nord-africaine et contraindre les pays de cette région à basculer de leur positionnement du « non-alignement » à celui de « multi-alignement », tout comme la Turquie et l’Arabie Saoudite », estime Mohamed Badine El Yattioui.
 
Les pays de la région qui reçoivent des aides financières et militaires importantes des Etats-Unis, dont le Maroc, vont se retrouver dans une impasse. Mais il n’en demeure pas moins que ces contraintes seraient loin d’arrêter les ambitions du Maroc à l’échelle internationale. «Le Royaume semble ces derniers temps, à travers les discours de SM le Roi Mohammed VI, avoir une appétence au multi-alignement, souhaitant parachever un maximum d'accords de partenariat avec plusieurs pays amis», a indiqué notre interlocuteur.

Pour sa part, la Russie a montré sa volonté d’approfondir ses relations avec le Maroc. Les perspectives du développement commercial sont de taille, comme l’a bien souligné la porte-parole de la diplomatie russe lors du Sommet et Forum économique Afrique-Russie, indiquant que les entreprises russes sont intéressées par le développement du secteur de l’énergie et la mise en œuvre de projets dans les domaines de la haute technologie et de la logistique.

 

3 questions à Anas Abdoun « Un ALE avec la Russie allégerait la facture énergétique du Maroc »

Anas Abdoun, Relation Senior Analyst Africa & Middle-East chez Stratas Advisors, répond à nos questions.
Anas Abdoun, Relation Senior Analyst Africa & Middle-East chez Stratas Advisors, répond à nos questions.
Quel bénéfice pour le Maroc d'un ALE avec la Russie ?
 
Si l'on analyse les importations russes en 2019, entre les produits textiles et les fruits et légumes, la Russie a importé pour près de 25 milliards de dollars. Un Accord de Libre Echange (ALE) entre les deux pays rendrait le Maroc plus compétitif et précisément à la Russie qui opère une reconfiguration sur ses marchés d'importations et d'exportations.
 
La concurrence pour certains produits agricoles en provenance d'Europe du Sud est maintenant compliquée en raison des sanctions et des problématiques de paiement. Un ALE dans ce contexte permettrait au secteur agricole de se positionner sur le marché russe et d'y garder une part de marché intéressante, indépendamment de l'évolution de la situation internationale.
 
Quels dividendes pour le Maroc ?
 
Le Maroc peut bénéficier d'un accès renforcé aux produits pétroliers russes, notamment des raffineries russes qui sont capables de produire des produits pétroliers à faible teneur en soufre conformément aux spécifications marocaines, et qui sont moins chers. L'importation de produits pétroliers par le Maroc ne va pas à l'encontre des sanctions internationales contre la Fédération de Russie et nous permet d'alléger la facture énergétique, qui représente encore la part la plus importante de nos importations.
 
L'autre point est que la Russie exporte beaucoup de matières premières qu'elle avait pour habitude de stocker au port de Rotterdam. Les sanctions de la Commission Européenne permet à Tanger Med de monter encore en puissance en permettant le stockage et le négoce à partir de ce port des produits russes toujours fortement demandés à l'international.
 
Quel enjeu pour la balance commerciale entre les deux pays ?
 
Un ALE avec la Russie pourrait augmenter les exportations marocaines, tandis qu'une partie des exportations russes en Europe ou ailleurs pourrait être faite via le Maroc grâce à ses infrastructures portuaires et à sa forte connectivité maritime.

Maroc - Russie : Un ALE souhaité par Moscou sur la base de win-win

Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a indiqué en marge du deuxième Sommet et Forum économique Afrique-Russie, qui s’est tenu les 27 et 28 juillet dernier à Saint Pétersbourg, que le Maroc fait partie des trois premiers partenaires de la Fédération de Russie en Afrique, notant, à cet effet, que le Royaume est deuxième en termes d’exportations et troisième en termes d’importations. “Les échanges commerciaux ont augmenté de plus de 25% depuis 2021 et la même dynamique a été observée au cours des premiers mois de l’année en cours”, a relevé Mme Zakharova, notant que la pêche est l’un des principaux secteurs de coopération entre les deux pays. S’agissant des perspectives du développement des relations commerciales avec le Maroc, la porte-parole de la diplomatie russe a indiqué que les entreprises russes sont intéressées par le développement du secteur de l’énergie et la mise en œuvre de projets dans les domaines de la haute technologie et de la logistique.

L’info...Graphie


Dilemme stratégique : La Russie ou la Chine ?

Certains observateurs affirment que le régime russe s'adonne ces derniers temps à changer de paradigme, en mettant plusieurs pays face à des dilemmes stratégiques, tels que le choix entre la Russie ou l'Occident.
 
"Je ne pense pas que l'idée de la Russie soit de placer le Maroc devant un dilemme. Moscou cherche de nouveaux partenariats économiques et sait l'importance de l'Afrique, en général, et du Nord, en particulier", a précisé professeur Mohamed Badine Yattioui.

Ces mêmes observateurs exhortent à opter plutôt pour un rapprochement avec la Chine, en raison de son économie très industrialisée, qu'avec la Russie. Selon Pr Yattioui, économiquement, la Chine offre plus d'opportunités au Maroc. La Russie serait bénéfique surtout sur le plan énergétique et céréalier pour le Maroc.

Globalement, l'avenir du continent africain est enclin à être comblé moyennant un rapprochement avec la Chine, précise notre interlocuteur, indiquant que la Russie revient dans la course sur le plan de la présence militaire en Afrique, mais n'a pas la capacité d'investissement de la Chine sur le long terme. "De plus, Beijing a pris beaucoup d'avance. D'autres pays vont vouloir jouer un rôle en Afrique dans les prochaines années : Inde, Turquie, Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis", a-t-il déclaré.

Rappelons que la Chine et la Russie visent à asseoir leur influence dans les pays du continent. Des lignes ferroviaires, des infrastructures civiles : la Chine multiplie les projets gigantesques en coopération avec des États africains, dont elle devient l'un des principaux bailleurs de fonds. En effet, un grand projet d'infrastructure sur trois en Afrique est construit par des entreprises d'État chinoises, un sur cinq est financé par une banque institutionnelle chinoise.








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