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Maroc-Algérie : Ce que coûte la rupture aux économies des deux pays ?


Rédigé par Anass MACHLOUKH Dimanche 14 Août 2022

A l’occasion de la fête du Trône, SM le Roi Mohammed VI a tendu une main amicale aux dirigeants algériens qui, comme à l’accoutumée, ont botté en touche. Une posture qui réduit à néant les espoirs d’une éventuelle intégration régionale, qui serait bénéfique à tout le Maghreb et même au continent.



Ph : Farouk Batiche/AFP
Ph : Farouk Batiche/AFP
Près de deux semaines après le discours du Trône dans lequel SM le Roi Mohammed VI a tendu la main aux dirigeants d’Alger pour tourner la page de la crise, aucune action de bonne volonté n’a été engagée du côté du palais d’El Mouradia.

Si le Souverain s’est adressé directement aux dirigeants algériens, les appelant à la raison, au moment où les tentatives visant à semer la zizanie entre les deux peuples frères s’intensifient, Abdelmajid Tebboune a opté, comme à l’accoutumée, pour la stratégie du pire, en bottant en touche et en laissant les porte-voix du régime algérien faire leur travail de propagande. Un positionnement qui bloque le processus d’intégration régionale qui pourrait hisser les économies des deux pays - ainsi que toute la région - à un niveau supérieur.

Car oui, les potentialités économiques de la région, grâce à ses multiples ressources, sont de taille : pétrole, gaz, phosphate, ressources halieutiques en abondance, paysage naturel attractif… tous les ingrédients de la réussite sont présents, cependant, la volonté politique fait défaut, « ce qui coûte cher aux pays du Maghreb », nous indique Zakaria Abouddahab, expert en relations internationales et Professeur à l’Université Mohammed V à Rabat. «Le marasme du Maghreb arabe coûte à peu près un point du PIB de croissance chaque année», estime-t-il.

Energie, agroalimentaire, souveraineté… orientation kamikaze !

Le manque à gagner le plus marquant, suite à la rupture entre Rabat et Alger, se situe au niveau des secteurs de l’énergie et de l’agroalimentaire. Si l’Algérie est le troisième pourvoyeur en gaz pour l’Europe, après la Russie et la Norvège, et quatrième exportateur d’ammoniac dans le monde, le Royaume détient pour sa part plus de 70% des réserves mondiales de phosphate brut. Les réserves des deux pays constituent donc une opportunité de créer la base de production d’engrais la plus compétitive sur le marché international, dont les potentialités d’emplois et de développement seraient énormes, sans oublier l’apport à la souveraineté alimentaire de la région, alors que le monde entier fait face à de graves menaces climatiques.

Actuellement, pour produire ses engrais, l’OCP importe 1,5 à 2 millions de tonnes d’ammoniac par an, mais travaille sur des solutions plus durables, en synthétisant de l’ammoniac vert à partir de l’hydrogène vert issu des ressources énergétiques renouvelables nationales. D’ailleurs, sur le volet des énergies vertes, l’Algérie pourrait tirer profit de l’expérience du Maroc, qui dispose d’un énorme potentiel naturel de production d’énergie solaire, éolienne et hydroélectrique, surtout avec les nouvelles normes européennes sur la décarbonation industrielle.

Du moment que cet éloignement des combustibles fossiles constitue une menace existentielle pour des pays, comme l’Algérie, qui restent dépendants du pétrole et du gaz, le passage aux énergies vertes devient un impératif stratégique et un choix de survie. Au niveau interne, Alger produit plus de 90% de son électricité à partir du gaz tiré de ses sols, sachant qu’il dispose de 3.000 heures d’ensoleillement annuel moyen.

De son côté, le Royaume dispose d’une capacité de production électrique installée totale d’environ 11.000 MW, dont 4.030 MW d’énergies renouvelables, sachant que 4.516 MW supplémentaires d’énergies renouvelables sont en construction ou prévus.

Outre les métaux et les engrais, le Royaume exportait des produits textiles au voisin de l’Est, avant que ce dernier ne rompe de manière unilatérale ses relations diplomatiques avec Rabat, tout en fermant l’espace aérien à tous les avions marocains. Une rupture qui a poussé certains commerçants à aller vers la voie de la contrebande, ou carrément abandonner les échanges entre les deux pays.

Ce ne sont là que quelques exemples de secteurs qui pourraient exploser si les relations des deux pays étaient au beau fixe. En optant pour la stratégie du pire, le régime algérien cherchait à mettre le Maroc dans une situation économique périlleuse, notamment en mettant fin au contrat du Gazoduc Maghreb-Europe (GME), mais il n’en fut rien. Le marché national n’a aucunement été affecté, du fait que le gaz qui était en provenance du voisin de l’Est n’était utilisé que dans la production de l’électricité dans les centrales de Tahaddart et de Aïn Béni Mathar.

S’agissant des affaires, l’essentiel des relations économiques marocaines se font en Europe, en Amérique et de plus en plus en Afrique subsaharienne. Contrairement à l’Algérie, la rupture entre Rabat et Alger n’est pas fatale pour l’économie nationale. Toutefois, leur réconciliation serait une aubaine pour toute la région, qui demeure touchée de plein fouet par les ravages de la conjoncture.



Anass MACHLOUKH

3 questions à Zakaria Aboudahab

Maroc-Algérie : Ce que coûte la rupture aux économies des deux pays ?

« Il s’agit de relations entre peuples plutôt qu’entre Etats »
 
Zakaria Abouddahab, expert en relations internationales et Professeur à l’Université Mohammed V à Rabat, a répondu à nos questions sur le coût de la rupture entre le Maroc et l’Algérie et les perspectives du futur.

 
- A quel point la rupture est-elle préjudiciable aux intérêts des deux pays ?

- La situation actuelle ne date pas d’aujourd’hui. Beaucoup d’études d’institutions internationales, dont la Banque Mondiale et l’OCDE, reconnaissent que la dislocation du Maghreb coûte très cher aux pays de la région. Le marasme du Maghreb arabe leur coûte à peu près un point du PIB de croissance chaque année. Les dégâts du « non Maghreb » ne sont pas qu’économiques.

Sur le plan sécuritaire, le Maroc et l’Algérie sont confrontés tous les deux à des risques non-conventionnels, à savoir le trafic des migrants en plus du péril terroriste au Sahel, une région jouxtée par les deux pays, et où il n’y a pas assez de maillage étatique. Actuellement, on peut donc mesurer le coût de la non collaboration entre Rabat et Alger.


- Peut-on se permettre le luxe de laisser perdurer le statu quo ?


- Le maintien du statu quo avec la fermeture des frontières, la rupture des relations diplomatiques et l’interdiction de l’espace aérien algérien au Maroc ont un coût économique et surtout social. J’ajoute que tant que la rupture dure, les deux pays se verront empêtrés dans une course à l’armement et à la hausse des dépenses militaires, alors que de tels investissements auraient pu être orientés vers des secteurs plus utiles.


- La réconciliation a-t-elle une chance ?


- Personnellement, je crois que la réconciliation est possible bien que cela paraisse complexe. Il suffit de commencer par le rétablissement des relations diplomatiques et entamer un dialogue. Les deux pays sont condamnés par l’Histoire et la géographie à coopérer parce que, finalement, il s’agit de relations entre peuples plutôt qu’entre Etats.



Recueillis par Anass MACHLOUKH

 








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